Dans son élan visant à donner plus de visibilité aux acteurs de l’ombre qui boostent le développement de la République de Guinée, la Direction de Newsguinee.info s’est rendue ce soir à Dabompa Tassana, commune de Matoto, au siège de l’orphelinat ‘’HAKUNA MATATA’’. Là, nous avons eu un entretien fort instructif avec Mme Lawrence Rouyer, la présidente-Fondatrice de l’orphelinat. Et au fil des échanges, émergent tous les défis que la Guinée a à surmonter en matière de protection sociale et d’éducation tout court.
Bref, lisez l’interview de la fondatrice :
Pourquoi la Guinée ?
Pourquoi la Guinée ! Écoutez, pour moi, la Guinée, c’est d’abord un coup de cœur. En fait, je suis venue ici pour la première fois en 2010 dans le cadre d’un projet. Puis, au regard des défis énormes qui attendent le pays, je me suis sentie dans la nécessité d’apporter mon aide aux enfants de ce pays.
Pourquoi avoir alors misé sur l’humanitaire ?
Je crois que c’est inné, depuis que j’étais toute petite, ce monde a toujours constitué une partie intégrante de moi. Je faisais de l’humanitaire depuis que je vivais en France, j’y ai beaucoup travaillé surtout dans des associations et j’ai moi-même eu la chance de créer quelques-unes dans des quartiers pour aider des gens en difficulté.
Depuis quand exercez-vous cette activité en Guinée ?
En Guinée, c’est en 2010 que j’ai créé l’association. Au départ, je faisais des vas-et-viens mais depuis 2014, je me suis installée ici. Notre premier siège était à Taouyah, dans la commune de Ratoma. Nous y avons rencontré quelques difficultés ; et depuis Juillet 2016, nous sommes venus ici à Dabompa-Tassana.
Quels sont les domaines d’intervention de l’association humanitaire HAKUNA MATATA ? Vos publics cibles ?
Nous nous occupons des enfants orphelins de père, de mère ou des deux parents et des enfants déshérités. Ça peut aussi être, de temps en temps, du dépannage pour des enfants qui sont en situation précaire. Par exemple, nous avons eu des enfants qui sont arrivés ici en situation de malnutrition et qui d’ailleurs, sont toujours là pour le moment parce que leurs mamans n’ont pas encore de situation réelle.
Nous accueillons des enfants de zéro à douze ans. Après, ils peuvent toujours grandir avec nous mais notre rôle essentiel est de leur donner une éducation de base convenable.
Quelles sont les disciplines que vous leur enseignez ?
Nous leur donnons tous les cours inscrits dans le programme d’éducation nationale de la Guinée. En plus de cela, on bénéficie des cours assez particuliers en Anglais, Dessin et Math. Ces cours sont pour la plupart assurés par des bénévoles guinéens ou français.
Tout votre personnel est-il bénévole ?
Au départ, on s’était convenu comme cela, je ne pouvais pas embaucher de salariés. C’est ce que nous avons proposé aux gens. Je ne peux pas dire que je vais payer un montant alors que je ne pourrais pas l’assurer, donc j’ai préféré que les choses soient claires dès le début.
Après, j’ai eu la chance d’avoir des gens qui se sont dit ‘’non, toi tu t’es déplacée de la France pour venir t’occuper de nos enfants ; nous aussi nous sommes là, nous venons t’apporter notre contribution.’’ Donc, finalement, voilà comment ça se passe.
Mais, je ne peux dire que je ne leur donne rien car le transport et la nourriture sont assurés. Pour ceux qui dorment ici, le logement aussi est assuré en plus de l’argent de poche bien entendu.
Bénéficiez-vous d’une subvention de l’Etat ?
A ce jour, non ! Nous ne bénéficions pas de subvention de la part de l’Etat mais j’espère qu’un jour cela arrivera, il faut un début à tout.
Qui sont alors vos partenaires ? Comment faites-vous pour survivre ?
La stratégie est que je joue beaucoup sur la communication, j’ai une page Facebook, je draine tous les jours, on va dire comme cela. En plus, j’ouvre ma porte aussi très facilement. C’est ce qui fait que des gens peuvent venir voir ce qu’on fait, ils viennent vivre ici… donc, on a quand même quelques soutiens de petites associations guinéennes. D’ailleurs, Il y en a une qui doit passer faire un don et passer toute la journée avec nous ici.
