P roposition aux candidats- Maîtriser les mines pour redéfinir la richesse nationale– A l’approche des élections présidentielles du 28 décembre 2025, la Guinée se trouve à un tournant historique.
Ce débat électoral doit dépasser les clivages politiques : il s’agit d’un choix de modèle de puissance. Maîtriser nos mines, c’est maîtriser notre avenir économique.
Cette tribune propose aux candidats une vision stratégique de souveraineté minière, fondée sur la traçabilité, la transparence et la création de valeur nationale.
La Guinée, en quête de son avenir minier
La République de Guinée dispose d’un gisement minier colossal : bauxite, fer de Simandou, or et diamant.
Pourtant, malgré une exploitation soutenue depuis plusieurs décennies, le pays ne tire pas encore pleinement profit de ses richesses naturelles.
Les élections présidentielles de 2025 représentent une opportunité historique pour refonder la gouvernance minière, en plaçant la souveraineté des ressources au cœur du développement national.
Un potentiel inégalé, mais une gouvernance en chantier
En 2024, la Guinée a produit environ 119,5 millions de tonnes de bauxite, selon Mine Magazine (NRIDigital).
Les exportations ont atteint près de 146,4 millions de tonnes, selon Metal.com (2024), confirmant le statut du pays comme premier exportateur mondial.
Avec 7,4 milliards de tonnes de réserves, elle détient le plus grand potentiel de bauxite au monde (SMGuinée).
Le projet Simandou, avec son futur corridor ferroviaire et portuaire, devrait à lui seul exporter 120 millions de tonnes/an de minerai de fer (African Mining Review).
Mais une question essentielle demeure : L’État guinéen connaît-il réellement les volumes extraits et exportés ?
Aujourd’hui, la majorité des chiffres provient des compagnies minières, sans système national de vérification indépendante.
Résultat : un déficit de souveraineté sur la donnée minière et une dépendance stratégique vis-à-vis des multinationales.
Une stratégie de contrôle étatique de la Chaîne Mine- Port-Navire
𝗘𝘅𝘁𝗿𝗮𝗰𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗲𝘁 𝘁𝗿𝗮𝗻𝘀𝗽𝗼𝗿𝘁
- Pesées certifiées et horodatées à la sortie de chaque mine.
- Balises GPS/RFID sur camions et wagons pour assurer le suivi des trajets.
- Drones et caméras intelligentes pour contrôler les stocks et éviter les détournements.
𝗣𝗼𝗿𝘁 𝗲𝘁 𝘁𝗿𝗮𝗻𝘀𝗯𝗼𝗿𝗱𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁
- Ponts bascules et convoyeurs à pesée dynamique, étalonnés par l’État.
- Caméras dotées d’intelligence artificielle pour mesurer les volumes embarqués.
- Code unique de cargaison, traçable jusqu’à la sortie maritime.
𝗦𝘂𝗶𝘃𝗶 𝗺𝗮𝗿𝗶𝘁𝗶𝗺𝗲
- Surveillance AIS des vraquiers et imagerie satellite pour contrôler les chargements.
- Croisement automatisé des manifestes, flux AIS et données portuaires.
𝗚𝗼𝘂𝘃𝗲𝗿𝗻𝗮𝗻𝗰𝗲 𝗲𝘁 𝘁𝗿𝗮𝗻𝘀𝗽𝗮𝗿𝗲𝗻𝗰𝗲
- Création d’un Guichet Unique Mines–Douanes–Finances.
- Registre umérique inviolable (blockchain) pour garantir la traçabilité.
- Publication trimestrielle ouverte inspirée du modèle ITIE, mais plus granulaire.
Cadre légal et incitations
- Aucune exportation sans données capteurs validées.
- Sanctions financières pour fraude, bonus administratifs pour conformité.
- Avantages fiscaux pour encourager la transformation locale.
Objectif final : que chaque tonne extraite soit mesurée, tracée et valorisée dans l’intérêt exclusif de la Guinée.
𝗙𝗮𝗯𝗿𝗶𝗾𝘂𝗲𝗿 𝗹𝗮 𝘃𝗮𝗹𝗲𝘂𝗿 𝗹𝗼𝗰𝗮𝗹𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 : 𝗼𝗿, 𝗱𝗶𝗮𝗺𝗮𝗻𝘁, 𝗯𝗮𝘂𝘅𝗶𝘁𝗲
𝗗𝗶𝗮𝗺𝗮𝗻𝘁 – 𝗹𝗲ç𝗼𝗻𝘀 𝗱𝘂 𝗭𝗶𝗺𝗯𝗮𝗯𝘄𝗲
Le Zimbabwe, via la Minerals Marketing Corporation (MMCZ), a centralisé la vente des diamants.
Résultats :
- Connaissance exacte des volumes exportés.
- Quotas de taille et polissage locaux.
- Création d’emplois et rétention de valeur nationale.
Proposition guinéenne : créer une Agence Nationale des Pierres Précieuses et Diamants, sous tutelle de l’État, garantissant traçabilité, certification et emploi local.
Or – le modèle ghanaéen
Depuis 2021, la Bank of Ghana achète localement l’or via le Domestic Gold Purchase Programme (DGPP).
Résultats :
- 65,4 tonnes d’or détenues en 2023 (~5 milliards USD).
