Un nouveau premier ministre pour quoi faire ?

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Le 22 mai 2018, le président Alpha CONDE a finalement nommé le nouveau premier ministre en la personne de Docteur Ibrahima Kassory FOFANA, jusque-là ministre d’État à la présidence chargé des investissements et des partenariats publics et privés.

La nouvelle a ainsi confirmé la rumeur qui courait dans les rues scabreuses et les bars surchauffés de Conakry depuis quelques semaines.

Depuis sa promesse de changer de gouvernement, le 08 mars 2018 lors de la célébration de la journée internationale des femmes, le président de la République n’avait cessé d’alimenter les débats et les fantasmes chez les observateurs. L’administration publique tournait au ralenti pour ne pas dire qu’elle s’était arrêtée.

Si « Don Kass » figurait parmi les favoris pour occuper ce poste de Premier ministre, nombreux sont les commentateurs qui pensaient que la principale condition établie par le Bureau Politique National du RPG arc-en-ciel (être du parti au pouvoir pour devenir Premier ministre), allait constituer un frein à l’ascension de ce dernier. Car il est clairement établi que monsieur Kassory Fofana aspire à occuper le Kibanyi de Sékoutoureyah. En 2015, malgré ses efforts et son slogan controversé d’« un coup KO » pour la réélection de son champion, son parti le GPT garda son indépendance et refusa d’être absorbé par le RPG arc-en-ciel.

Cette fusion du GPT et d’autres partis de la mouvance présidentielle comme le PNR de BAH Fisher et l’UNR du ministre de l’industrie et des PME Boubacar BARRY dans le parti au pouvoir, trahit l’image du dur à cuire que le président tient tant à véhiculer. Lui, qui martelait à qui veut l’entendre qu’il ne nommera pas un gouvernement sous la pression ou le diktat. Nous savons et depuis toujours que le président cède à la pression puisque refusant, et ce, en violation flagrante des dispositions de la Constitution, à couper le cordon ombilical avec le RPG arc-en-ciel, il accède aux desiderata de celui-ci.
L’autre fait marquant de ce remaniement est le maintien du pacte hautement antirépublicain entre le président de la République et la région naturelle de la basse Guinée. Ce calcul à caractère régionaliste qui veut que tous les premiers ministres sous la troisième république soient issus de cette région, est né dans la tête du candidat Alpha CONDE et il a encore la peau dure. Quitte à empiéter davantage sur le tissu social déjà en lambeau depuis belle lurette.

À présent que tous les regards sont tournés vers ce nouveau gouvernement qui, nous espérons sera à l’écoute du peuple et surtout de la fameuse « majorité silencieuse » qui fulmine dans la dèche et prend son mal en patience, il est légitime de se poser cette question : que peut faire ce nouveau gouvernement ?

La question mérite tout son pesant d’or. Dans un État où le président de la République reste hyper présent avec à la clé, la fragilisation des institutions républicaines, la caporalisation et la politisation à outrance de l’administration publique, le rôle du premier ministre reste dérisoire. Volonté réelle de changement du président ou deal politique entre le RPG arc-en-ciel et le défunt GPT ? Le chef de l’Etat qui ne ménage guère les personnages qui pourraient lui faire ombrage, laisserait-il les mains libres à M. FOFANA ? Déjà, des sources proches du petit palais affirment qu’une bonne partie de l’ancien gouvernement sera reconduite.

L’on se souvient encore que ses prédécesseurs ont brillé par leur absence et leur mutisme total dans la gestion des grandes crises socio-politiques alors même que la Loi Fondamentale leur enjoint de faire la promotion et le maintien du dialogue social.

Conséquence, le pays est embourbé dans une crise sociale avec l’éventualité d’une reprise de la grève des enseignants qui plane comme une épée de Damoclès sur la tête de l’exécutif. Quant à la crise politique, elle piétine et s’enlise après le retrait de l’opposition du comité de suivi, le 10 mai 2018.
Et si c’était le système de gouvernance même dans sa globalité qui doit être remis en cause ? Cet énième gouvernement devrait amener les intellectuels à se pencher là-dessus parce que pour le moment c’est un monarque élu qui dirige la Guinée.

Alpha Oumar DIALLO

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