Diallo telly doit son poste de l’oua a sekou toure

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 Antériorité de la lutte d’Ahmed Sékou Touré pour l’Unité d’une Afrique indépendante
S’il y a un objectif pour lequel Ahmed Sékou Touré s’était battu de façon conséquente et tyrannique ce fut la réalisation de l’Unité de l’Afrique débarrassée de toutes dominations étrangères.
Mais ceux qui parlent de cette contribution de la Guinée à la décolonisation et à la réalisation de l’unité africaine partent toujours de la proclamation de l’indépendance de ce pays en 1958 et de la décision qu’elle avait prise à ce sujet. Or, le père de l’indépendance de notre pays, Ahmed Sékou Touré s’est incorporé très tôt l’Afrique et n’a lutté que dans un cadre unitaire. Un fait et une citation l’attestent.
Le fait : dès la publication du Manifeste du 18 septembre 1946 convoquant un congrès pour la constitution d’un grand parti politique africain regroupant toutes les formations luttant dans les colonies françaises d’Afrique , la Guinée constitua un comité d’initiative du rassemblement dès le 29 septembre 1946 et forma une délégation de 11 membres dont Ahmed Sékou Touré, chargée de la représenter au congrès constitutif du Rassemblement Démocratique Africain(RDA) du 18 au 21 octobre 1946 à Bamako.
C’est dire que les préoccupations de la Guinée dépassaient déjà le cadre strictement territorial.
La citation est de 1947, donc 16 ans avant la conférence de l’OUA :
« Nous mourons tous, l’Afrique restera ; les actes de chacun de nous sont relativement inscrits dans le temps et dans l’espace ; nous devons résolument agir et vivre pour la grandeur, le bien-être et le bonheur de l’Afrique. En tout cas, l’évolution africaine doit faire l’objet constant des préoccupations de tous ceux qui veulent léguer aux futures générations un héritage de progrès, de fraternité et de liberté ».
C’est donc dans ce cadre continental qu’Ahmed Sékou Touré et ses compagnons de lutte inscriront leur combat politique avant et après 1958, avec un préalable non négociable, l’indépendance de tous les pays africains: d’où, avant 1958, dénonciation des guerres coloniales, de la guerre d’ Algérie en particulier, combat pour l’unité syndicale africaine qui aboutira à la création de l’ UGTAN en 1957 ; ils se battront en vain pour la création d’un seul parti politique africain, pour l’institution d’ un exécutif fédéral à Dakar pour l’AOF et un autre à Brazzaville pour l’ AEF quand la Loi-cadre du 23 juin 1956 institua la semi-autonome dans chaque colonie française de l’Afrique.
Cette loi balkanisera ainsi les colonies française d’Afrique noire ; aussi Sékou Touré la dénoncera-t-il en ces termes, le 23 janvier 1958 :« Toute idée qui tiendrait à la désintégration de l’Afrique au profit d’Etats isolés ou de Républiques territoriales sera combattue par nous avec d’autant plus de force qu’à nos yeux, elle serait héritière du colonialisme diviseur ».
Quand la Guinée se rendit compte que la France coloniale voulait imposer une solution définitive à ses colonies à travers ce régime de la semi-autonome afin d’empêcher l’indépendance qui, seule permettrait la réalisation véritable de l’unité africaine, elle opta définitivement pour son indépendance effective en rendant d’abord cette loi-cadre inutile puisque qu’elle la vida de tout son contenu positif avant le référendum du 28 septembre 1958. Et quand elle comprit que la Communauté proposée voulait empêcher la réalisation de cet objectif fondamental du combat des peuples africains, elle vota Non le 28 septembre 1958 à la constitution néo-colonialiste proposée par le général de Gaulle aux colonies françaises.
Devenue indépendante en 1958, la Guinée affirma que l’unité du continent ne sera possible que si les autres colonies sont effectivement indépendantes et si toutes réussissent à se regrouper pour former un seul ensemble.
Aussi, inscrira-t-elle à l’article 34 de sa première constitution, celle du 10 novembre 1958, que « la République de Guinée peut conclure avec tout Etat africain les accords d’association ou de communauté comprenant abandon partiel ou total de sa souveraineté en vue de réaliser l’unité africaine ». La Guinée sera ainsi le premier pays indépendant d’Afrique à parler d’institutionnalisation de l’unité africaine, en renonçant, au besoin, à sa propre souveraineté.
