Lancement de la « campagne d’assainissement de la ville de conakry », une fausse solution à un vrai problème

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Le jeudi 07 juin 2018, nous avons vu à la télé et sur les réseaux sociaux, le nouveau premier Ibrahima Kassory FOFANA et deux membres de son gouvernement lancer une opération dite de salubrité publique. A voir la légèreté avec laquelle ces hauts commis de l’Etat prenait la question de la gestion des ordures, l’on n’est en passe de se demander si ce n’est le PM qui cherche plutôt à assainir son image qu’à assainir la Guinée. Oui, je dis bien la Guinée. La république avec ses 245.857 Km2 et pas seulement la capitale même si c’est elle qui produit le gros des déchets.

Ça ressemble fort à du déjà-vu. À du déjà entendu. Permettez-moi de placer cette tache noire à la primature de Kassory bien que nous soyons un peu loin de ses fameux cent jours. Mais en Guinée, tout est urgent. Le peuple croulant sous la misère n’a plus de répit et la notion de 100 jours n’a plus aucune signification à ses yeux.

Nous l’avons appris, à nos dépens, que si le début de la saison pluvieuse est synonyme de travaux champêtres, de dégâts matériels importants voire de perte en vie humaine à causes des pluies diluviennes, il est tout aussi bénéfique pour certains bandits à col blanc tapis dans les couloirs lugubres et sombres du système qui nous gouverne, que dis-je, qui nous commande en ce moment. Les gouvernants actuels n’ont jamais eu la cohérence nécessaire pour comprendre que la gestion des déchets est tout aussi importante que l’adduction en eau ou l’électrification du pays. Dans certains Etats, les ordures sont une richesse, une manne financière colossale qu’il faille rechercher vaille que vaille, car ils sont créateurs d’emplois, donc porteurs de croissance et par conséquent, vecteur progrès social et économique.

Chez nous, la gérance des ordures se fait de façon émotive, parfois avec haine doublée d’une politisation à outrance et une gabegie financière à donner le tournis a tout bon citoyen. Faisant de l’assainissement un long feu de bois qui s’allume et s’éteint au gré des visites des dirigeants de grands pays.

Le gouvernement d’Alpha CONDE trouve ainsi, comme toujours d’ailleurs, une fausse solution a un vrai problème. L’amateurisme et l’absence de volonté politique y ont amené à des manifestations d’une rare violence, et même à des cas de morts. Ce fut le 22 août 2017 lorsqu’un pan entier du dépôt d’ordures de Dar es Salam, dans la commune de Ratoma, s’est affaissé sur les habitations faisant au moins 9 morts. Le président s’était rendu en catastrophe et n’a pas manqué de vilipender les riverains qui selon lui auraient occupé l’espace du dépôt des déchets. Pour tout le monde, l’Etat allait tirer les conséquences de ce désastre et prendre les mesures idoines à court, à moyen et à long terme. Patatras, il n’en fut rien. Pire, le problème devint institutionnel. Dans son hésitation permanente teinte de calcul politicien, Alpha retira des mains du gouvernorat, la gestion des ordures de Conakry et la transfère à la grande muette. Surprise et mal préparée pour intervenir sur un tel chantier sans études préalables, l’armée se planta. Hormis quelques opérations tape à l’œil du côté des grands carrefours, elle retourna rapidement dans ses casernes sans justifié tout le budget alloué à cet effet. N’y allez surtout pas y voir clair, c’est la grande muette. Sans tirer les leçons de cet échec, le chef de l’Etat créa l’Agence Nationale d’Assainissement et de Salubrité Publique, un service institutionnel de plus qui vient s’ajouter aux collectivités locales, au gouvernorat de Conakry, et ministère de l’Administration du territoire. Allez savoir qui marche sur les plâtres bandes de l’autre.

L’amateurisme dans ce domaine sensible liée intimement à la santé publique avait atteint son paroxysme en juillet 2015 lorsque le gouverneur d’alors Soriba Sorel CAMARA avait interdit à Halimatou Dalein DIALLO de nettoyer les quartiers les plus sales de la capitale notamment les quartiers de Bonfi et de Matoto. L’épouse du chef de file de l’opposition avait envoyé une claque aux autorités guinéennes en faisant ce qu’elles étaient censées faire.

L’Etat soit se ressaisir et adopter une approche intelligente dans cette gestion. Sinon la problématique de l’insalubrité chronique de Conakry mérite mieux que ces campagnes ponctuelles, désordonnées et aux effets totalement éphémères. Ce ne sont que des pansements sur une jambe de bois. La nouvelle approche doit intégrer tous les acteurs des secteurs et une redistribution plus claire des taches pourrait éviter l’enchevêtrement des services. Une des mesures urgentes sera de délocaliser le dépôt actuel vers un site plus approprié. Une coordination globale des PME de gestion des ordures et l’installation de poubelles aux abords des voiries principales et celles secondaires. Le tout dans un projet qui prend en compte toutes étapes : collecte, transport, stockage et pourquoi pas transformation. En attendant de sévir contre les citoyens indélicats, l’Etat doit d’abord remplir sa part de marché, sinon le contrat social n’aura aucun sens.

Alpha Oumar DIALLO

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