Liberté d’opinion et de manifestation : la leçon de morale de gassama diaby (opinion)

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L a démocratie est un système de valeurs  exigeant, qui ne saurait obéir ni à nos allergies, ni à nos caprices, ni à nos passions, encore moins à nos peurs ou rancœurs.

Humainement et politiquement,  j’ai mille raisons d’en vouloir aux acteurs et soutiens de l’ancien régime, de me réjouir de leurs malheurs et de garder le silence.

 Mais je ne le serai pas! Je ne le ferai pas!

Pour incarner et servir fidèlement les valeurs de démocratie et des droits humains pour lesquels l’on se bat, nous nous devons de résister à la tentation de la rancœur et de la revanche.

 A défaut, nous trahissons ces valeurs.

Les règles républicaines restent les mêmes, les valeurs des Droits de l’Homme restent les valeurs des Droits de l’Homme,  les principes démocratiques demeurent comme tels.

Hier comme aujourd’hui, j’ai  toujours défendu pour ce pays, pour ce peuple et pour chaque citoyen guinéen, sans aucune distinction,  l’impératif des Droits et libertés, ainsi que leur expression et leur jouissance effectives.

L’interdiction faite ce samedi à des citoyens guinéens d’exprimer leurs opinions, n’est ni justifiable encore moins défendable. Elle est même préoccupante!

Il en est de même, d’avoir empêché il y’a quelques semaines, des associations de défense  des droits humains et de lutte contre les violences faites aux femmes, de manifester pour dénoncer l’horrible viol et le charcutage criminel et meurtrier de Mme Mmah Sylla.

Empêcher des citoyens, fussent-ils des militants de l’ancienne formation politique de s’exprimer, est contraire aux valeurs universelles de la démocratie et des droits humains, mais aussi aux principes affirmés dans la Charte de la Transition adoptée et promulguée par le CNRD lui-même.

Que cela se fasse dans les sièges de la formation politique, est incompréhensible!

Les disperser de la sorte, et en arrêter d’autres est injustifiable et indéfendable.

L’article 8 de la charte qui consacre les droits et libertés, l’article 23 qui reconnaît et garantit notamment les libertés d’opinions et d’expressions, l’article 33 relatif aux activités politiques et l’article 34 relatif à la liberté de réunion, se trouvent tous violés.

Il revient au CNRD, au Président de la transition et au gouvernement de veiller à garantir à chaque citoyen ou groupe de citoyens guinéen la jouissance effective de leurs droits et libertés.

Cela permettra de consolider la volonté exprimée par le CNRD de s’inscrire dans une dynamique de rupture morale et démocratique, et de mener une transition démocratique rigoureuse et prometteuse de libertés, de justice et de paix sociale.

Que l’ancien régime ait eu des pratiques antidémocratiques, qu’il ait agi de la sorte contre ses opposants hier, ne saurait justifier celles d’aujourd’hui, si l’on est résolu  à être dans une véritable dynamique de construction démocratique et de rupture morale.

L’argument relatif à l’exceptionnalité de la période ne saurait lui non plus tenir.

Car le CNRD a lui-même défini à travers la Charte adoptée et promulguée, le cadre juridique de son fonctionnement et de ses actions pendant cette période de transition.

« La roue tourne  » comme le disent et pensent certains, n’est ni un principe démocratique, ni une théorie républicaine, encore moins une valeur de paix et de rassemblement. La roue tourne est un banal et triste instinct de revanche humaine.

Ici il s’agit de conquête démocratique pour une nation en quête de renaissance.

En démocratie la « roue ne tourne pas « , c’est la loi et les principes qui doivent demeurer les mêmes pour chacun et pour tous….les « perdants » comme les « gagnants ».

A défaut, pour notre pays le péril démocratique sera permanent et les volontés de revanche récurrentes.

Quant au sujet de l’ancien Président de la République, la chose doit être dite et entendue : si on lui reproche quelque chose, qu’il soit placé dans un cadre juridique et inculpé,  à défaut, il doit jouir pleinement de ses droits et libertés.

Tout guinéen doit avoir le droit de manifester sa joie ou son mécontentement, dans le respect des cadres légaux.

Cela doit être garanti par le CNRD, le Président de la Transition et le Gouvernement.

Nos dirigeants ne doivent pas s’inscrire dans la peur de l’expression citoyenne.

Ils doivent apprendre à en tirer de meilleures leçons pour une meilleure écoute et consolidation démocratiques.

 Nous devons tous soutenir cette transition et souhaiter sa pleine réussite dans l’intérêt du peuple de Guinée et de son légitime désir démocratique.

 Mais cela doit se faire avec les mêmes exigences démocratiques et morales qui ont constitué hier notre engagement contre les pratiques antidémocratiques de l’ancien régime.

Cette logique insidieuse d’interdiction des manifestations doit cesser. Une transition qui se veut démocratique, doit s’inscrire dans la valorisation des valeurs et pratiques démocratiques.

La liberté d’opinion et celle de leur expression, y compris par la manifestation, en sont des plus essentielles.

Le respect des droits et libertés est la seule garantie durable de notre épanouissement individuel et collectif, et par conséquent de la paix sociale et démocratique.

Être en transition ne change rien à cette exigence.

Nos combats d’hier pour qu’ils jouissent de leur authenticité morale et démocratique,  ne peuvent être perçus et vécus comme des combats contre les personnes, mais bien évidemment comme des combats contre des pratiques antidémocratiques et anti républicaines.

Le plus grand péril pour ceux et celles qui se battent contre le mal, est de ressembler au mal qu’ils disent combattre.

Khalifa Gassama Diaby,

Ancien ministre

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