Entretien exclusif avec dramane diawara, conseiller de siaka barry

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Intellectuel foudroyant, impitoyable plume, activiste politique connu sous le pseudo mobilisateur d’Osons pour la Guinée, Dramane Diawara part en croisade contre « les politiciens véreux », « la sous-culture journalistique », « la déresponsabilisation de la jeunesse ».

Dans un élan d’enthousiasme son « camarade de lutte », Siaka Barry, l’ex ministre de la Culture, du Sport et du Patrimoine historique, a fait de lui son « conseiller politique ». Mais qui connaît la nature vraie de celui qui se définit comme « un révolutionnaire » ?

Il se dévoile ici, répondant aux questions de NewsGuinée. Révoltes profondes, passions pénétrantes pour la politique, rageuses déceptions, combat pour la responsabilisation de la jeunesse : « le révolutionnaire » raconte son combat politique, avec une détermination intacte qui réveille les idées trépassées, dénonce les fausses valeurs politiques et le « système » lui-même.

 -NewsGuinee : Dramane Diawara, vous dites que tout votre combat politique est révolutionnaire. Mais racontez- votre vrai parcours politique, vos succès et vos déconvenues ? Vous dites par exemple, quand cela vous arrange, et selon le public, qu’il n’y a pas de différence entre l’opposition républicaine et la mouvance présidentielle pour vous. Est-ce une déclaration circonstancielle ? Où est la vérité ?

Ce n’est pas une déclaration circonstancielle. Si vous permettez, laissez- moi faire un petit topo sur la politique guinéenne…

– NewsGuinee : Allez-y….

Fin 2010, la Guinée traversait une période d’effervescence électorale.

Cellou Dalein Diallo, le président de l’UFDG, soutenu par une coalition de partis politiques, et Alpha Condé, chef incontesté du RPG mué en RPG-Arc en ciel (sa coalition), s’affrontent.

Entre les deux camps, les propos sont caustiques, voire vindicatifs, incitant au plus haut degré de mépris de la République et de ses valeurs. Jamais les guinéens, dans leur histoire commune, ne se sont autant méprisés et voués aux gémonies et seulement pour….une question de  « tu es de telle ethnie ».

-NewsGuinee : Est- ce que c’est la même situation que 2010 aujourd’hui? Il n’y a pas d’évolution à votre avis ?

Oui, c’est le schéma politique dominant encore dans le subconscient électoral des guinéens. En vérité, les progressistes que nous sommes, nous le savons tous, la confrontation, « Mouvance » et « Opposition républicaine », se fait sur des considérations subjectives, irrationnelles.  Les déclarations rocambolesques de quelques acteurs politiques  témoignent bien de la médiocrité du débat guinéen. On ne parle jamais de questions liées au PIB, aux défis de l’écosystème en Guinée, à la rénovation de l’institution policière, à la réforme de l’administration ou de l’enseignement, au  régime de la sécurité sociale etc…

-NewsGuinee : A un moment vous n’aviez pas plongé, même une fois, dans ce que vous dénoncez vous-même ?

Oui, lycéen, en 2010. Je fais mon mea culpa au peuple guinéen.  Dans l’immaturité collective, dans l’enthousiasme juvénile, j’avais choisi : c’était Alpha Condé et le RPG-Arc en ciel.

-NewsGuinee : Mais pourquoi donc ?  Quelle était votre motivation pour le RPG-Arc en ciel et son président en 2010 ?

Je connaissais plus ou moins le passé et les amitiés troubles d’Alpha Condé, homme de gauche,  président romanesque et dissimulateur. J’avais lu, à si jeune âge, Marx, Sékou Touré, N’Nkrumah,  Thomas Sankara, Jean Jaurès, etc… J’étais imbibé de la philosophie de l’émancipation humaine qu’ils défendaient. Alpha Condé se présentait, à moi, comme un apôtre des valeurs de gauche, un partisan du socialisme africain mais avec toutes les distances épistémologiques que cela impose à notre époque.

Je voyais en lui, à cause de son destin singulier, un défenseur de l’unité nationale, le curateur de notre fracture mémorielle (de 1958 à 2010). En cela, j’ai préféré l’homme du RPG à Cellou Dalein Diallo, l’homme du passif, qui me rappelait la bêtise atomique d’un certain régime militaire générateur de l’impunité, des escrocs médiatiques, des politiciens à la sauvette, bref de tous les démagogues de la société guinéenne.

-NewGuinee : Vous nourrissez aujourd’hui encore cette image d’Epinal ?

Avec le recul, non. Je pense que ma position aurait dû être celle d’une non-position. Il faut mettre cela au compte de l’immaturité politique, je préparais encore mon BAC.  Je ne disposais pas de suffisamment d’éléments pertinents pour faire le meilleur choix politique à cette époque : le non-choix.

Un homme politique se doit d’être à mesure de critiquer son action, son bilan ; cela est vital bien qu’il soit « difficile d’être à la fenêtre et de se voir passer dans la rue » Auguste Comte.

-NewGuinee : Chacun s’accorde à reconnaitre votre extraordinaire talent d’écriture. On a l’impression, parfois, que vos attaques vous  ont fait le plus grand bien et qu’elles vous ont sorti de l’anonymat. La polémique n’est-elle pas un style qui paye politiquement ?