La première approche de 1958 à 1962
Elle passera d’abord aux actes dès le 23 novembre 1958, puisque les présidents ghanéen et guinéen « décideront de constituer entre le Ghana et la Guinée le noyau des Etats Unis de l’ouest africain ».
Treize mois après, les deux pays participèrent, du 3 au 7 janvier 1961, à la Conférence de Casablanca et formèrent avec le Maroc, le Mali, la République Arabe Unie (Egypte) et le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne le groupe de Casablanca ; une charte fut adoptée le 7 janvier 1961.
Face à cet ensemble, un autre groupe de 21 Etats forma le groupe de Monrovia.
Le 29 avril 1961, à Accra, aux deux chefs de l’Etat guinéens et ghanéens, s’ajouta Modibo Keita, du Mali, pour créer l’union Guinée-Ghana-Mali
Pour être bref, il faut dire que presque tous les chefs d’Etat africains éprouvaient la nécessité de se regrouper pour faire face aux défis de développement et de défense du continent.
De la préparation du premier sommet à la création de l’ OUA
Mais c’est le groupe de Casablanca qui se saborda le premier sous le conseil de la Guinée et qui chargea dès lors Ahmed Sékou Touré de la mission d’amener le groupe de Monrovia à en faire autant ; dès qu’il réussit cette mission, le chef de l’ Etat guinéen fut chargé de l’invitation de tous ses collègues à une rencontre à Addis Abeba ;il se mit aussitôt au travail en chargeant, dans les derniers mois de 1962, des personnalités guinéennes, Abdoulaye Diallo dit Abdoulaye Ghana, Telli Diallo, Lansana Béavogui et Léon Maka de convoyer les différentes invitations auprès des autres chef d’Etat africains.
Le 2 octobre 1962, à l’occasion des fêtes de l’indépendance de la Guinée, le Président guinéen annonça la constitution d’un « Comité politique » de sept chefs d’Etat africains (Ethiopie, République Arabe Unie (Egypte), Libéria, Nigéria, Côte d’ Ivoire, Sénégal, Congo-Brazzaville) chargé de patronner une conférence au sommet.
Trente deux chefs d’Etats et de gouvernement se retrouvèrent alors dans la capitale éthiopienne, Addis Abeba, du 22 au 25 mai 1963, pour créer l’organisation de l’Unité Africaine (OUA).
De l’élection du secrétaire général de l’OUA
Si l’OUA a été constituée et une charte adoptée à l’issue de ce premier sommet, l’élection du secrétaire général de l’organisation fut reportée au second sommet prévu au Caire (Egypte ; le président Nasser profita de ce délai de réflexion pour demander au président Ahmed Sékou Touré d’accepter que la Guinée préserve les idées des partisans d’une unité continentale véritablement indépendante en proposant un candidat guinéen au poste prévu au prochain sommet prévu du 17 au 21 juillet 1964; le chef de l’Etat guinéen accepta cette proposition.
Mais il songea d’abord à Abdoulaye Diallo dit Abdoulaye « Soudan », alors vice-président de la fédération Syndicale Mondiale et Président de la Conférence des Peuples africains, donc mieux connu que Diallo Telli sur le plan mondial et africain; mais quand Abdoulaye Diallo l’a su, il s’ouvrit d’abord à un membre du Bureau Politique national du PDG et finit par dire au Président Ahmed Sékou Touré que le choix de Telli Diallo devait être maintenu pour des raisons suivantes : Telli Diallo est plus jeune que lui, donc plus alerte ; il est magistrat ; il parle anglais ; il a été représentant permanent de la Guinée aux nations unies ;il dispose donc de plus d’expériences internationales actualisées que lui ; par ailleurs , Telli Diallo est connu par Houphouët-Boigny, le chef de file des « modérés » qui le craindraient moins puisqu’il a été secrétaire général du Grand Conseil de l’ AOF dont le Chef de l’ Etat ivoirien était membre ; il a donc, dans l’action qui s’engageait , une meilleure position et disposait de plus d’atouts que lui. Convaincu par cet argumentaire, le Chef de l’Etat guinéen rejoignit ses collègues au Caire, décidé à en tenir compte.
