Lecture critique de l’avant-projet constitutionnel du président alpha condé

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La démarche d’abroger la Constitution de mai 2010 n’est pas du tout illégale (aucun texte constitutionnel ne l’interdit). C’est la motivation qui me semble être très douteuse.

En effet, si la lettre de l’avant-projet constitutionnel parait comme une redite de la Constitution de mai 2010 voire  comme une extension en matière de droits et de libertés fondamentaux (lutte contre les mutilations génitales féminines, préoccupations écologiques, renforcement du principe de neutralité du service public, innovation sur la parité), il reste net que son esprit découle de motivations très douteuses (pérenniser à vie le pouvoir d’un seul homme).

La durée du mandat passe de 5 à 6 ans, la limitation d’âge pour les candidats à la présidence de la République est levée. Il est possible d’être élu député à l’âge de 18 ans. La dissolution, dans l’article 31, de tout groupement dont les activités sont contraires à la loi et à l’ordre public (j’ai pensé aux coordinations ethniques) .Tout cela pourrait être acceptable si et seulement si le Président Alpha Condé clarifiait aux guinéens son souhait de ne pas rester au pouvoir au-delà de 2020.

Le préambule de cet avant-projet dit tirer les leçons de l’histoire de la Guinée. Justement, les leçons de l’histoire nous obligent à faire de l’alternance démocratique un principe sacro-saint de toute Constitution présente ou à venir en Guinée.

Sinon, autant prévoir ces extensions de droits et de libertés dans le cadre d’une révision de la Constitution actuelle.

Par ailleurs, il est possible de relever l’existence de digressions dans cet avant-projet constitutionnel. Il traite du mariage alors que le régime matrimonial relève du code civil (article 23 de l’avant-projet). Certaines dispositions de l’avant-projet constitutionnel relèvent aussi du code pénal et du code de procédure pénale (articles 12 et 13).

Le même texte reprend les incohérences de la Constitution de mai 2010 : le Premier ministre est le Chef de gouvernement dans un régime présidentialiste, c’est à dire dans lequel où tout tourne autour de la personne du Président de la République. Le flou persiste autour de la gestion d’un ordre manifestement illégal.

L’avant-projet constitutionnel ne parle presque pas de la promotion des langues et des alphabets du pays. L’article 24 évoque la promotion des droits et l’épanouissement de la jeunesse, mais le même article souhaite réduire la gratuité de l’école : seuls les enfants de moins de 16 ans auront le droit à un enseignement gratuit.

Drôle de façon de promouvoir la jeunesse dans un pays pauvre à l’IDH au plus bas niveau. Alors que tout projet constitutionnel digne de ce nom pour la Guinée doit commencer par la reconstruction de l’école de la République.

L’Histoire se répète et pourtant nous ne sommes toujours pas décidés à faire évoluer notre régime présidentialiste.

On accepte encore d’élire le Père de la Nation plutôt que de choisir un modèle viable pour la Guinée d’aujourd’hui et de demain.

 Par Dramane DIAWARA (DD)

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