Il n’est un secret pour personne que le régime guinéen est un des pires pourfendeurs des libertés de la presse. Mais la presse fait-elle l’effort d’être différente de son bourreau ?
La semaine qui finit a été riche. Riche en étonnement populaire, en zèle judiciaire, en tâtonnement ministériel et surtout en indignation journalistique. Entre l’interpellation de Souleymane Diallo et l’interdiction d’animation de «Œil de Lynx » pour Aboubakr, la presse guinéenne a renoué avec son vieux démon : l’Etat. Le premier a été mis sous contrôle judiciaire et le second interdit de tenir dans son Lynx FM. C’est, creux, c’est vide et c’est condamnable à plus d’un titre et ces pratiques dictatoriales d’un autre âge doivent cesser.
Mais comme le dit un adage de chez nous, quand tu dis un peu à Sounounkoumba, va dire un peu aussi à Louncenyba. Louncenyba ici c’est l’ensemble de la corporation journalistique de notre pays. De la crème aux résidus. Mesdames et messieurs les journalistes, corrigez vos notes. Tenez bien vos micros et ajustez bien vos cameras et vos souris. Il est clair qu’à l’allure où vont les choses, le gouvernement cherche à vous museler dans l’optique de la préparation de son pêché suprême. Si la presse ne se démarque pas, elle qui est la porte-voix des autres, la lutte va contre le monarque élu sera perdue.
Il suffit de faire un tour sur certaines pages et lire certains torchons appelés articles par effraction pour se rendre compte de l’immensité du chantier à bâtir pour sortir l’information de l’ornière et abreuver la soif de savoir de millions de Guinéens. Les radios et les télévisions ont toutes versé dans le sensationnel. Les autres émissions sont simplement des versions dépoussiérées et dépolitisées de la RTG, le média public. Oh pardon, le média d’Etat. Je l’avais confondue à la BBC.
Ainsi, à part quelques émissions qui racontent le calvaire de la Guinée d’en bas, aucune enquête sérieuse n’est menée sur des secteurs névralgiques comme l’énergie, le transport, l’environnement ou la santé. L’observateur critique ne fait plus vraiment la différence entre le JT de la RTG et celui des medias privés. C’est toujours le même menu : activités présidentielles, activités ministérielles, parlementaires, ateliers, séminaires, retraites et faits divers.
Mais le phénomène qui finira par faire imploser le monde des medias est la relation incestueuse que certains entretiennent avec le pouvoir ou des mécènes proches du pouvoir. Tenez, chaque année, des journalistes organisent le tournoi de football doté du trophée… Mamadou Antonio Souaré. Puis lorsque ce dernier se retrouve sous le feu des projecteurs, eux, ne peuvent que l’encenser. Ils ne peuvent se détourner de cela puisqu’ils ont la bouche pleine. Ce conflit d’intérêt a été tout le temps dénoncé par les journalistes eux-mêmes mais les mauvaises graines se mélangent toujours aux bonnes. Or il arrive que l’émotion l’emporte sur la raison et sur les espèces sonnantes et trébuchantes.
Le 22 juillet 2019, Aboubacar Diallo, fondateur et administrateur du site d’information Mosaïque Guinée écrit un pamphlet d’une rare violence contre le régime du vieux. Après quelques heures, l’article est retiré et le medium donne ses explications. Même Toto en a ri. Ce type de tâtonnement est exactement ce que la presse dans son ensemble doit éviter : assumer et s’assumer.
Le quatrième pouvoir est traversé par des courants parfois contradictoires et des guéguerres de positionnement au grand dam de la recherche de la vraie information.
Le motif économique ne doit en aucun cas primer sur l’éthique et l’intégrité. L’on ne peut jouer le rôle de communicant de la mouvance la nuit et prétendre tenir un journal impartial le jour. Certains doivent choisir leur camp avant que les masques ne tombent. Ils ne tiennent qu’à un fil déjà.
Alpha Oumar DIALLO