Formation des recrues de kalia sous dadis: récit croustillant d’un témoin occulaire

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L e controversé recrutement de Kalia organisé en 2009 par la junte militaire, dirigée à l’époque par le capitaine Moussa Dadis Camara, continue de polariser les débats au sein de l’opinion publique. Près de 15 ans après, des zones d’ombre planent toujours dans cette affaire qui fait couler beaucoup d’encres et de salives.

Dans sa quête de vérité, la rédaction de guineeactuelle.com est allée à la rencontre d’un jeune qui faisait partie des gens recrutés pour assurer l’interprétariat entre les recrues et les experts israéliens.

Selon notre informateur, qui a préféré garder l’anonymat, toutes les activités en lien à la formation de ces recrues étaient coordonnées sur le terrain par le Colonel Bienvenu Lamah.

« En 2009, j’ai eu vent d’un contrat d’interprétariat à Forécariah. La personne qui était chargée de recruter des interprètes, un certain Tounkara, détenait en ce moment un centre de prestation à l’entrée du Camp Alpha Yaya. C’est un civil, mais il avait des accointances avec les militaires, donc avait accès au camp. C’est à travers lui, nous avons appris qu’il y a ce recrutement des traducteurs. Comme lui-même, il parlait Anglais, il a contacté des gens qui parlaient anglais. Près de vingt personnes ont postulé.  Tous les postulants ont été reçus dans le centre de M. Tounkara. Le premier jour, il n’a pas directement expliqué le contrat. Mais, nous sommes passés automatiquement au test pour la présélection », narre-t-il.

Au terme de ce test, explique notre interlocuteur, sept personnes ont été retenues, y compris lui et un de ses amis.

« On a fait le test un jeudi, je crois. Le dimanche, il était question de se présenter. Nous sommes allés. M. Tounkara nous a conduits vers l’Aéroport, où on nous a embarqués dans un bus de l’armée guinéenne conduit par un gendarme pour rejoindre Forécariah », explique-t-il.

Une fois à Forécariah, ajoute-t-il, tout le monde a été accueilli à l’hôtel Bafilla, situé à l’entrée de la ville de Forécariah.

« Celui qui nous a recrutés était avec d’autres jeunes sur le terrain. Mais, il se trouve qu’il avait déjà pris un local pour nous dans le quartier ‘’Collége’’, un peu après le centre-ville de Forécariah. Le bâtiment en question était anciennement occupé par Rio Tinto. Le lendemain, c’est-à-dire,  le lundi, nous nous sommes rendus à l’hôtel Bafilla pour rencontrer les formateurs. Nous avons échangé avec eux. Je précise que les formateurs étaient des Israéliens, et ne parlaient que de l’anglais . Ils nous ont repartis. Chacun a su, derrière quel expert il va rester. Il y avait un nombre important d’experts », indique-t-il.

A l’en croire, ladite formation, qui été assurée par un nombre important d’experts, avait débuté avant le mois d’Août 2009, c’est-à-dire, vers fin mai, début juin.

Quel corps de l’armée guinéenne était présent sur les lieux ?

« Il n’y avait que des gendarmes habillés en tenues régulières avec des bérets verts, d’autres en petits tee-shirts, mais avec le logo de la gendarmerie. Beaucoup d’entre eux avec le titre instructeurs », répond-il.

A la question de savoir le nombre exact des recrues, notre source affirme ne pas être en mesure de quantifier. Mais soutient tout de même qu’ils étaient très nombreux.

« Ce que je sais, la tranche d’âge des jeunes recrues variait  entre 18 à 25 ans », précise-t-il, soutenant que la formation était vraiment dure.

« Même nous, les interprètes, nous étions dans l’entrainement. Lorsque le formateur courait, l’interprète avait l’obligation de le suivre au même rythme. Car, en courant, il pouvait  lancer des instructions.», assure notre interlocuteur, qui parle de l’existence d’un centre de tir dans le camp, d’un espace où sont plantés des troncs d’arbre, un endroit où on apprenait les gens à manier des armes.

« Je suis témoin de l’arrivée d’un camion rempli d’armes. Ils ravitaillaient régulièrement le camp en matériel (chaussures militaires, des tee-shirts, des maillots…..), confie-t-il.

Peut-on parler d’un recrutement sélectif ?

Pour avoir côtoyé ceux qui suivaient cette formation, notre interlocuteur ne fait aucun doute sur le caractère sélectif de ce recrutement.

« La majorité des jeunes que j’ai vus dans le camp-là était de la Guinée Forestière. Pour preuve, tous les jours, il y avait ce qu’on appelle réveil matinal dans le camp, eux, ils se levaient à partir de 4h. Ensuite, l’instituteur qui accompagne l’expert avait pour ordre de faire l’appel pour vérifier si tous les éléments sont tous au complet.  C’est lors de cette lecture que j’ai remarqué des patronymes semblables. C’était vraiment peu coloré. Il y avait certes des noms malinké, mais très peu », avoue-t-il, précisant au passage que le colonel ‘’Bienvenu Lamah coordonnait toutes les activités dans le camp de Kalia.

« Il avait ses bureaux à l’intérieur du camp. Il avait ses hommes », révele-t-il.

Des interprètes remerciés

Sans risque d’être d’être démenti, notre source soutient que le test organisé à Forécariah pour la sélection finale , censé être un test psychotechnique, a été biaisé. Car, les questions posées à certains interprètes n’avaient rien d’un entretien d’embauche; elles étaient plutôt très personnelles et surtout liées aux origines géographiques et sociales des postulants.

« J’avoue qu’ils ont remercié certains interprètes à cause de leur patronyme et non sur la base d’une compétence. Pour se débarrasser d’eux, ils nous ont dit qu’on va faire un autre test. Cette fois-ci à l’hôtel Bafilla comme certains experts étaient annoncés. Car, au fur et à mesure que la formation évolue, on augmentait le nom des experts. En réalité, ce n’était pas un test régulier, mais une façon de se débarrasser de certains interprètes. Finalement, ils n’ont pratiquement retenu que les interprètes issus de la Guinée Forestière », regrette-t-il, soulignant que ce test final a été conduit cette fois-ci par un expert israélien du nom de Henri, qui parlait couramment français, le seul d’ailleurs à pouvoir s’exprimer en Français.

Ce témoignage vient quelque peu confirmer les propos de l’un des accusés dans le massacre du 28 septembre 2009, en l’occurrence Aboubacar Diakité, alias Toumba, dont le procès est actuellement en cours au Tribunal criminel de Dixin délocalisé à la cour d’appel de Conakry.

Ce dernier, rappelons-le, a déclaré à la barre, le 19 octobre dernier, que le recrutement de Kalia n’avait pas suivi les critères normaux.

A suivre !

La rédaction    

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