Le peuple de guinée doit rester vigilant face à une classe politique gangstérisée

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Porter une réflexion critique sur le microcosme politique guinéen n’est pas chose aisée, il faut être outillé d’une loupe performante accompagnée d’une mémoire vive dans laquelle, les détails ont un sens autre que celui injecté dans l’opinion publique. Cela en raison de l’enchevêtrement des intérêts complexes liant les différents protagonistes. Ces intérêts, quoiqu’on dise, n’obéissent à aucun critère objectif ou politiquement conventionnel.

Au risque de se perdre dans les limbes du microcosme politique guinéen, il faut s’approprier des traits généraux qui caractérisent les personnages qui officient dans ce milieu, car hélas en Guinée, la politique n’est point une question d’idéologies, de tendances ou de programmes politiques, mais plutôt une question d’individus, d’ethnies, d’opportunisme voire d’affairisme. C’est la raison pour laquelle quiconque veut s’imprégner de l’environnement politique guinéen, devrait d’abord intégrer ces facteurs dans son raisonnement comme des prémisses majeures.

Pour cerner donc le phénomène, il serait impérieux de construire son approche sur le prisme du personnage central qui en l’occurrence, est le Professeur Alpha Condé, président de la République. Ce dernier, épicentre de la politique guinéenne, se veut un personnage insaisissable et absolument imprévisible.
Ceci dit, ce personnage, pour haranguer la foule, adore faire des boutades pour nuire à la réputation de ses adversaires politiques, mais le plus souvent, quand on se met à l’analyse, on se borne à appréhender le phénomène comme de simples écarts de langage et parfois ces propos se trouvent être considérés comme indignes d’un chef d’Etat, et on s’arrête là. Et pourtant, le réel du personnage se trouve paradoxalement dans ces soi-disant écarts de langage que Monsieur le président de la République exprime avec fierté mais surtout en toute conscience et conviction.

Parmi ces boutades, malgré leurs caractères foisonnants, celui qui retient mon attention est celui-ci :

‘’DANS QUELQUES ANNÉES, IL N’Y AURA PLUS D’OPPOSANTS EN GUINÉE… CE NE SONT QUE DE PETITS COMPTABLES, DES NAINS POLITIQUES, etc.’’

Au moment des faits, il existait une forte opposition politique à Alpha Condé et on croyait que ces boutades n’étaient que des expressions fantasques de la part d’un homme intellectuellement limité. Cette opposition semblait unique et, malgré les divergences, elle était essentiellement resserrée autour de Mamadou Cellou Dalein Diallo (président de l’UFDG, parti majoritaire de l’opposition ndlr).

Sidya Touré, Lansana Kouyaté, Aboubacar Sylla, Abé Sylla, Faya Millimouno, Papa Koly Kourouma, Kassory Fofana, Boubacar Barry, Mouctar Diallo pour ne citer que ceux-ci. Étant tous des figures de proue de la classe politique guinéenne ; ces différents personnages, en dépit de leurs antagonismes propres, étaient tous animés par une seule idée, celle d’empêcher l’immersion du penchant naturel de l’homme : celui de son aversion à la contradiction, de sa propension à la tyrannie et à une éventuelle boulimie du pouvoir de sa part parce qu’après quarante années de lutte, rien ne pouvait rassurer la classe politique que le président guinéen céderait facilement le pouvoir dont il est le seul détenteur. Mais surtout, ces personnalités étaient toutes convaincues qu’Alpha Condé disposait d’une velléité certaine, celle de procéder de manière ingénieuse à une véritable phagocytose de l’ensemble des institutions de la république à l’effet d’assujettir ces dernières à sa volonté. Pour ce faire, une union entre toutes les figures proéminentes de l’opposition politique s’avérait non seulement nécessaire mais surtout indispensable pour la survie de la démocratie en Guinée. En outre, cette union frisait avec tout ce qu’il pouvait y avoir de naturel en ce sens que l’essentiel des membres de cette opposition se réclamait de l’idéologie ‘’Libérale’’ surtout, quand on sait que l’homme contre lequel ils étaient contraints de s’unir faisait partit de l’international socialiste.

