Quel est le bien-fondé de la tenue du sommet sur le financement des économies africaines ? (tribune)

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Les 17 et 18 mai 2021, 18 dirigeants Africains étaient convoqués en France pour un sommet sur le financement des économies Africaines post-covid19. Ce sommet, il faut le préciser, s’inscrivait dans le cadre de la relance des économies impactées par la pandémie. Le FMI a levé pour la cause, 650 milliards de dollars. Sur lesquels, seulement 24 milliards sont consacrés à toute l’Afrique Noire, soit 3, 4 % de cette manne financière.

Ce qui veut dire que la région du monde qui a le plus besoin d’être investie, est justement la moins prévue dans cet autre plan.  Ce qui nous pousse à nous interroger sur le bien-fondé de la tenue de ce sommet, du moment où l’Afrique sort encore lésée de ce plan de financement. Pourtant le même FMI affirme que les besoins d’urgence du continent s’élèvent à 285 milliards de dollars. Alors quelle était l’intérêt de ce ballet diplomatique si c’était pour nous léser à la face du monde? Quel était l’intérêt de faire déménager toute l’Afrique à Paris, si les États non convoqués vont se repartir la part du lion?

Le FMI comprend plus de 180 pays, classés différemment selon le pouvoir économique des uns et des autres. Ce qui fait que nos États ne bénéficient pas du même droit de tirage spécial DTS que les pays occidentaux. Parce que nous avons un pouvoir économique faible malgré notre vaste apport à l’économie mondiale. Les cinq grands États sur lesquels reposent ces droits de tirage spéciaux  raflent les grandes parts. Ensuite les pays dits riches, et enfin les petites économies comme les nôtres se contentent de ce qu’on leur donne. Le système international fonctionne sur fond d’injustice institutionnalisée. C’est une évidence que l’Afrique est lésée. C’est pareil pour les IDE, les Investissements Directs Étrangers. L’Afrique ne perçoit que 7% des IDE et toute l’Afrique Noire 3%: la région du monde qui a le plus besoin d’être investie est justement la moins investie. Et comme solution, le sommet de Paris propose que la France ré-alloue une partie de ses DTS à nos États à des taux «concessionnels». Ce qui sera une nouvelle source de refinancement pour la France et une dépendance économique pour nos États. C’est cela que nous dénonçons. Au lieu que la France ne nous ré-alloue ses DTS, avec d’autres conditions, qu’on nous octroie plus de droits de DTS. N’est-ce pas plus simple?

Donc contrairement à ceux qui nous taxent de populistes, nous ne faisons pas de fixation sur la France comme eux ils le font sur la Chine ou la Russie. Nous essayons de trouver des failles à un système qui s’est internationalement organisé sur le pillage de nos ressources. Nous trouvons injuste que nos États aient droit à moins de droits de tirage spéciaux que les autres zones du monde, alors que notre apport à l’économie mondiale est plus important. Nous sommes une nouvelle génération de politiques conscients née sur le continent et dans la diaspora, et qui vit au rythme des intérêts Africains. Nous jugeons nos partenaires en fonction de nos intérêts. Que ceux qui sont dans le dogmatisme occidental se réveillent, le monde est en perpétuels bouleversements géopolitiques. L’Afrique ne sera plus jamais la chasse gardée d’aucune puissance, elle ambitionne désormais de prendre sa place dans le concert des puissances. Et la nouvelle génération panafricaine que nous sommes, est là pour afficher clairement cette position singulière. C’est d’ailleurs ce qui fait la singularité de notre action politique en Guinée, au sein d’une classe politique rétrograde qui n’a d’yeux que pour la France. Comme si la France avait pour mission de développer l’Afrique.

Il faut que ça soit clair : les résolutions de ce sommet ne feront qu’accentuer la dépendance économique de l’Afrique face à la France, qui dit vouloir nous ré-allouer ses DTS à « des taux concessionnels». Nous ne sommes ni populistes, ni idéologues. C’est par pragmatisme que nous proposons un changement de paradigme. Parce que l’Afrique ne se développera pas avec 3% des IDE ou 5% des DTS. Ce n’est pas avec des sucettes que nous réussirons à satisfaire nos ambitions de développement. Aucune mesure du FMI n’a servi à développer aucun pays Africain. Au contraire, nous avons bonne mémoire du programme d’ajustement structurel qui avait désindustrialisé nos États, accentué le chômage, etc. Nous avons bonne souvenance encore du « cadre stratégique de lutte contre la pauvreté » dans les années 2000 qui aussi, a fini par échouer. Ne parlons même pas des accords de stabilisation ou du financement compensatoire, ne parlons pas des IDE ou des DTS… aucune de ces mesurettes ne permettront à relancer nos économies. Ce qu’il nous faut ce n’est pas des solutions d’appoint ou des plans-pièges de recolonisation. Ce qu’il faut, c’est des fonds colossaux pour financer nos ambitions de grandeur. En 2008, des centaines de milliards avaient été investis pour sauver la petite Grèce de la chute. Et il se trouve des Africains qui se réjouissent de 3% de DTS.

Alors nous disons quant à nous, que l’Afrique doit se réinventer, trouver d’autres voies d’investissement, la mobilisation interne des fonds, la création des fonds souverains indexés sur nos mines, l’emprunt sur les marchés financiers pour réaliser des projets régionaux…. Pourquoi pas la création d’un fond monétaire Africain ? Soyons ambitieux, il n’y a rien à perdre!!

Kémoko CAMARA

Front Républicain de Guinée

 

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