Kéléfa sall, le premier amoulanfé de la guinée 

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M anifestement, en Guinée,  la semaine qui vient s’écouler a été des plus sombres, des plus funestes. Outre l’envol sans retour du célébrissime oiseau de Sakaran, et la mort tragique au motif foncièrement raciste du jeune Mamoudou Barry nouvellement admis comme Docteur en France, voilà que le peuple de Guinée pleure à nouveau un de ses rejetons les plus méritants.

Eminent magistrat du pays durant toute sa carrière, premier président de la Cour Constitutionnelle de Guinée, Kéléfa Sall, puisque c’est de lui qu’il s’agit, s’en est allé à une période où son pays avait le plus besoin de lui, à un moment où le combat en faveur des acquis démocratiques se fait le plus sentir.

Cadre intrépide, pugnace, sens élevé du patriotisme et de l’intégrité, ces quelques qualificatifs qui viennent tous azimuts sont à la fois partagés par ses amis que par ces adversaires, mêmes les plus nuisibles.

Par ailleurs, pour des questions  mémorielles, que pourrait-on retenir de ce magistrat ?

«… La conduite de la Nation doit nous réunir autour de l’essentiel. Ne nous entourons pas d’extrémistes, ils sont nuisibles à l’unité nationale. Evitez toujours les dérapages vers les chemins en démocratie et en bonne gouvernance. Gardez-vous de succomber à la mélodie des sirènes révisionnistes. Car, si le peuple de Guinée vous a donné et renouvelé sa confiance, il demeure cependant légitimement vigilant …» discours tenu par le premier président de la Cour constitutionnelle à l’occasion de la seconde investiture d’Alpha Condé à la dignité de président de la République, Chef de l’Etat, en 2015.

Réellement, c’est bien ce pan du discours du magistrat Sall qui lui a valu, dit-on, toute la haine et tous les coups bas de la part des dignitaires du régime Condé. De sa destitution au poste de président de la Cour constitutionnelle à son trépas, l’homme est resté intraitable dans sa démarche trempée dans un patriotisme inébranlable.

« Mon fils, à mon âge, je ne ferai rien qui pourrait compromettre l’avenir de ce pays. Si des jeunes comme vous, sont prêts à mourir pour la Guinée et nous?», disait-il à l’un de ses compatriotes lors de son séjour aux USA en février 2019.

Face à l’opulence la plus enviée, ce haut magistrat du pays a daigné prendre ses responsabilités. Pour ce faire, il a publiquement et solennellement exhorté le chef  de l’Etat à s’affranchir des périlleuses mélodies révisionnistes, à se défaire des cadres véreux et extrémistes, à se rendre compte de ses responsabilités de président de la République, garant de la stabilité et de la pérennité de l’Etat.

En procédant ainsi, Kéléfa Sall a intégré toute la dimension historique, par ricochet avant-gardiste qui sied à la fonction de ″gardien de la Constitution″.

De par ce discours historique, Kéléfa Sall, consciemment ou non, s’est placé sur la trajectoire des pères fondateurs de la République. Plus particulièrement sur celle du premier timonier de la Guinée, en l’occurrence le président Ahmed Sekou Touré. Ce dernier, en patriote et chauvin invétéré, aimait clamer ceci: « la raison historique est supérieure à la raison sociale, qui est elle-même supérieure à la raison humaine » fin de citation.

Possiblement, à travers cet acte, Kéléfa Sall pourrait, à raison certainement, être confondu à un devin. Il est ainsi devenu la première personnalité du pays à avoir prévenu le Président Condé contre ses propres démons.

Autrement dit, contre les tentations scabreuses du mandat viager. Mieux, il est à préciser que c’est bien lui, de son vivant, qui a donné un sens naturel à cette maxime du français Victor Hugo : « le poète est un mage, il voit quand le peuple végète ».

En référence à la pensée d’Hugo, Kéléfa Sall, honnête intellectuel qu’il fut, s’est proposé en prophète contre les détournements de pouvoir dont son peuple pourrait être victime.

Kéléfa Sall, in fine,  nonobstant les coups vils qu’il a reçus, son intégrité et ses convictions n’ont été renforcées. Malgré les vicissitudes de l’existence, le sort tragique de sa maladie, la haine crasse de ces adversaires, il s’est retrouvé, bon malgré lui, comme le porte-étendard du combat en faveur des acquis démocratiques.

De par le témoignage de ses proches, jamais l’homme n’a, ne serait-ce qu’un seul instant, remis en question son choix. ʺIl l’avait pleinement consommé, en toute connaissance de causeʺ  témoigne l’un d’entre eux.

A travers son trépas, le magistrat Sall devient l’incarnation des combats dont on sait que l’issue est incertaine. Il est devenu le David guinéen qui s’est battu contre un pouvoir qui s’est perverti.

A travers sa mort, il entre grandement dans le panthéon de grands guinéens. Qu’il soit gratifié d’un hommage républicain ou non, la postérité retiendra de lui : un patriote comme on en trouve plus dans ce pays, un magistrat émérite, et le véritable précurseur du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC).

CHERINGAN

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