Nous autres observateurs, avions pris assez de plaisirs à apprécier chaleureusement cette évolution dans les mentalités en Guinée. Malheureusement, celle-ci ne fut que de courte durée.

‘’LA POLITIQUE EST UN VÉRITABLE JEU DE DUPES.’’

Alpha Condé n’étant pas dupe, savait mieux que quiconque que son salut ne se trouverait nulle autre part que dans sa capacité à scissionner et à segmenter son opposition politique en autant de groupuscules qu’il en serait nécessaire.

Pour ce faire, en bon politicard, le président guinéen laissait quelques fois filtrer son côté austère et méticuleux. Dans ses élucubrations, nul ne peut imaginer toutes les hypothèses qu’il a réussi à construire pour atteindre son but.

En politique, on dit souvent que c’est seule l’histoire qui donne raison.

À ce jour, l’histoire a donné raison au plus constant de tous les hommes politiques guinéens. L’homme a réussi à faire pâtir toute son opposition, même les plus radicaux de celle-ci, en y instituant une chienlit du jamais vue en Guinée. Le président Alpha Condé, dans sa tête, sa stratégie a toujours été claire, elle consistait à isoler complètement le président de l’UFDG qui en réalité, au regard des résultats des différents scrutins, constitue l’alternative la plus crédible pour chasser Alpha Condé du pouvoir.

Ainsi, pour atteindre son but, l’homme a réussi à vendre le côté sombre de son véritable adversaire en ne laissant à ce dernier que l’article 10 de la constitution comme marge de manœuvre. Il a réussi en outre, à restreindre et empester de manière drastique le pouvoir de nuisance de Cellou Dalein Diallo tout en le vendant comme un ‘’éternel perdant’’ mais surtout un égoïste et tyran.

Cellou Dalein n’étant pas chef de l’Etat, alors comment peut-il être perçu ainsi ?

Alpha condé, en bon stratège, a bâti sa politique de déconstruction et de déconfiture de son opposition sur les bisbilles et les problèmes d’ego qui caractérisent celle-ci. À travers une loi qui a été unanimement adoptée par le Parlement guinéen, Alpha Condé a réussi à faire de Cellou Dalein Diallo, le chef de file de l’opposition guinéenne ; chose qui a sans doute déplu à certains ténors de cette opposition. Le président Condé ne pouvait l’ignorer et pire encore, Cellou Dalein et son groupe parlementaire ont promptement accueilli cette mesure sans consultation ni consensus préalable de leurs alliés.

Conséquence première de cet acte, les alliés de poids du chef de file (Sidya Touré, Lansana Kouyaté …) ont commencé à se détacher peu à peu jusqu’à se défaire complètement de leurs alliances avec ce dernier. Ceux-là (Aboubacar Sylla, Mouctar Diallo, etc.) qui n’ont aucune base politique et qui redoutaient l’idée d’une disparition politique, en revanche n’avaient autre choix que de demeurer aux côtés de Cellou Dalein comme thuriféraires et larbins politiques de ce dernier à l’effet d’être soutenu à chaque scrutin comme ce fut le cas des législatives de 2013.

‘’LA POLITIQUE, C’EST AUSSI L’ART DE PARTAGER CES BUTINS’’

Après les trois élections organisées en Guinée (législatives, présidentielles et communales ndlr) sous l’ère Alpha Condé, seulement deux partis ont réussi à tirer leurs épingles du jeu ; ce sont le RPG arc-en-ciel et l’UFDG. Puisque la politique, c’est aussi l’art du compromis et donc de se partager le gâteau issu de la joute électorale en toute bienséance ; les alliés de Cellou Dalein Diallo comprirent peu à peu que ce dernier était encore pire qu’Alpha Condé. Malheureusement, l’économie du pays n’aidant pas, ils furent pris dans le piège de la précarité économique et de l’opportunisme politique. Là, où j’ai plus de chances d’avoir à manger et de survivre, c’est là que je me dirige ; cela au grand dam de mes convictions et intégrités, on s’en fout ; dit-on en Guinée.

