Une passionnée du cinéma à mamadi doumbouya : ‘’l’art guinéen est malade’’ (lettre ouverte)

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D ans une lettre ouverte adressée au président de la transition guinéenne, une passionnée du cinéma parle de conditions de vie difficiles des acteurs culturels guinéens.

Housseynatou Bagoura, cinéaste

« Des milliers d’entrepreneurs culturels nourrissent des projets viables mais qu’ils doivent souvent abandonner faute d’un soutien financier, matériel ou d’un coaching qui aurait pu changer positivement leur vie » écrit-elle.

Merci de lire ci-dessous l’intégralité de la lettre

Excellence ! Je ne sais pas si cette poignée de mots vous parviendra un jour mais sans une quelconque certitude, j’ai pris le parti de lancer une bouteille à la mer, peut être que des vents favorables la conduiront un jour au destinataire, c’est-à-dire vous.

La culture guinéenne est du moins que l’on puisse dire, le parent pauvre des successifs gouvernements guinéens et malheureusement à l’allure où vont les choses, ce n’est pas prêt de changer malgré des changements annoncés, des artistes meurent dans un total dénuement après avoir passé leur vie entière à honorer le drapeau et les exemples foisonnent mais le cas Sow Bailo est une parfaite illustration de ce propos et Jack Woumpack malade alité et demandant la charité en est une autre sachant que ces deux cas constituent la partie émergée de l’iceberg.

Des milliers d’entrepreneurs culturels nourrissent des projets viables mais qu’ils doivent souvent abandonner faute d’un soutien financier, matériel ou d’un coaching qui aurait pu changer positivement leur vie.

Excellence, depuis une dizaine d’années, je tente de vivre de ma passion, le cinéma et j’ai réalisé deux films et suis porteuse d’un projet plutôt attractif à mon sens que j’ai essayé de vendre partout en vain et sans jamais me décourager, j’ai frappé à toutes les portes toujours armée d’espoir et de courage.

C’est dans cette infinie quête qu’au hasard d’un matin, une femme m’a contactée m’expliquant qu’un ministre comptait me recevoir le lendemain à midi alors que j’étais à Labé, j’ai tenté de lui faire comprendre ma situation, mais elle s’est montrée inflexible, c’était à prendre ou à laisser et j’ai décidé de jouer pleinement ma chance, le même soir, je me suis embarqué laissant mon bébé de deux ans à mes belles sœurs pour pouvoir honorer cette audience qui constituait une étincelle dans le noir.

Le voyage s’est avéré être un cauchemar, car des coupeurs de route nous ont tout pris peu après Tamagaly et une panne du taxi dans lequel on voyageait nous a obligé à changer de voiture au point où le jour du rendez vous à 10 h nous étions à Kagbelen et pour être fidèle au rendez-vous j’ai dû prendre un moto taxi jusqu’à Kaloum et c’est dans un kiosque des environs du ministère que j’ai dû me brosser les dents et me changer pour être présentable.

Après cette furtive toilette je me suis faite dire que le ministre censé me recevoir ne savait rien du rendez-vous pour lequel je venais d’avaler 450 km de route.

J’ai pu tout de même m’entretenir avec un des subalternes du ministre qui a reçu mon projet, lui a donné un code et promis d’agir mais depuis un an, j’attends sans savoir quoi au juste.

L’art guinéen est malade, Excellence ! Et des milliers d’artistes qui auraient pu se prendre en charge et vendre l’image du pays se retrouvent dans un stade de mendiant qui leur convient peu et de la même façon que vous avez apporté du réconfort à certains secteurs, nous souhaiterions que vous fassiez de même pour la culture et les arts en général et le cinéma en particulier.

N’oubliez pas que la culture est le socle sur lequel pousse le développement des nations et des hommes et est un secteur qui peut offrir à des milliers de jeune une bouée de sauvetage.

Dans l’espoir que vous saurez prendre en compte ces cris d’une femme mère et d’une passionnée qui ne demande que ses prières soient exaucées, recevez l’expression des sentiments distingués d’une citoyenne guinéenne.

Housseynatou Bangoura 

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