Permis de conduire guinéen: un document aux conditions  d’obtention douteuses

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Le permis de conduire fait partie des documents d’un véhicule. Septième élément fondamental, il s’ajoute à la carte grise, au triangle de signalisation, à la boite à pharmacie, à la carte d’assurance et à l’autorisation de transport. En Guinée, son obtention n’obéit pas souvent aux principes.

Les candidats à l’obtention se classent en deux cas. « Primo, il y a les candidats normaux, c’est-à-dire ceux qui sont représentés par les autos écoles. Ces derniers ont l’obligation de terminer la série des soixante-dix cours pratiques. Secundo, les postulants libres doivent compléter un formulaire soussigné par leur chef quartier, un agent de santé et un commissaire de police respectivement », énumère le chef section permis au ministère des Transports.
Cependant, selon les normes, tous les candidats, qu’ils soient dans l’un ou l’autre cas, doivent passer un test en bonne et due forme. Le permis n’est octroyé qu’aux méritants. Mais pas seulement, explique Urbain Doualamou : « Pour obtenir un permis de conduire, il faut être âgé d’au moins 18 ans, pour pouvoir conduire les petits engins et au moins de 21 ans pour les transports en commun ou les gros porteurs ».

Mais sur le terrain, la procédure d’octroi du permis de conduire n’obéit pas aux normes. Sans passer le moindre test et pour compléter un dossier, Boubacar Diallo témoigne qu’il a eu son permis de conduire à la Direction nationale des transports terrestres (ex CADAC) à Matam après avoir payé de l’argent. « Je suis passé par un monsieur qui m’a demandé de lui donner 120 mille francs guinéens. Je lui ai donné l’argent. Deux heures après, il est revenu me dire qu’il faut 150 mille pour récupérer mon permis à la minute. J’ai complété le montant initial. Entre 16h et 17h du soir, j’ai récupéré mon permis ». Boubacar Diallo poursuit : « Ils m’ont demandé si je savais conduire. J’ai été très honnête avec eux. Je leur ai dit ‘’Je n’ai jamais touché à un volant ». Malgré qu’il ne savait pas conduire, Boubacar Diallo a pu obtenir un permis de conduire, à l’aide d’un policier, précise-t-il.

Le permis de conduire délivrer illégalement à ce citoyen est-il authentique vu la diligence avec laquelle sa demande a été traitée ? Un grand doute plane. Pour cause, un journaliste ayant passé un simple test oral, le 8 mai 2018 au CADAC a été informé qu’il n’obtiendrait son document qu’après 2 mois. « La Guinée compte combien d’habitants ? Il n’y a qu’une seule machine pour toute la population », s’était justifié un inspecteur, selon notre confrère.
D’ailleurs, ce dernier fustige le fait qu’une vingtaine de personnes ont été déclarées aptes à recevoir leurs permis sans aucun test pratique. « Je suis venu en retard ce 8 mai. C’est le coordinateur de l’auto-école qui m’a formé qui inscrivait les candidats sur la liste. Mon nom a été écrit à la 23ème position sur la liste, à l’avant-dernière position précisément. Au CADAC, c’est le test oral et écrit. Après l’admission de la quasi-totalité des candidats au test oral, nous avons longtemps attendu pour le test écrit. Mais à mon fort étonnement, un inspecteur vient nous dire qu’il n’y a pas de voiture pour le test pratique et tous les candidats auront d’office leurs permis de conduire », explique-t-il.

Notre confrère affirme qu’il est anormal d’offrir ce document si précieux à des personnes qui ne le méritent pas. « Parmi toutes ces personnes, il pouvait y avoir certaines qui ne réussissent pas au test pratique. C’est possible. Mais tout le monde a été admis sans pratique. Certains auront leurs permis sans maîtrise et pourraient se comporter très mal un jour dans la circulation. Et s’ils provoquaient un accident », s’interroge ce journaliste.

« Ce document très important doit être à la portée de tout citoyen ayant fait l’auto-école », déclare commissaire Babacar Sarr, Directeur national de la police routière. Pourtant, à cause de la lenteur de la procédure d’octroi, certains usagers se trouvent des faux permis de conduire. « Mon permis a expiré, il y a un peu plus longtemps. La dernière fois, je voulais le renouveler, mais quand tu vas au CADAC ou au ministère du transport, c’est non seulement long, mais on te fait trop marcher. Et puisque moi, j’ai un grand, ce dernier m’a vite aidé à obtenir ce papier et j’ai beaucoup payé », témoigne un chauffeur sous anonymat.

