Et si l’effondrement du pont linsan n’était que la partie visible de l’iceberg

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Le pont de Linsan a donc cédé sous le poids des intempéries, et surtout sous les charges énormes qu’il a supportées depuis sa construction en 1932. Des charges qui sont allées crescendos au fil du développement du trafic. Mais bien avant ce jour fatidique, le vieux pont avait donné plusieurs alertes. À chaque passage d’un véhicule, ses vieilles pièces métalliques grinçaient comme pour dire aux passants qu’elles sont définitivement usées et qu’elles pouvaient rompre d’un instant à l’autre. Les autorités ont joué les sourds et les aveugles. Finalement, ce qui devait arriver, arriva.

Pendant que la population se lamente sur le sort des milliers de passagers bloqués à Linsan, il est important, voire nécessaire que les autorités se penchent sur l’état d’autres ouvrages de franchissement en souffrance. Des ponts tout aussi vétustes que stratégiques, continuent encore de soutenir un trafic de plus en plus important. Un de leurs meilleurs représentants est le complexe de pont entre Dubréka et Boffa, regroupant sur moins d’un kilomètre 4 ouvrages de franchissement communément appelés « les 4 ponts ». Construit dans les années 60 sur le fleuve Konkouré à la rentrée de la sous-préfecture de Tanènè, ces quatre ponts ont montré tous les signes d’usure possible.

En 2015, deux camions lourdement chargés entrent en collision sur un de ces 4 quatre ponts et ouvrent une large brèche sur son tablier métallique. Le fond d’entretien routier comme à l’accoutumée, colmate la brèche sans procéder à une visite technique approfondie et un entretien du reste des ponts du complexe.

En mars 2018, rebelote, les 4 ouvrages de franchissement sont sérieusement endommagés, suite à un doublement voire un triplement du volume du trafic en rapport avec un développement sans précédent de l’activité minière dans les zones de Boké, Boffa et Tanènè. Après quelques jours d’intenses travaux de réfection engendrant d’énormes embouteillages et la souffrance des passagers qui va avec, les ponts sont rouverts à la circulation. Cependant, les craintes des usagers de cette route ne sont pas dissipées au regard des signes évidents de vétusté observés. Le plus inquiétant étant qu’en cas de rupture de l’un de ces 4 ponts, contrairement au pont de Linsan, il n’y aura aucune possibilité de déviation.

Or, cette route, la nationale N°2 est la seule voie qui relie la capitale au reste de la basse guinée nord notamment la région administrative de Boké, véritable poumon économique du pays. Cette région abrite 80% des activités minières du pays et son deuxième port à Kamsar. C’est dire combien ce complexe de 4 ponts est important, voire stratégique pour le pays.
En juin 2018, à Coyah, le vieux pont de Kassoyah construit dans les années 1960, long de 37 mètres, reliant le district de Kassoyah au km36, est très dégradé et risque de céder à tout moment. Là aussi, il a fallu que les riverains tirent la sonnette d’alarme pendant plusieurs mois pour que les autorités y lancent des travaux de réhabilitation avec un grand renfort de médias.

À côté de ces ponts d’un autre âge, naturellement vétustes et qui attendent d’être reconstruit, un tout autre phénomène s’est installé au fil des années, c’est l’abandon total des nouveaux ouvrages de franchissement par les services d’entretien du ministère des travaux publics. À titre d’exemple, la passerelle de Gbessia sur l’autoroute Fidèle Castro qui est en état de décrépitude avancée et où les autorités se sont contenté de masquer les points dégradés. Et oust ! Circulez.

À cela, il faut ajouter le pont sur la Fatala à Boffa, un joyau national, dont la rampe métallique d’accès côté Conakry est totalement dégradée obligeant les automobilistes à ralentir presque à l’arrêt pour accéder au pont. Le pont de Djelibakoro à l’entrée de Siguiri n’est pas en reste, aucune autorité de ce côté ne se soucie de l’évacuation du sable qui l’envahit et qui s’accumule sur les bords de son tablier, bouchant ainsi son système d’évacuation des eaux.

Et comme pour conforter ces lignes, ce vendredi 06 juillet a enregistré l’effondrement du pont de Djassa dans la préfecture de Kérouané sur la nationale Kankan-Kérouané. Cette préfecture, déjà une des plus enclavées, risque d’être coupé du reste du pays avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir sur les populations.

Pourtant, la quasi-totalité des cadres et responsables de ces services ont bénéficié de formations ou de stages hors du pays, il suffit d’engager la discussion avec eux pour qu’ils vous disent que dans tel ou tel pays, même les chaussées des routes sont lavées, à plus forte raison la surveillance et l’entretien des ouvrages comme les ponts. Cependant, force est de constater que pour l’heure, aucune politique, ni disposition ou encore moins une structure étatique viable, dotée de capacités techniques et financières suffisantes n’existe pour faire ce travail ô combien important pour la préservation de nos infrastructures routières qui nous coûte tant.

Gouverner, c’est prévoir et anticiper dit-on. Après les attentats du 11 septembre, les autorités américaines ont testé le niveau de résistance de toutes leurs infrastructures notamment les plus emblématiques en simulant leur destruction par des attaques terroristes. Ils en ont tiré les leçons et apporter des mesures correctives sur le long terme. Chez nous, les gouvernants continuent d’attendre qu’il y ait des catastrophes pour prendre les  » mesures idoines ». Il faut définitivement finir avec cet amateurisme qui coûte des centaines de vies humaines et une fortune au pays. Ça ne peut pas attendre 2020.

Alpha Oumar DIALLO

 

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