D eux activistes et militantes des Droits Humains ont saisi, mercredi 16 décembre 2021, la Haute Autorité de la Communication (HAC) au sujet d’un reportage sur viol en Guinée traité par le groupe de média Evasion Guinée.
Anita Traoré, Présidente et Fondatrice de l’Association Chance et Protection Pour Toutes et Fatoumata Binta Bah, Militante, Activiste des Droits Humains reprochent à nos confrères d’avoir traité ce sujet de manière subjective, pointant du doigt ‘’l’habillement indécent, extravagant et exagéré des femmes et des filles dans notre pays’’.
« Nous dénonçons une pratique de journalisme outrancier, qui n’honore ni les auteurs des propos, encore moins la profession », écrivent-elles, en attirant l’attention du président de la HAC sur la gravité des propos tenus dans ce reportage propageant des stéréotypes avec de graves conséquences.
Ci-dessous la lettre
Objet : Saisie au sujet du journal télévisé du 15 décembre du Groupe Évasion TV
Réf : ACPPT/2021/HAC/001
Conakry,
Le 16 décembre 2021
Monsieur le Président,
Au journal télévisé du mercredi 15 décembre 2021, le Groupe Évasion TV a traité du récurent sujet du viol en Guinée. Un sujet traité de manière subjective, pointant du doigt « L’habillement indécent, extravagant et exagéré des femmes et des filles dans notre pays ».
Par la présente saisine, nous dénonçons une pratique de journalisme outrancier, qui n’honore ni les auteurs des propos, encore moins la profession.
Monsieur le Président, un média peut-il tout se permettre en Guinée ?
Le droit du public à une information de qualité, complète, libre, indépendante et pluraliste, rappelée dans la Déclaration des droits de l’Homme, devrait guider le journaliste dans l’exercice de sa mission.
Un journaliste qui respecte sa profession ne confond pas son rôle avec celui du policier ou du juge, il se doit de respecter l’éthique et la déontologie du métier même en terre de Guinée.
Nous attirons votre attention sur la gravité des propos tenus dans ce reportage propageant des stéréotypes avec de graves conséquences notamment :
La culpabilisation de la victime. Le déni de la réalité des violences sexuelles, l’impunité des auteurs…
Ces stéréotypes permettent aux hommes de justifier leurs comportements sexuels insistants, voire agressifs, sous couvert de besoins physiologiques, vitaux, auxquels il faut absolument répondre.
Ces stéréotypes font porter la responsabilité aux femmes d’éviter d’être attirantes pour ne pas attiser les désirs irrépressibles des hommes.
Ces stéréotypes laissent entendre aux femmes qu’il est plus prudent de se soumettre que de risquer que l’homme perde le contrôle.
Or, Monsieur le Président, vous conviendrez avec nous, que si les pulsions sexuelles masculines étaient réellement incontrôlables, nous serions témoins ou victimes de viol constamment, en toutes circonstances et partout. Pourtant, les hommes, à part dans des cas isolés, ne s’adonnent pas à des actes sexuels en public et savent parfaitement se contenir au travail, dans la rue …
Le viol n’est pas le résultat d’une pulsion, mais il est dans la plupart des cas calculé et le fruit d’une stratégie.
La bêtise même ne peut pas justifier le VIOL.
Les SEULS COUPABLES DE VIOLS SONT LES VIOLEURS.
Aucun habillement, ni aucune attitude ne justifient un viol.
Tous les arguments accablants et totalement infondés cités dans ce reportage concernant l’habillement des femmes pour éviter qu’elles se fassent violer sont immondes.
Pour votre information, les victimes de viol ces derniers temps en Guinée sont pour la plupart des BÉBÉS, des adolescent-es sans défense, qui ne demandent qu’à vivre leur innocence.
Aussi, les filles et les femmes ne sont pas les seules victimes de viol.
Les garçons et les hommes en sont aussi victimes à moindre mesure.
Ces derniers sont souvent contraints de garder le silence dans une société qui impose une force surhumaine à la gente masculine, et ce dès le bas âge.
Nous invitons les groupes de médias guinéens à faire preuve de rigueur, en s’informant et en se renseignant sur les sujets traités afin de connaître le vrai du faux.
Cela évitera la désinformation de la population et par la même occasion de piétiner le travail acharné de toutes les personnes qui donnent de leur personne pour sensibiliser, informer, protéger et prendre en charge des victimes de viol dans les quatre coins de la Guinée.
Le travail des journalistes doit être impartial. Ils sont dans l’obligation de donner l’information la plus juste à celles et ceux qui les suivent.
Nous attendons de La Haute Autorité de la Communication la prise en main de cette affaire et des mesures concrètes.
Anita Traoré
Présidente Fondatrice
Association Chance et Protection Pour Toutes
Fatoumata Binta Bah
Militante, Activiste des Droits Humains.