- Création de la Ghana Gold Board (GoldBod).
- L’or devient un actif monétaire souverain.
Proposition guinéenne : instaurer le programme “Or-Guinée”, agréer des raffineries locales et constituer un stock stratégique de 20 à 40 tonnes sur 5 à 7 ans, sous la supervision de la BCRG.
La Guinée au cœur des recompositions géoéconomiques mondiales
La Guinée se situe désormais au cœur des recompositions géoéconomiques mondiales liées à la transition énergétique :
La Chine demeure un partenaire industriel majeur, notamment dans le financement des infrastructures minières.
Les pays occidentaux, de leur côté, diversifient leurs partenariats pour sécuriser des chaînes d’approvisionnement durables en aluminium, fer et minerais critiques.
L’Afrique de l’Ouest, dans son ensemble, avance vers une intégration économique régionale accrue, offrant à la Guinée une position de carrefour stratégique entre les marchés asiatiques, africains et européens.
L’enjeu dépasse la seule question minière : il s’agit pour la Guinée d’affirmer sa capacité à négocier ses partenariats sur la base de la transparence, de la valeur ajoutée et du respect mutuel.
𝗨𝗻𝗲 𝗳𝗲𝘂𝗶𝗹𝗹𝗲 𝗱𝗲 𝗿𝗼𝘂𝘁𝗲 𝗮𝗺𝗯𝗶𝘁𝗶𝗲𝘂𝘀𝗲 𝗽𝗼𝘂𝗿 𝟮𝟰 𝗺𝗼𝗶𝘀
De 0 à 6 mois : premières fondations
- Adopter un décret “Traçabilité minérale” pour imposer la transparence à toutes les compagnies.
- Créer un PMO interministériel (Mines, Douanes, Finances, Énergie) chargé du pilotage et du suivi.
- Réaliser un audit national des pesées et des ports miniers, afin d’étalonner les infrastructures de mesure.
De 6 à 12 mois : phase pilote et structuration
- Déployer un projet pilote sur un corridor bauxite–port (exemple : Boké–Kamsar).
- Mettre en place le suivi en temps réel via AIS et imagerie satellite pour la surveillance maritime.
- Lancer officiellement le Guichet Unique Mines–Douanes–Finances, garantissant la cohérence des données fiscales, logistiques et minières.
De 12 à 24 mois : généralisation et montée en puissance
- Étendre le dispositif de traçabilité à toutes les filières minières : bauxite, fer, or et diamant.
- Publier chaque trimestre un rapport national sur les volumes extraits, transportés et exportés.
- Mettre en œuvre le programme “Or-Guinée” : agrément des raffineries locales, constitution de stocks stratégiques et intégration des livraisons à la BCRG.
Objectif global : passer d’une logique d’exportation brute à une stratégie de gouvernance et de valorisation nationale intégrée.
Guinée 2035: de l’exploitation à la maîtrise
Si cette stratégie de souveraineté minière est pleinement déployée :
- La Guinée pourra doubler ses recettes minières d’ici 2030.
- Créer 50 000 emplois directs dans la transformation locale.
- Accroître ses réserves d’or et de devises de 30 %.
- Devenir un acteur africain de référence en gouvernance minière.
À l’horizon 2035, la Guinée peut passer du statut de fournisseur de matières premières à celui de puissance minière souveraine et industrielle.
𝗖𝗵𝗮𝗾𝘂𝗲 𝘁𝗼𝗻𝗻𝗲 𝗰𝗼𝗺𝗽𝘁𝗲𝗿𝗮 : 𝗹𝗮 𝗴𝘂𝗲𝗿𝗶𝘀𝗼𝗻 é𝗰𝗼𝗻𝗼𝗺𝗶𝗾𝘂𝗲 𝗽𝗮𝗿 𝗹𝗮 𝘁𝗿𝗮𝗻𝘀𝗽𝗮𝗿𝗲𝗻𝗰𝗲
La Guinée doit entrer dans une ère de souveraineté minière intégrale.
L’enjeu n’est plus de savoir combien nous possédons, mais combien nous maîtrisons et valorisons.
Les technologies existent — capteurs, IA, satellites, blockchain.
Il ne manque que la volonté politique et la vision stratégique.
𝗖𝗵𝗮𝗾𝘂𝗲 𝘁𝗼𝗻𝗻𝗲 𝗰𝗼𝗺𝗽𝘁𝗲𝗿𝗮.
Maîtriser nos mines, c’est reprendre la main sur notre avenir économique.
𝗦𝗼𝘂𝗿𝗰𝗲𝘀 référencées
1. Mine Magazine / NRIDigital – « Growing Demand and Guinea’s Bauxite Dependence » (Juillet 2024).
2. Metal.com – « Guinea’s Bauxite Exports Reach 146.4 Million Tonnes » (Décembre 2024).
3. SMGuinée – « Countries with the Largest Bauxite Reserves » (2023).
4. African Mining Review – « Simandou Iron Ore Project, Rail and Port Development » (2025).
5. Bank of Ghana – « Domestic Gold Purchase Programme Annual Report » (2025).
6. MMCZ Annual Report 2024 – Minerals Marketing Corporation of Zimbabwe.
Alpha Diallo,
Expert en Management Stratégique et Intelligence Économique
Titulaire d’un MBA de l’École de Guerre Économique de Paris