Après, nous avons des partenaires français mais surtout des particuliers, on n’a pas encore assez d’appuis institutionnels. Les aides que nous recevons sont des aides ponctuelles. Il y a tout de même des entreprises locales qui nous aident, ce n’est pas un contrat qu’on a avec elles, mais dès fois on reçoit des aides sous forme d’assistance sociale de temps en temps, surtout à l’occasion des fêtes musulmanes et catholiques.
A ce jour, combien d’enfants bénéficient des programmes de votre ONG ? Sont-ils tous guinéens ?
Oui en effet, ils sont tous guinéens, mais de tout bord parce qu’en fait ici, personne ne connait son ethnie vraiment. A ce jour, nous avons trente (30) enfants dont treize (13) filles et dix-sept (17) garçons.
Le plus âgé à quel âge aujourd’hui ?
Il va bientôt avoir ses quatorze (14) ans et le moins âgé vient d’avoir un an il y a juste quelques jours encore.
Vous accompagnez les enfants jusqu’à quel niveau ?
En temps normal, c’est jusqu’au lycée voire l’université ; de toute façon, nous sommes une famille ici et on n’abandonne pas sa famille. Par ailleurs, tout dépend des capacités de l’enfant, s’il n’a pas les capacités d’aller jusqu’au lycée ou à l’université, nous les accompagnons en leur garantissant une formation professionnelle pour leur assurer une certaine autonomie dans leurs vies.
Quels sont les problèmes que vous rencontrez ici ?
J’aimerais déjà dire que je ne suis pas venue en Guinée pour un profit personnel quelconque, parce que je ne suis pas venue dans l’idée de me faire de l’argent ou quoi que ce soit de ce genre. Je suis venue ici pour aider le Guinée à se développer. Moi, la plus grande faille que j’ai constatée ici, c’est l’éducation. Il y a quand même plus de trente 30 % d’enfants qui ne vont pas à l’école. Cela me touche beaucoup, je pense que si on arrive à scolariser tous ces enfants, à leur donner une bonne formation de base, la Guinée va pouvoir émerger correctement. Sur ce, le gros souci que j’ai aujourd’hui, je ne demande rien d’extraordinaire au gouvernement guinéen, je veux simplement lui dire de nous faciliter les démarches administratives. Figurez-vous, on m’a fait un don de deux (2) véhicules, il y a de cela maintenant trois (3) mois et nous avons fait près de deux mois pour les sortir de la douane, tout cela dans un calvaire indescriptible.
Que fait le ministère de l’Action sociale dans tout ça ?
Bon, le ministère de l’action sociale, c’est vrai qu’il n’a pas les moyens suffisants pour apporter son aide aux associations humanitaires mais je crois qu’à ce niveau, le gros souci est un problème de personnel. Il y a beaucoup d’orphelinats et ce ministère doit normalement couvrir tous ces organismes et dès fois, quand j’ai du temps, je lui offre gratuitement mes services.
Comment vivez-vous le quotidien ici ? Arrivez-vous à cerner le Guinéen à travers ces enfants que vous encadrez ?
Déjà, on me dit que je suis plus guinéenne que les Guinéens (rire). En fait, par rapport à l’analyse que j’en ai faite, moi je vous dirai que je veux protéger ces enfants. Les protéger en leur disant d’éviter peut-être de côtoyer n’importe qui dans le quartier parce que, dehors, certains enfants ne sont pas très bien éduqués. Et moi, je ne peux malheureusement pas éduquer tous les enfants du quartier, si je le pouvais je l’aurais fait tout de suite. A part les relations qu’ils entretiennent à l’école avec d’autres enfants, nous ici à l’interne, on essaie de leur donner la joie de vivre à travers un cadre assaini. On organise souvent des sorties ; par exemple, le dimanche dernier, on a fait une journée piscine dans un hôtel. J’essaie de lancer aussi des appels aux dons pour que des gens puissent nous aider à faire certaines activités. Cela peut aussi concerner des concerts, nous avons déjà assisté à deux concerts avec les enfants.
Mais il faut quand même savoir qu’on ne les emmène pas à couper les liens avec tout le monde parce qu’il y a certains parmi eux qui ont leurs mamans ou des proches auxquels ils rendent souvent visite ou qui viennent prendre du temps avec nous ici.
Merci à vous Madame
C’est à nous de vous remercier pour avoir fait le déplacement jusqu’à nous.
C’est un devoir et un grand honneur pour nous, la direction de Newsguinee vous remercie pour tout ce que vous faites pour les enfants guinéens.
Merci beaucoup.