Pénurie d’eau à conakry : des quartiers entiers dépendent des ravitaillements par citernes

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« Quand la citerne vient, on court avec nos enfants pour nous mettre en ligne… », dixit une femme.

Être château d’eau de l’Afrique de l’Ouest avec sa population en manque d’eau potable, c’est le cas de la Guinée. Le problème de la desserte en eau se pose avec acuité, surtout dans la ville de Conakry.
À Hamdallaye, secteur 2 dans la commune de Ratoma, l’eau ne coule plus dans les robinets depuis 4 ans, environ. Ce qui rend la vie très pénible pour la famille de Dénise Diawara, une habitante de la localité. « On souffre tellement. On a des enfants, des habits sales. On doit se laver. On a des douches internes à entretenir. Ça fait quatre ans qu’on n’a pas d’eau. On a des malades à la maison qui souffrent d’hypertension. Il faut utiliser beaucoup d’eau. Mais s’il n’y a pas d’eau, la maison va sentir », déplore-t-elle.
Face au manque d’eau dans les ménages à Hamdallaye, secteur 2, des camions citernes à eau affrétées par la Société des Eaux de Guinée (SEG) y font des tours. Cette forme de desserte permet à Denise Diawara et beaucoup d’autres femmes d’obtenir quelques seaux d’eau, mais avec de nombreuses difficultés. Et parfois, la citerne est aux abonnés absents. « Quand la citerne vient, on court avec nos enfants pour nous mettre en ligne, explique notre interlocutrice. On nous donne les tickets. Parfois, on ne gagne pas de ticket. On peut s’arrêter trop longtemps sous le soleil sans avoir de l’eau. Des fois, on nous appelle pour nous dire que la citerne est en panne. On peut faire deux jours sans eau ».
Selon Denise Diawara, pendant les jours où la citerne ne passe pas, des hommes qui ont des véhicules prêtent main forte à leurs femmes : « Il y a certaines femmes dont les maris ont des voitures. Ils partent à Sangoyah, Matoto parce que là-bas, il y a de l’eau. Moi, mon mari va à Entag pour chercher de l’eau pour moi ».

Dans un autre secteur de Hamdallaye où sévit aussi cette pénurie d’eau, une fontaine est installée par la SEG. Cette fontaine de 5m3 est ravitaillée chaque jour par un camion-citerne. Mais la demande des populations est très forte. Barry Mamadou, un jeune leader, témoigne : « Laissez-moi vous dire que n’eut été l’eau qu’on envoie dans les citernes, ce quartier n’aurait pas d’eau. En ce qui concerne l’eau de robinet, je peux vous dire que depuis 2010, nous n’en avons pas eu. On ne compte que sur l’eau qui vient des forages. »

Les femmes sont amies dans les concessions, mais pas devant la fontaine. Pour avoir de l’eau, l’atmosphère est électrique entre elles. « Parfois, les femmes se battent entre elles. Je peux passer toute la journée ici en train de gérer. Quand il y a un tour, tout le monde veut avoir de l’eau. On donne 5 bidons à chaque femme en fonction des arrivées. Chacune prend un ticket. Vous imaginez, on envoie 5 m3 d’eau pour tout le quartier. Ce n’est pas facile », affirme Barry Mamadou.

Ici, le bidon d’eau de 20 litres se vend à 200 francs guinéens. Une partie des recettes est reversée à la SEG, selon Barry Mamadou : « Quand on revend les 5 m3, quand il n’y a pas de perte d’eau, ça fait 50 mille francs guinéens. On reverse 17 500 francs guinéens à la SEG, le reste, c’est pour le fontainier et les frais d’entretien ».

Plusieurs autres localités de la commune de Ratoma souffrent du manque d’eau. À Ratoma Dispensaire, 10 bidons de 20 litres coûtent 15 000 francs guinéens selon un animateur culturel. Sur le plateau de Koloma 2, l’eau ne coule que trois fois par semaine dans les robinets, de l’avis d’une femme sous couvert de l’anonymat : « L’eau vient 3 fois par semaine dans les robinets. Et ça même, des fois, ça vient tard la journée pour partir très tôt. Cela nous oblige à partir jusqu’à Soloprimo pour avoir de l’eau potable ».

Dans la commune de Matam, notamment à Coléah, un quartier très peuplé, les populations sont confrontées aux mêmes difficultés. Les difficultés d’accès à l’eau fait prospérer la vente d’eau par des charretiers qui font le tour des secteurs. Aminata Doumbouya, résidente à Coléah Domino témoigne que le bidon d’eau de 20 litres s’achète à 1 000 francs guinéens.

A Makia Touré dans la commune de Matoto, un jeune célibataire, sous anonymat raconte : « Le robinet qui est dans ma cour ne coule plus depuis 5 à 6 mois. Il me faut me déplacer pour aller à un point de vente. Mais là-bas, toute la journée, il y a des gens en quête d’eau. Sinon, le bidon d’eau est à 200 francs guinéens. C’est moins cher que dans d’autres localités où ça coûte jusqu’à 2 500, selon des gens ».

Malgré les énormes potentialités hydrauliques de leur pays, de nombreux Guinéens souffrent du manque d’eau. Les autorités qui n’arrivent toujours pas à satisfaire les citoyens sont interpellées par ces derniers. « Nous demandons aux autorités de nous aider à avoir de l’eau. Nous nous demandons ce que nous nous avons fait à l’Etat », s’interroge une dame à Koloma. Barry Mamadou de Hamdallaye lance, lui, aussi un appel : « Qu’on nous aide à avoir l’eau de robinet, c’est ce qui nous arrange parce que le chauffeur de la citerne qui vient sert au moins 7 fontainiers par jour. Il ne peut donc pas faire deux tours par jour ».

Vu le contraste entre son qualificatif de château d’eau de l’Afrique de l’Ouest et le manque d’eau, certains Guinéens ironisent que leur château d’eau est devenu un fardeau au dos.

Kadiatou Kouboura BALDE/Bernard KOUNDOUNO

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