Au moment des élections, il n’hésita donc pas de proposer la candidature de Diallo Telli; le scrutin eut lieu le 17 juillet 1964 et le candidat guinéen fut élu par 23 voix sur 33 comme secrétaire général de l’organisation continentale contre d’autres candidats présentés, comme cela était exigé par la charte de l’organisation, par leurs Etats : Mongi Slim (Tunisie), Emile Zinzou (Dahomey) et Tesfaye (Ethiopie). Par cette élection les chefs d’Etat tenaient à récompenser les efforts fournis par la Guinée pour la naissance de l’OUA et sa contribution déjà décisive aux mouvements africains de libération nationale; toute autre version de cette élection comme celle d’André Lewin, est de la pure fable, car les sources documentaires primaires de l’OUA attestent les démarches du Chef d’ Etat guinéen en faveur de son candidat.
Démenti de certains mensonges
C’est pourquoi avant de passer à la contribution de la Guinée aux mouvements africains de libération nationale, il est nécessaire de démentir certains mensonges véhiculés à propos de l’élection de Telli Diallo au Caire, qui se serait faite malgré l’opposition d’Ahmed Sékou Touré, et de sa non réélection en 1972parce que, a-t-on prétendu, les autorités guinéennes ne l’auraient pas soutenu.
Ainsi selon, l’ambassadeur André Lewin, Ahmed Sékou Touré aurait songé à présenter la candidature de son jeune frère, Ismaël Touré et de son beau frère, NFaly Sangaré contre Telli Diallo. Nous avions démenti ce mensonge dans une lettre à l’auteur de son vivant et fait paraître d’autres constations toutes aussi erronées dans une autre correspondance insérée dans notre ouvrage édité en avril 2009, donc du vivant de l’intéressé : Autopsie d’un pamphlet. Camp Boiro, parler ou mourir d’ Alsény René Gomez. Il préféra ne pas nous répondre « pour éviter, dit-il à ses amis, toute polémique avec Sidiki Kobélé Keita qui est un polémiste osé, têtu et coriace ».
A NFaly Sangaré qui avait également réagi à cette affirmation mensongère par une lettre adressée à son auteur, André Lewin répondit en soutenant que «ce n’est pas une affirmation, mais l’évocation, au conditionnel, de quelque chose que l’on a affirmé devant » lui .Mais il n’a pas dit où cela a été affirmé et qui l’a affirmé parce que cela a été tout simplement inventé par lui; il nia l’avoir écrit pour diffamer NFaly Sangaré, mais il a réussi à convaincre, il est vrai trop facilement, les naïfs que le leader guinéen était contre Telli Diallo. Il suffit d’écouter Alain Focca de RFI dans sa gymnastique verbale sur l’ancien secrétaire général de l’OUA pour se rendre compte qu’il ne fallait pas écrire ce mensonge ; si ce journaliste, qualifié par certains auditeurs guinéens de « journaliste alimentaire », ne le faisait pas par mauvaise foi, il aurait vérifié ce ragot inventé par un ami équivoque de Sékou Touré, ne serait-ce qu’auprès de NFaly Sangaré encore vivant.
En réalité Ahmed Sékou Touré ne voulut présenter la candidature ni d’Ismaël Touré, ni celle de NFaly Sangaré, comme le soutient André Lewin qui aimait entretenir la confusion et tentait toujours de créer la suspicion à propos de tout acte politique posé par Sékou Touré sur la base des « on dit », « j’ai appris » ou « on m’a dit », donc sans préciser la source de son informateur, comme il sied à tout chercheur sérieux; par ailleurs, rien n’obligeait Ahmed Sékou Touré à proposer la candidature de Telli Diallo sinon la confiance en cet homme qui lui paraissait capable désormais de défendre les options progressistes de la Guinée et aucun autre gouvernement africain ne l’aurait fait à sa place , ne serait-ce que par politesse ; nous avons d’ailleurs vu que certains de ces pays avaient présenté des candidats tout aussi valables que Telli Diallo.
Enfin, pour prouver qu’il avait agi par confiance en son candidat et de bonne foi, Ahmed Sékou Touré confirma son geste, deux semaines après, par la signature et la diffusion publique d’un décret, le 28 juillet 1964, mettant Telli Diallo et de façon indéterminée, à la disposition de l’OUA, comme l’exigeait les textes fondateurs de cette institution.
Il faut signaler aussi que c’est encore le gouvernement dirigé par Ahmed Sékou Touré qui présenta la candidature Telli Diallo au sommet d’Alger du 13 au 16 septembre 1968 et qui battit campagne pour son mandat qui fut renouvelé, alors que des résistances se manifestaient déjà contre ce renouvellement: les autres Etats estimaient que la Guinée risquerait de monopoliser le poste.
Ahmed Sékou Touré était d’éloge et de félicitation tout au long de cette période.