À l’analyse, c’est la seule lecture plausible qu’on peut faire des différentes transhumances politiques de l’opposition à la mouvance et vice-versa ; c’est de la realpolitik tout simplement et le président Condé a bien intégré ce facteur à sa logique, car chez nous, on parle souvent d’un concept assez particulier, celui de la fonctionnarisation de l’opposition politique.

Dès lors, on pourrait trouver une explication relativement rationnelle à l’arrivée de certains opposants farouches au régime Condé, au chevet de ce dernier. Dans cette longue liste d’arrivistes, on peut notamment citer : Sidya Touré, Tibou Camara, Boubacar Barry, Kassory Fofana, et tout récemment Mouctar Diallo. Ce jeune Mouctar Diallo, on se rappelle encore qu’en 2013, il avait juré de demeurer la ‘’main’’ du chef de file de l’opposition quel que soient les aléas de la vie, cela au péril même de son propre parti politique les NFD (nouvelles forces démocratiques ndlr). Depuis quelques jours, on peut constater de façon manifeste, le rapprochement entre le président Condé et Mouctar Diallo qui est pressenti comme membre important du prochain gouvernement. Ceci ne devrait étonner guère personne, car le jeune Mouctar, sans doute profondément attaché à ses ambitions démesurées, ne peut être autre chose qu’une proie facile et probablement candide, piégé dans le sort d’un dessein qui le dépasse.

Aujourd’hui, on peut attester avec véhémence que le président Alpha Condé a atteint avec brio son objectif principal, celui de phagocyter toute son opposition et d’isoler son challenger favori. Sur ce point, je dois préciser que Cellou Dalein numéro un de l’opposition guinéenne est davantage le souhait du président que la réalité des faits en Guinée. En ce sens qu’au regard des caractères des autres opposants, le président Condé savait que l’ex Premier ministre et actuel président de l’UFDG ferait un opposant parfait pour la simple raison que ce dernier, malgré l’abondance et l’engagement de ses militants, ne dispose ni de courage politique pour l’affronter, ni de vision pour diriger ses troupes, ni de conviction politique profonde pour rallier des gens pas acquis d’office à sa rhétorique bancale.

‘’ALPHA CONDE N’OUBLIE PAS L’IMMINENCE DES ENJEUX DE 2020’’

Au terme du scrutin communal du février dernier, tous les observateurs s’attendaient à un grand remaniement ministériel accompagné d’un changement de Premier ministre parce qu’il était établi que Mamady Youla, à l’instar de Saïd Fofana (ex Premier ministre d’Alpha Condé ndlr), n’avait ni la personnalité, ni le courage ; il était davantage perçu comme un fantoche à la solde d’Alpha Condé plutôt qu’un homme imbu d’expériences comme il a été présenté à l’opinion.

Il est de notoriété publique que le président Alpha condé n’est pas un adepte du chamboulement dans son microcosme politique. Mais au regard des défis surtout économiques qui restent à solder et les enjeux politiques notamment les très prochaines élections législative et présidentielle qui deviennent imminentes ; tous les observateurs s’accordent à dire que le prochain Premier ministre aura une forte personnalité disposant d’un charisme évident voire imposant. Il serait sans nul doute, une personnalité qui maîtrise les sujets prioritaires de la gouvernance Condé et bénéficiant d’une légitimité certaine à l’aune de la classe politique en particulier, le parti présidentiel (RPG arc-en-ciel ndlr) mais aussi, il est censé avoir une assise électorale certaine auprès de la populace.

Ce nouveau profil du Premier ministre et cette évolution considérable de l’actualité politique guinéenne, un homme l’a bien cerné, il s’agit de Docteur Ibrahima Kassory Fofana, actuel ministre d’État en charge des questions d’investissement et de partenariat public/privé.

En effet, le samedi dernier, des alliés relativement importants de la gouvernance Condé dont Kassory Fofana, Boubacar Barry, Bah Fisher… Ont procédé à la fusion de leurs partis dans le RPG arc-en-ciel à l’effet de créer une osmose entre eux et les militants dudit parti notamment les plus sceptiques. Des langues indiscrètes racontent que cet acte était la seule obstruction que l’aile dure du RPG aurait opposé à Kassory Fofana qui est pressenti depuis plusieurs mois comme le prochain Premier ministre et éventuellement le probable dauphin du président de la république sous réserve que ce dernier accepte de jeter l’éponge et de respecter l’ordre constitutionnel tel qu’il est établi. Ceci n’est qu’une hypothèse parmi tant d’autres.

