Marche du mardi : la victoire comme illusion

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Comme elle l’avait annoncé, l’opposition guinéenne a essayé de marcher hier sur l’autoroute Fidel Castro Ruiz. Mais en réalité, son initiative est restée au stade de l’intention. Parce qu’en application de la décision des autorités qui avaient interdit que la manifestation se déroule sur cette voie, les services de sécurité, fortement déployés notamment au point de ralliement de la Tannerie, en ont absolument refusé l’accès. Ce qui a donné lieu à quelques altercations, à des courses-poursuites, arrestations et tout naturellement des dégâts importants dont l’incendie d’un poste de police au niveau de Cosa. Vu la détermination qu’affichait chacun des camps dans la matinée, ce résultat donne l’impression que les forces de l’ordre et par ricochet, le pouvoir l’ont emportée. Ce n’est là qu’une illusion, sinon une erreur de lecture

Certes, si on envisage les choses exclusivement sous l’angle du bras de fer et du rapport de force physique, le pouvoir a de quoi se féliciter. Dans la mesure où les agents qu’il a fait déployer sur le terrain ont globalement réussi leur mission. Surtout qu’à la clé, on peut ajouter que personne n’a été tué. Mais dans le cas d’espèce, il faut voir les choses selon une perspective plus grande, et là, on comprendra qu’il n’y a guère de victoire à célébrer.

En effet, si les forces du général Bafoé ont effectivement réussi à contenir les manifestants de l’opposition voire à les repousser de manière à les confiner sur l’axe de la route le Prince, elles n’ont cependant aucune prise sur les effets que cela a occasionnés. Autant une marche pacifique et encadrée serait restée sans effets, autant l’empoignade d’hier a plongé toute la capitale guinéenne dans une tension. En raison des altercations provoquées, les deux principaux axes routiers, l’autoroute Fidel Castro et la route le Prince, sont restés impraticables une bonne partie de la journée. Naturellement, cela a eu pour conséquence, les interminables bouchons au niveau des corniches nord et sud. Et bien entendu, même si on n’en en pas encore le bilan exhaustif, les activités économiques en ont été impactées. Mieux, l’image du pays et la perception de sa stabilité en ont pris un coup. D’autant que les médias internationaux ont parlé de la crise.

Le pouvoir et les services de sécurité peuvent donc bomber le torse et triomphalement crier à la victoire. Mais ce serait la preuve qu’ils ignorent tout des enjeux de la crise. En effet, l’opposition n’est pas nécessairement dans la logique de démontrer une capacité de mobilisation en drainant du monde dans la rue. Son triomphe réside plutôt dans la tension et le désordre. Comme l’ont démontré les manifestations des dernières semaines en faveur de la réouverture des classes, le pouvoir ne recule que devant ce qui le menace. C’est-à-dire la tension qu’il contribue à créer en s’évertuant à restreindre l’exercice des libertés par ses adversaires

S.Fanta

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