Mais dès que Telli Diallo fut battu aux élections de 1972 à Rabat, les ennemis historiques du chef de l’Etat guinéen, que le mensonge
n’effraye pas, firent véhiculer des accusations gratuites et malveillantes à son encontre; des faits pourtant évidents et connus de tous sont désormais falsifiés de façon éhontée ; et comme le ridicule ne tue pas certains ethnocentriques et affabulateurs qui s’agitent depuis lors, même la paternité de la candidature aux deux mandats, 1964 et 1968, a été désormais attribuée à d’autres pays : il aurait été, selon le journaliste Boubacar Yacine Diallo, élu en juillet 1964 « contre la volonté de Sékou Touré » et « grâce au soutien appuyé des présidents égyptien… et algérien… »; Réélu en 1968 « grâce au concours de l’Algérie », « battu » en 1972 parce que « lâché par les autorités politiques de son pays ».
Or, ce journaliste, formé en Roumanie grâce à une bourse qui lui a été octroyée par les autorités de la Première République sait que cette version jure avec la vérité des faits; mais il reprend ses inepties sans s’apercevoir des contradictions flagrantes qu’elles renferment et sans aboutir à cette conclusion logique : Telli Diallo a été élu en 1964, réélu en 1968 parce qu’il avait été présenté par la Guinée, après une intense propagande auprès de nombreux Etats qui se fatiguaient déjà de lui.
Et puis, si ce que raconte ce journaliste était vrai, pourquoi les Etats qui soutenaient Telli Diallo avaient fini par l’abandonner au neuvième sommet à Rabat (12-15 juin en 1972) où il a été battu pourtant à bulletin secret par le candidat Camerounais ?
En outre, pour celui qui connaît le mécanisme du choix d’un secrétaire général de l’ OUA et des liens idéologiques et politiques existant à l’époque entre les chefs d’Etat d’Egypte, d’Algérie et de Guinée, la fausseté des affirmations du journaliste Boubacar Yacine Diallo, reprenant des affirmations mensongères déjà abondamment diffusées dans des interviews et écrits indigestes, est évidente.
En effet,
a/Tout le monde sait que pour être élu secrétaire général de l’OUA, il fallait être présenté par son pays afin de bénéficier éventuellement de l’appui et du « soutien » des autres membres de l’organisation. Et le gouvernement guinéen n’hésita pas à présenter la candidature et à faire la propagande pour Telli Diallo en 1964 et en 1968.
b/Si donc Telli Diallo a été élu et réélu, c’est que le gouvernement guinéen avait bien voulu présenter et soutenir sa candidature auprès des autres chefs d’Etat membres, alors que Telli Diallo n’était pas, en Afrique et en Guinée, le seul, ni le meilleur cadre capable de remplir la mission confiée à un secrétaire général de l’OUA.
c/Ahmed Sékou Touré préféra présenter Telli Diallo, certes pour sa stature intellectuelle, mais aussi et surtout pour des raisons politiques: non seulement Telli Diallo avait déjà donné l’impression au chef de l’Etat guinéen qu’il était désormais capable de défendre les options idéologiques et politiques de la Guinée, mais l’Afrique francophone dont les leaders, tel Houphouët-Boigny, avaient été, pour la plupart, des grands conseillers de l’ AOF, l’acceptait, le connaissant mieux pour l’avoir pratiqué quand il fut envoyé au Grand Conseil de l’AOF comme secrétaire général ; son élection rassurait donc les chefs d’Etat de « l’Afrique des modéré » alors que celle d’Abdoulaye Diallo risquait de raviver les opposions entre les chefs d’Etat, l’homme étant connu pour son penchant idéologique de gauche depuis fort longtemps.
C’est dire que ce n’est pas cette attitude malveillante de certains cadres ethnocentriques qui doit inciter à méconnaître la profondeur de la gratitude que Telli Diallo exprima dans une lettre, en 1969, au Président Ahmed Sékou Touré en ces termes :
« Votre confiance et celle de nos amis désireux de rendre hommage à la contribution guinéenne au combat de libération et de réhabilitation de l’Afrique m’ont amené au poste ingrat et si difficile que j’occupe aujourd’hui ».