Non, je n’aime pas polémiquer sur du superflu. J’ai milité, depuis 2011, pour le Parti Démocratique de Guinée (PDG). Cela surtout par affinité idéologique. Au-delà de la paralysie électorale de cette formation, j’ai pu accumuler en son sein une expérience considérable, les bases essentielles de la connaissance des idéologies politiques, des principes fondateurs de la nation et des valeurs qui ont présidé la naissance de la République de Guinée. Rien de plus normal d’intérioriser cette culture politique dans les rouages d’un parti qui fut longtemps le parti national dominant en Guinée et en Afrique. Il est vrai que le PDG, de par son histoire, est un parti clivant. Ça explique aussi les débats contradictoires que j’affectionne sans tomber dans la haine (rire). D’ailleurs, je me suis fait de très bonnes amitiés avec pas mal de membres de l’AVCB (Association des Victimes du Camp Boiro). Je place la République au centre de tout.

-NewsGuinee : Quel est l’état de vos rapports avec le PDG-RDA et Mohamed Touré ?

J’ai rompu depuis quelques années avec le PDG pour des questions liées à la désorganisation de l’appareil du parti. La position assez équivoque de son leader sur  son alliance avec la mouvance présidentielle. En fait, il développe un concept, « mouvance critique », que je trouve vague. On ne peut pas être dans une mouvance présidentielle et dire qu’on ne l’approuve pas. Le PDG n’est plus à cheval sur ses principes et la meilleure façon de  justifier d’un parjure est de se prévaloir de ce concept flou et vague (« mouvance critique »).  Pour ce qui est du Camarade Mohamed Touré, malgré ce clivage idéologique circonstanciel, nous entretenons de très bonnes relations personnelles disons d’affection filiale.

-NewsGuinee : Vous vous définissez comme étant « un antisystème ». C’est quoi le système pour vous ?

Les oscillations de girouettes. La transhumance politique à excès. Toute notion de morale, d’honneur, de sens de l’Etat, de dignité enfin est piétinée pour des raisons chaque fois toujours plus sordides. La différence aujourd’hui est marginale entre le camp dit « mouvance présidentielle » et l’autre appelé « opposition républicaine ». C’est d’ailleurs le pouvoir qui a désigné son propre « chef de file de l’opposition » et il continue de l’alimenter avec un budget exorbitant tiré dans l’indigence matérielle et mentale du peuple guinéen. J’espère qu’il y aura sursaut un jour ; en tout cas les premiers éclats commencent.

-NewsGuinee : Et pourtant depuis quelques mois vous soutenez ouvertement un ancien ministre d’Alpha Condé ?

Oui, c’est vrai, je soutiens depuis un certain temps le Camarade Siaka Barry puisque c’est de lui qu’il s’agit. Durant longtemps, j’avais décidé de conserver le sens du refus, savoir dire non, ne pas avaler la soupe politique guinéenne servie pour cause de silence des intellectuels, « intellectuels » enfin,  dont la plupart, pour de petites questions de postes, semblent être devenus sourds et muets (rire). En bon vocabulaire marxien, j’ose dire que « la lutte des places » prend le dessus sur « la lutte des classes »..

-NewsGuinee : Alors pourquoi Siaka Barry ?

C’est d’abord par désir d’engagement. L’engagement politique me parait comme la seule issue possible au malheur existentiel de notre peuple. Un intellectuel ne se doit pas de se confiner à  un simple développement théorique des faits. Il doit aussi s’engager : c’est ce qu’on appelle la praxis : la nécessaire liaison théorie et pratique. Cet engagement en faveur de Siaka Barry s’explique surtout par une affinité idéologique mais aussi par le profond désir d’efficience de la jeunesse guinéenne.

Pendant longtemps, nous fûmes tous submergés par le désamour politique ambiant et un total manque de repère politique contemporain. Siaka Barry, c’est quelqu’un qui est porteur d’avenir. Il s’était beaucoup distingué dans le gouvernement par sa gestion publique à partir de la base. Il a arraché le morceau en appliquant une politique de proximité avec les citoyens et surtout les jeunes. Ça explique d’ailleurs cette flambée de popularité qui laisse présager un grand destin national. Au moins ça se sentait qu’il gérait en fonction de sa marge de manœuvre. Aussi est-il  que vous l’aviez constaté, au même titre que moi, que c’’est une première en Guinée qu’un ancien ministre de la République fasse une déclaration de ses biens avant et après sa nomination. J’admire profondément les hommes qui refusent l’opacité dans la gestion.

-NewsGuinee : Pour vous Siaka Barry n’incarne pas une certaine gestion opaque du pouvoir ?

Mon combat est d’abord celui d’un progressiste, à l’instar de grandes figures que vous reconnaissez dans mes discours, il s’inscrit dans cette tradition de lutte. Je ne soutiendrai jamais un imposteur.

D’ailleurs, le jour où j’ai pris position en faveur du camarade Siaka Barry (nous reviendrons un jour sur ce sujet), je lui ai demandé : « es-tu prêt à assumer ton destin » Il a eu cette phrase très profonde, « nous allons construire la République ensemble car tu es un fils sincère de la  Révolution et la Guinée compte sur l’effort de tous ».

-NewsGuinee : Vous voulez donc constituer une nouvelle force politique en Guinée ?

Vous savez, la scène politique guinéenne, c’est comme un clown vivant et un maudit mort. Il semble par conséquent qu’il faille choisir entre le clown vivant et le maudit mort. Moi, comme vous le savez, j’ai choisi une troisième voie, qui n’est ni celle du maudit, ni celle du clown, mais celle de la République qui nous interpelle par ses valeurs triptyques : Travail- Justice- Solidarité.

NewsGuinee : Merci Monsieur Diawara.

Merci NewsGuinee (rire).

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