E ntre janvier et mai 2025, 1 865 migrants ont perdu la vie en tentant de rejoindre l’Espagne par voie maritime, toutes routes confondues. Ce bilan, rapporté par l’ONG Caminando Fronteras, inclut 342 enfants et 112 femmes. La grande majorité des décès, soit 1 482 morts, ont été enregistrés sur la route de l’Atlantique menant aux îles Canaries.
L’organisation souligne que la plupart des départs vers cet archipel espagnol sont désormais observés depuis la côte mauritanienne. Parmi les victimes recensées sur cette route, 1 318 étaient parties de Mauritanie, contre 110 du Sénégal et de la Gambie, et 54 du sud du Maroc. Au total, 38 embarcations auraient disparu en Méditerranée ou dans l’Atlantique avec l’ensemble des passagers à bord, précise le rapport.
Méthodologies divergentes
L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) fait état, pour sa part, de 40 décès sur cette même période. Cette différence notable s’explique par les méthodes de recensement utilisées. Caminando Fronteras base ses données sur des appels de détresse émis par les migrants ou leurs familles. À l’inverse, l’OIM retient uniquement les naufrages avérés à 100 %, comme l’a rappelé en 2024 à Infomigrants Flavio di Giacomo, porte-parole de l’OIM pour la Méditerranée :
« Il est plus facile d’avoir des certitudes sur la route de la Méditerranée que sur celle de l’Atlantique, plus longue et plus difficile à surveiller. Ce chemin en plein océan est très dangereux, )il est donc probable qu’il y ait beaucoup de naufrages dont personne n’entend parler. »
Des secours jugés insuffisants
Le rapport de Caminando Fronteras pointe également la responsabilité des services de secours des États concernés. L’ONG estime que plusieurs de ces décès auraient pu être évités si des moyens adaptés avaient été mobilisés rapidement.
« Dans de nombreux cas, les ressources adéquates ne sont pas mobilisées, ou celles déployées sont clairement insuffisantes », déplore l’organisation.
Elle regrette aussi que les opérations de sauvetage tardent à se déclencher, même lorsqu’une alerte est donnée par les migrants ou des ONG. L’attente d’un « naufrage imminent » avant d’intervenir est, selon l’ONG, une approche qui augmente les risques de drames. L’insuffisance des moyens aériens, en particulier, est jugée préoccupante car elle réduit les chances de repérage et de sauvetage.
Forte baisse des arrivées et des décès
Comparé à la même période en 2024, le nombre de morts en 2025 connaît une baisse significative. L’an dernier, Caminando Fronteras avait recensé 5 054 décès, dont 4 808 sur la seule route atlantique. Cette diminution s’explique notamment par la chute des arrivées de migrants sur les côtes espagnoles.
Selon les chiffres du ministère espagnol de l’Intérieur, 15 000 migrants ont débarqué en Espagne entre le 1er janvier et le 31 mai 2025, contre 20 715 à la même période l’année précédente, soit une baisse de 27 %. La route des Canaries enregistre la chute la plus marquée : 11 000 arrivées en 2025 contre 17 000 en 2024 (-35 %).
Une route risquée mais persistante
Active depuis 2005, la route migratoire vers les Canaries avait connu un pic historique en 2006 avec la « crise des cayucos » et près de 32 000 arrivées. Mais dès 2007, le renforcement des contrôles maritimes avait temporairement freiné ce flux, dévié vers la Méditerranée. Depuis 2018, la situation en Libye, la militarisation des routes africaines, et la surveillance accrue au nord du Maroc ont redirigé une partie des flux migratoires vers l’Atlantique.
Depuis la fin de la pandémie de Covid-19, les arrivées par cette voie se sont intensifiées, faisant de la route des Canaries une option quotidienne pour de nombreux migrants subsahariens en quête d’une vie meilleure.
Avec Infomigrants