La fin d’un monde, le temps des « tankers rouges »

Publicité

Le Rio Nuñez, plus qu’un récit historique, c’est un patrimoine naturel de grande biodiversité et des sites d’une grande valeur écologique. Les forêts de mangroves, nid de reproduction naturelle des poissons, profondément menacées par les activités minières et la pression démographique. Une étude du Cabinet Dobbin international estime à 29.000 tonnes la production annuelle artisanale de poissons dans la zone.

Au Sud et au Nord de l’estuaire maritime deux (2) sites #Ramsar sont classés par une convention des Nations Unies parmi les plus humides au monde. A la pointe extrême du fleuve, l’ancien port négrier du fortin (actuel musée de Boké) tient débout du haut de ses 156 ans.

Les chenilles ! Elles sont là. Huit (8) ports miniers rongent au quotidien ce potentiel naturel : Le port SMB de Dapilon, le port SMB de Katougouma, le Port Rusal de Taressa, le port GAC de Kamsar, le port CBG de Kamsar, et le port en construction d’Ashapura à Sogoboli. Deux (2) autres ports sont prévus à Bogoraya et Ségheriré.

Tous majestueusement étalés sur les rives du Rio Nuñez. La cadence de transbordement de la bauxite est effrayante. Plus de 23 barges de 8000 tonnes chacun tirés par 28 bateaux remorqueurs investissent au quotidien le fleuve pour le seul port de Katougouma, en direction de la haute mer où attendent de gros minéraliers, des Cape Size de 210.000 tonnes. Pollution du fleuve, destruction des filets de pêche artisanale, déversement des huiles dans le fleuve, destruction de la mangrove, exode des pécheurs, disparition de la faune aquatique, déstructuration d’une économie endogène dominée par les activités primaires, effacement d’un patrimoine historique et culturel. Le tableau est sombre. Mais les revenus coulent à flot dans les caisses de l’Etat.

La bauxite fournie 63 % de l’ensemble des revenus miniers de l’Etat (plus de 3 milles milliards GNF, ITIE 2018). Comment concilier l’exploitation d’une ressource indispensable à la survie de nos finances publiques, à la protection d’un patrimoine naturel et identitaire ?

La mutualisation des infrastructures minières (portuaires), préconisée par le cabinet Nodalis, serait l’option la plus viable, rentable et préservatrice de l’environnement. La dispersion des infrastructures minières sur un espace chargé de défis historiques, d’enjeux écologiques et d’intérêts vitaux pour les populations, dégénère en conflits, compromet les capacités des collectivités à survivre à l’après mine, entrave l’exploitation des potentialités non minières, d’autant plus que 40% de la superficie de BOKE est pourvue en sols fertiles. Le paradoxe semble dépendre d’une simple volonté politique.

L’équation est pour le moment résolue contre la survivance d’un destin légendaire, celui d’un fleuve qui a donné son nom, son existence à la destinée d’une région. Le Rio Nuñez, une source de vie, une ressource inépuisable, minée par l’exploitation minière. Un bout de paradis en extinction.

BARRY Oumar, Doctorant à l’Université de LYON (France), chercheur sur les industries extractives, et les enjeux stratégiques des ressources minières

Publicité