Cette fusion du parti GPT (Guinée Pour Tous ndlr) du Ministre d’Etat Kassory dans le RPG pour la plupart des gens est un non-événement pour l’opinion, cela pour 3 raisons :

1- Il existerait une espèce de fusion entre le professeur Alpha Condé et Dr Kassory Fofana depuis quelques temps déjà ;

2- Le parti de Kassory ne disposerait pas d’assise politique confortable au niveau national dans le sens réel du terme ;

3- La carrière administrative de l’homme auprès de l’ex président de la république, le Général Lansana Conté, laisse davantage de suspicions que de pleines satisfactions.

Pour ma part, ce fort personnage de la gouvernance Alpha Condé, en voulant certes bien faire, vient de poser, ma foi, un acte qu’il ruminerait pendant longtemps. J’ignore si cet acte a été suffisamment muri mais de ce qu’il apparaît, cet acte est davantage perçu comme une contrainte que l’expression d’une réelle volonté de l’homme. Car, rien n’est plus cher que l’indépendance de soi.

Cette vague de fusion dans un parti en pleine déliquescence et en manque réel de points d’appui, soulève plus de questions que n’apporte de solutions. Dans tous les cas, l’avenir nous édifiera.

Par ailleurs, on pourrait toutefois entrevoir une toute autre lumière différente de celle qui apparait car imaginer le président professeur Alpha Condé, après quarante années de conquête du pouvoir, céder son pouvoir à un homme qui ne fait forcément pas l’unanimité auprès de la population, fut-il un homme très ingénieux comme DonKass, me paraît trop beau pour être vrai.

Suivant le caractère imprévisible du chef de l’Etat guinéen et le flou ingénieux qui caractérise ses discours et ses actions, il parait assez invraisemblable que ce dernier abdiquerait si facilement à l’effet de ne point se présenter à sa propre succession en 2020.

Ce qui à ce jour reste certain, c’est que le président guinéen n’a pas apprécié l’échec de sa mouvance au scrutin communal et il n’apprécierait guère une probable perte de l’hémicycle. Donc, au risque de foutre en l’air tous ces mégas et ambitieux projets qui de plus en plus lorgnent l’horizon 2020-2024, Alpha Condé semble tout à fait déterminer à gagner coûte que coûte la très prochaine élection législative à l’effet de s’octroyer la meilleure disposition pour affronter les démons qui hantent la période fatidique de 2020.

De ce point de vue, toutes les démarches du professeur Alpha Stratège Condé deviennent compréhensibles, car celles-ci viseraient à lui garantir une grande légitimité qui pourrait éventuellement, en tout cas dans les faits, juguler les problèmes liés au respect de l’ordre constitutionnel tel qu’il est établi, car l’hypothèse d’un changement de constitution me paraît assez utopique voire suicidaire.

Tenez-vous bien, à ce jour, qui de l’opposition ne deale pas avec Alpha Condé ?

Les 99% de la frange importante de l’opposition telle qu’elle était constituée en 2011-2012 sont tous devenus des collaborateurs proche, immédiat ou relativement lointain du régime Condé, y compris Cellou Dalein Diallo chef de file de ladite opposition, cela en raison de leurs penchants opportuniste mais surtout affairiste.

Tout compte fait, il est un secret de polichinelle que de savoir que la force du régime Condé ne se trouve nulle part ailleurs que dans l’impertinence, l’incompétence, l’incohérence, la cupidité, la stupidité, le manque d’intégrité, de conviction et de patriotisme de la classe politique guinéenne dans son entièreté.

À cela, le peuple de Guinée, damné par une classe politique sans scrupules, a le devoir de se mettre debout et de rester vigilant et stoïque au risque de s’enliser dans la précarité économique et de se perdre dans une instabilité politique et sociale sans précédent.

CHERINGAN

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