C’est donc bien le pays d’un candidat, en l’occurrence la Guinée, qui le proposait au poste de secrétaire général de l’OUA et faisait sa campagne auprès des autres Etat-membres. A preuve, pour avoir été « lâché » par le gouvernement guinéen en 1972, selon le journaliste Boubacar Yacine Diallo, Telli Diallo a été effectivement battu, alors qu’il était soutenu, selon ce journaliste, par le Sénégal et le Nigéria. La mauvaise foi des ennemis historiques d’ Ahmed Sékou Touré est d’autant plus évidente que le vote pour le poste de Secrétariat général de l’OUA se faisait par bulletin secret, donc impossible de savoir quel est le chef de l’ Etat qui a voté pour ou contre un candidat. Et puis les raisons de l’échec de Telli Diallo en 1972sont connues de ceux qui recherchent non la rumeur et le mensonge à distiller auprès des jeunes et des naïfs, mais les faits vérifiables sur l’histoire récente de notre pays.
En effet, trois raisons fondamentales et avérées, connues de ceux qui ne cherchent pas leurs arguments chez les historiens du week-end ou les « fabulistes », semblent expliquer l’échec de Telli Diallo à Rabat en juin 1972 :
1er la position officielle des autorités guinéennes et la position d’hostilité de nombre d’Etats membres à son encontre étaient connues de Telli Diallo.
2e L’entêtement de Telli Diallo reposant sur de faux espoirs d’être réélu sans l’appui de son pays.
3e Les « indiscrétions » de Telli Diallo qui ont indisposé le Président Ahidjo du Cameroun contre lui ; elles sont révélées par le ministre sénégalais des Affaires Etrangères, Magatte Lô, du temps du feu président Serdar Senghor.
Nous renvoyons ceux qui veulent mieux connaître le parcours politique de Telli Diallo à partir de 1958 et connaître en détail ces raisons aux 16 pages que nous lui consacrons dans notre récent ouvrage publié par l’Harmattan et présenté aux 72 heures du livre le 23 avril 2014 : La Guinée de Sékou Touré. Pourquoi la prison du camp Boiro ?

Le second volet de notre conférence concerne le Soutien de la Guinée aux mouvements africains de libération nationale
Certes, l’élimination du colonialisme de l’Afrique sous toutes ses formes fut l’un des objectifs essentiels que s’était fixé l’organisation continentale dès sa naissance ; et elle l’atteignit avec brio dans un délai raisonnable.
Mais il faut préciser que la Guinée n’a pas attendu l’OUA pour aider et soutenir les mouvements de libération nationale ou accorder l’asile politique à des nationalistes africains.
En effet, bien avant 1958, le FNL d’ Algérie, entre autres mouvement de libération, bénéficiait du soutien de la Guinée: son armement venant des pays socialistes transitait par ce pays, convoyé par des cadres responsables guinéens et algériens dont l’actuel Président de la République, Bouteflika, via Bamako pour ses fronts de combat. La guerre d’Algérie (1954-1962) était souvent dénoncée au cours des campagnes électorales par le PDG, en particulier celles du 31 mars 1957 au cours desquelles son indépendance fut exigée. Cette principale revendication fut officiellement, régulièrement défendue et soutenue par la Guinée aux Nations Unies à partir de la date de son admission le 12 décembre 1958. Des responsables du FNLA étaient accueillis à Conakry et dans différentes régions guinéennes avec tous les honneurs.
A partir du 2octobre 1958 , la Guinée indépendante renforça son soutien à tous les mouvement de libération ; elle inscrira même dans le préambule de sa constitution du 10 novembre 1958 que « le peuple et le gouvernement de la République de Guinée sont déterminés, totalement déterminés à assumer coûte que coûte à libérer les peuples d’Afrique encore colonisés, car la liberté guinéenne perdrait toute sa signification et sa portée si elle devait se restreindre à ses limites territoriales ».
Ainsi tous les mouvements de libération qui le désiraient eurent leurs sièges à Conakry et reçurent les aides et soutiens nécessaires malgré les difficultés de toutes sortes que la Guinée rencontrait et ses faibles moyens.
Ce soutien consistait en fourniture d’armes et de munitions, en contribution financière substantielle, en octroi de bourses d’études guinéennes et étrangères aux cadres et étudiants de ces mouvements dont le choix des bénéficiaires revenait aux structures appropriées des mouvements de libération ; entraînement des combattants dans divers camps militaires particulièrement à Kindia où presque tous les grands responsables de l’African National Congress (ANC) : Nelson Mandéla, Oliver Tambo, Govan MBéki, père de Thabo NBéki, , etc. firent leurs premières armes ;en outre, les cadres de tous les mouvements de libération, même ceux qui n’étaient pas accrédités en Guinée, mais qui le désiraient, disposaient de tous les documents officiels guinéens, le passeport diplomatique en particulier, pour faciliter leur déplacement à l’étranger; leur participation comme membres des délégations officielles guinéennes à différentes rencontres internationales afin qu’ils puissent mieux informer l’opinion publique internationale sur l’état de leur lutte et leurs besoins divers, était chose courante.