À Conakry et à l’intérieur du pays, de nombreux conducteurs roulent sans permis de conduire. Ce qui est sanctionné par la loi guinéenne. « La non-détention d’un permis de conduire est délictuelle. Nous de la police, chaque fois que nous appréhendons une personne dans cette infraction, nous lui imposons une amande qu’il va verser au trésor » soutient Babacar Sarr.
Pour alléger les difficultés des demandeurs de permis de conduire, Sidy Malal Sow, moniteur théoricien dans une auto-école à Sonfonia demande à l’Etat de ne pas retarder le traitement des dossiers. « L’autorité doit faciliter l’obtention des permis. Le temps est trop long, ceci est une grande difficulté, se désole Sidy Mala Sow. Parfois, nous obtenons des gens qui sont en instance de voyage. Parfois, nous obtenons des gens qui sont en instance de voyage. Surtout quand ça dure plus de trois à quatre mois ».

Des agents de la Police routière interpellent souvent des enfants âgés de moins de 18 ans derrière les volants. Ce qui est une infraction dont Commissaire Babacar Sarr, Directeur national de la Police routière ampute la responsabilité aux parents : « Les parents sont souvent responsables de cette situation. Généralement, ils augmentent l’âge de leurs enfants pour leur trouver trop tôt les engins roulants. Une attitude qui n’est pas sans conséquence puisque dans la plupart, cela cause des accidents graves, et même mortels ».

Le permis de conduire délivrer par les autorités guinéennes peut-il permettre à son détenteur de circuler à l’étranger ? À la Direction nationale des transports terrestres, le Chef de section Permis de conduire, Urbain Doualamou répond à l’affirmative à condition que le document ne soit faux. « Si le permis est bon, il sera reconnu au niveau international », rassure-t-il en prenant l’exemple sur un étudiant guinéen séjournant en France avec un permis de
conduire délivré en Guinée : « En tant qu’étudiant, vous allez en France avec un permis de conduire guinéen en bonne et due forme, vous allez rouler jusqu’à la fin de votre cycle universitaire ».

Il ajoute qu’en vertu de certaines conventions internationales, un changement de permis est possible : « Quand vous voudrez avoir le permis français, vous déposez une requête à leur niveau pour un échange de permis. Ça s’est possible. Les échanges de permis, de documents sont dans la Convention de Viennes. Les échanges de documents entre les pays se font. Les permis ne sont pas exclus. ».

À la gare routière internationale de Bambéto à Conakry, Souleymane Bah, chauffeur sur la ligne Conakry-Dakar et syndicaliste témoigne que le permis de conduire guinéen est valable au Sénégal. « Le permis guinéen, c’est un permis de pays francophone. C’est valable dans un autre pays francophone. Mais quand c’est dans un pays anglophone, là, tu ne peux pas », entame-t-il. Et de poursuivre : « Au Sénégal par exemple, j’ai conduis, j’avais un permis guinéen. Le seul inconvénient qu’on a, à Dakar on demande un papier qu’on appelle livret. Donc, quand tu n’as pas ça, tu as toujours des problèmes avec les agents ».
Un autre chauffeur de la ligne Conakry-Dakar raconte le contraire : « Le permis guinéen n’est pas valable au Sénégal. Si on t’interpelle, tu paies 2 mille à 5 mille francs CFA ». Il dit avoir interpellé des autorités en Guinée sur cette difficulté sans suite favorable.

En plus du débat sur la détention du permis par des personnes qui ne savent pas conduire, il faut évoquer la difficulté de rouler sur les routes en Guinée. À Conakry comme à l’intérieur du pays, la plupart des routes nationales sont muettes. Tout voyageur peut se rendre compte de l’absence de panneaux de signalisation et de feux tricolores.
Dans la capitale guinéenne, les feux de signalisation n’existent qu’à Kaloum, le centre administratif et au carrefour Donka, dans la commune de Dixinn. Et ils sont très souvent inactifs.
« Nos routes sont muettes », constate Sidy Malal Sow, moniteur théoricien dans une auto-école à Sonfonia. Pourtant, poursuit-il : « Ces panneaux ont une importance capitale. Ils nous aident beaucoup. Ils sont les seuls qui facilitent la communication entre le conducteur et les routes et cela peut baisser le nombre d’accidents de circulation ».

Le manque de panneaux de signalisation et la prolifération de faux permis de conduire sont indexés comme causes des nombreux accidents de la circulation par certains spécialistes.
Le permis de conduire est un document très précieux. L’Etat doit veiller au strict respect des principes de leur livraison aux conducteurs. Ne doit être détenteur du permis de conduire que celui qui le mérite.

Kadiatou Kouboura BALDE

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