En outre, les cadres responsables de ces mouvements ou leurs délégués étaient réguliers à Conakry soit pour des conférences n atonales ou internationales, soit en mission de travail avec les autorités guinéennes : Amilcar Cabral, assassiné le 20 janvier 1973 à Conakry par la PIDE, Agostino Néto, Samora Moise Machel, etc., respectivement secrétaire général du Parti Africain de l’Indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) créé le 19 septembre 1956, du Mouvement Populaire de Libération de l’Angola (MPLA), créé le 10 décembre 1956, du Front de Libération du Mozambique (FRELIMO) créé le 25 juin 1962.
La Guinée ne limita pas sa contribution aux seules actions sus-énumérées ; elle envoya également à ses frais, des contingents militaires et des cadres civils dans divers pays attaqués par
l’impérialisme et ses suppôts africains : deux bataillons armés et des cadres civils seront ainsi envoyés au Congo nouvellement indépendante et en proie à une guerre civile provoquée par la Belgique et ses hommes-liges congolais opposés au nationaliste Patrice Lumumba, qui fut arrêté et froidement assassiné à l’ acide par les belges .
Quand l’Angola, qu’elle soutenait déjà, de février 1961 à juin 1975, dans sa guerre de Libération contre le Portugal, obtint son indépendance le 11 novembre 1975 et qu’elle fut attaquée par l’Afrique du Sud qui soutenait divers mouvements opposés au MPLA, en particulier l’Union Nationale pour l’Indépendance de l’Angola (UNITA) de Sawimbi, la Guinée envoya également des contingents militaires, toujours à ses frais, aux côtés des Forces Armées Populaires de Libération de l’Angola (FAPLA), la branche armée du MPLA. Ce qui a faire dire à Agostino Neto, premier président de l’Angola, « grâce aux décisions du Parti Démocratique de Guinée et du Président Ahmed Sékou Touré lui-même exprimant la volonté du peuple de Guinée, il ya des soldats guinéens qui se battent à nos côtés contre les mercenaires venus d’Afrique du Sud ».
Les forces armées guinéennes ont participé aussi aux côtés des forces combattantes du FRELIMO contre les forces d’occupation portugaises jusqu’au 5 juin 1975, date d’indépendance du Mozambique. Comme le Président Agostino Neto, le Président Samora Moise Machel reconnaitra le sacrifice consenti par le peuple de Guinée pour la libération de son pays, en ces termes : « Nous devons dire que l’indépendance que nous avons conquise au Mozambique est due à l’aide de la République de Guinée comme il en a été de celle de la Guinée-Bissau. Nous voulons dire au peuple de la République de Guinée que les sacrifices qu’il a consentis ont porté fruit ».
La Guinée a enfin soutenu les formations de lutte des pays où se pratiquait l’apartheid :Afrique du Sud, Zimbabwe, Sud-ouest Africain (Namibie actuelle), soutenu toutes les décisions de boycott et de condamnation prises contre l’Afrique du Sud, participé à la création du Comité Spécial de l’ ONU contre l’ Apartheid que présida pendant longtemps la représentante de la Guinée aux Nations Unie, Mme Jeanne Martin Cissé, qui fut également la première femme à présider le Conseil de Sécurité de l’ONU ; Présidente de la Conférence internationale de Solidarité avec la lutte des femmes contre l’ Apartheid, elle sera décorée le 5 novembre 1981 de la Médaille d’Or de l’ ONU pour sa contribution de qualité à cette lutte.
Deux illustres présidents de la République sud-africaine reconnaitront également la contribution de qualité de la Guinée à la libération de leur pays.
Le président Nelson Mandéla, qui reçut son premier passeport diplomatique en Guinée, note, dans ses mémoires, qu’il effectua une longue tournée dans divers pays d’Afrique, au début de leur combat, pour expliquer le sens de leur lutte et recueillir différentes contributions. « A Conakry, écrit-il, le Président Sékou Touré nous a proposé un bref séjour à Foulaya pour un apprentissage rudimentaire de maniement des armes, ne serait-ce qu’à titre d’autodéfense. ».Il accepta l’offre. Mais il tint à préciser au Président Ahmed Sékou Touré que leur « périple avait pour objet de solliciter une aide financière auprès des Etats africains indépendants au profit de l’ANC ». Il ajoute : « le président a promis que je recevrai sa commission par son garde de corps, une fois dans l’avion. Et quand j’ai ouvert la sacoche que je venais de recevoir des mains du capitaine Mamadou Bah, quelle ne fut pas ma surprise de constater qu’elle contenait deux cent mille dollars US, alors que jusque-là , nous ne recevions que cinq ou mille dollars US des autres donateurs. »Cette somme permit à l’ANC d’ouvrir leur premier compte bancaire en Suisse.
Le 29 octobre 2004, c’est sous la Présidence du chef de l’Etat Thabo Eki que le prestigieux « ordre Suprême des compagnons d’Oliver Tambo » sera attribué, à titre posthume, au feu Président de la République Ahmed Sékou Touré« pour son exceptionnelle contribution à la liberté, à la paix et à la prospérité de l’Afrique » au cours d’une grandiose cérémonie qui eut lieu à Prétoria ; quand il vint à Conakry en 2006, il insista sur le soutien inconditionnel du Peuple de Guinée et de ses responsables d’alors à l’ANC.
Mais comme nous le démontrons dans notre récent ouvrage, de toutes les colonies étrangères que la Guinée aida à se libérer, c’est la Guinée Bissau-Cap vert qui obtint plus de soutien politique et diplomatique, plus d’aide matérielle, financière et militaire ; le PAIGC disposa même de ses infrastructures sociales et scolaires, de sa radio, le Libertaçao.
Sanctuaire et base-arrière du PAIGC du début de la lutte déclenchée le 23 janvier 1963 jusqu’à l’indépendance de la Guinée-Cap-vert proclamée le 24 septembre 1973 par son Assemblée nationale réunie à Boe, reconnue par l’ONU en novembre 1973 et définitivement acceptée par le Portugal le10 septembre 1974.
Ce qui a fait dire à son secrétaire général adjoint, Aristide Péreira, « Sans cette arrière-garde, il n’y aurait pratiquement pas eu de lutte de libération nationale ».
Il faut rappeler par ailleurs que devenue un obstacle infranchissable, la Guinée subira toutes sortes de provocations meurtrières de la part du Portugal qui tentera de liquider le régime en place et de décapiter le PAIGC afin de vaincre définitivement les forces combattantes de ce parti nationaliste.
Les nombreuses tentatives de déstabilisation qu’ils avaient organisées avec les services spéciaux occidentaux contre la Guinée et ses dirigeants ayant lamentablement échoué, les opposants guinéens de l’extérieur et de l’intérieur voudront profiter de la situation pour liquider le régime guinéen.
Certains de l’extérieur militaient pour une solution finale, une attaque militaire de grande envergure qui devra être fatale au régime guinéen : « une telle opération, dont le succès était certain, disaient-ils aux portugais, vous permettrait de liquider totalement le PAIGC » ; sur fond de trahisons envers d’autres éléments, ils travailleront secrètement avec les autorités portugaises. Regroupé au sein du Front de Libération nationale, ils échoueront lamentablement dans leur entreprise insensée. Ce qui provoqua des réactions réprobatrices même parmi d’autres opposants. Ainsi de cette condamnation, en 1972, d’Alpha Condé de l’agression suicidaire du 22 novembre 1970: « le prétendu FNLG apparaît désormais sous son vrai visage, celui d’un instrument des pires ennemis de l’Afrique, des milieux colonialistes les plus notoires ».
Les conséquences désastreuses de cette aventure, dont les pendaisons du 25 janvier 1971 au Pont 8 novembre, sont encore vivaces chez de nombreux guinéens.
Là aussi la Guinée tint à préciser le sens de son option politique dans son appui aux mouvements de libération nationale africains: quand le Conseil de Sécurité des nations Unies, après avoir condamné le gouvernement portugais le 8 décembre 1970 et exigé qu’il indemnisât intégralement la Guinée, le président Ahmed Sékou Touré signifia , dans une lettre, datée du 16 décembre 1970, au secrétaire général de l’ONU, U Thant, que la seule réparation que la Guinée accepterait serait la proclamation de l’ Indépendance des colonies portugaises : Angola, Guinée-Bissau-Cap-Vert, Mozambique, Sao Tomé et Principe.
Il n’est donc pas étonnant que le secrétariat général de la panafricaine de la jeunesse ait été assuré successivement par quatre guinéens de 1962 à 1985, et celui de la panafricaine des femmes par Jeanne Martin Cissé de 1961 à 1974.
Que retenir de cet exposé ?
1er La Guinée a joué un rôle essentiel dans la création et le maintien de l’OUA.
2eLa consécration de Telli Diallo à la tête de l’OUA, donc sa renommée sur le plan international a été, outre du fait de son mérite personnel, principalement l’œuvre de la Direction du PDG, en particulier Ahmed Sékou Touré qui l’avait proposée en 1964 et en 1968 et l’a soutenu tout au long de ses deux mandats. Cela est un fait établi et la tentative de l’édulcorer, de le travestir ou de l’omettre est patriotiquement condamnable, sauf si on ne s’estime pas guinéen.
3eCommencées bien avant la création de l’OUA, la Guinée ne lésina pas sur les différentes formes d’aides et de soutien aux mouvements africains de libération nationale.
D’où cette citation d’Ahmed Sékou Touré résumant le tout: « L’histoire retiendra le rôle joué par la Guinée dans ces efforts qui ont marqué un tournant décisif dans le processus de prise de conscience des peuples d’ Afrique , dans le processus de libération de maintes nations du continent et dans celui de réhabilitation de tous ».
Une fois indépendants, tous ces pays ont tenu à entretenir des rapports diversifiés et excellents avec la Guinée; ils ont établi des relations diplomatiques dynamiques avec elle, obtenu des experts guinéens pour tous le secteurs qui en avaient besoin ;ils offrirent les plus beaux bâtiments pour la chancellerie et la résidence de l’ambassade guinéenne, entourant les ressortissants guinéens de hautes considérations et les protégeant de toutes injustices.
Mais ce qui est regrettable c’est que les hommes qui ont pris le pouvoir le 3 avril 1984 et géré la Guinée de cette date au 22 décembre 2008, sertis par la haine, aveuglé par la recherche du démon argent s’étaient montrés irresponsables et légers dans leur campagne de dénigrement systématique d’Ahmed Sékou Touré pour justifier le coup d’ Etat ; le Comité militaire de redressement national devint très vite le Comité militaire de rejet national bazardant tous les acquis des 26 ans du peuple de Guinée, livrant le pays aux vautours et aux rapaces sous la pression de forces négatives extérieures qui les « ont aidés à prendre le pouvoir », pour reprendre l’un de ses membres ; manquant totalement d’expérience et ne se référant qu’au conseil des ennemis historiques de Sékou Touré, ils n’ont pas su tirer profit de cette contribution désintéressée du peuple de Guinée que ces anciennes colonies qui tenaient à rembourser en partie dans une coopération fructueuse qui nous aurait aidés à obtenir plus de bonheur et à conserver notre dignité. Ils n’ont même pas hésité à rappeler les experts guinéens, les ambassadeurs de Guinée en Angola et au Mozambique et abandonner les bâtiments qui nous avaient été offerts gratuitement pour nos représentations diplomatiques.
Aussi, quand les Présidents Dos Santos d’Angola et Samora Moise Machel du Mozambique entendirent les délégués du CMRN déblatérer contre Ahmed Sékou Touré et le régime de la Première République, ils furent désagréablement surpris et déconcertés d’entendre des Guinéens se livrer à une telle bassesse, à tel point que le chef de l’Etat Mozambiquais n’a pas hésité d’affirmer un jour à des Guinéens en visite privée au pays que « le monde tourne désormais à
l’envers en Guinée ».
Aucun des dirigeants de ces pays n’a effectué une visite officielle en Guinée « pour ne pas cautionner la campagne hystérique injuste organisée par les autorités de votre pays contre Ahmed Sékou Touré auquel nous devons en grande partie notre indépendance », nous a-t-on dit à Pretoria en 2004 au cours d’entretiens avec des cadres de
l’ANC qui avaient pratiqué les cadres guinéens durant la lutte contre
l’Afrique du Sud de l’apartheid ; la cérémonie de décoration des Présidents Gamal Abdel Nasser et Ahmed Sékou Touré à titre posthume était une obligation morale pour eux. On notera aussi qu’aucune invitation officielle n’a été adressée à un homme d’Etat guinéen durant cette période.
Sans compter la pénible situation des ressortissants Guinéens dans ces pays ; ils ne bénéficièrent désormais d’aucune sollicitude du gouvernement guinéen, s’ils ne furent pas abandonnés à leur sort.

Par le Professeur Sidiki Kobélé Keita

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