Embouteillage : la plaie  »curable » de conakry

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Les embouteillages font partie du décor de toutes les grandes villes du monde et leur gestion relève souvent d’un véritable casse-tête. Mais le cas de Conakry est une exception tant les embouteillages sont énormes et inexplicables. Pourtant, cette situation, loin d’être une fatalité, est gérable et une solution palliative et durable peut être trouvée.

Dis-moi d’où  tu vis, je te dirais dans quel embouteillage tu t’enlises. On peut affirmer sans risque de se tromper que la ville de Conakry, la capitale guinéenne, est l’une des villes les plus embouteillées d’Afrique. Et pour cause. Inutile de rappeler l’indiscipline de certains conducteurs, l’incompétence et la corruption de la police routière qui sont entre  autres relevées comme étant à la base de ces embouteillages monstres. Des éléments plus globaux sont aussi à la base de cet imbroglio routier qui assaille les Guinéens tous les jours.

Une géographie accidentée

La géographie singulière de la ville prend littéralement les automobilistes en otage. Conakry est une presqu’ile longue de 25 km (km 36 fait partie de Coyah) et large de seulement 5 km dans sa partie la plus évasée. Bordée des deux côtés par l’océan, elle ne dispose que de 3 grands axes routiers reliés entre eux par des transversales raides et même très raides par endroit. Ce qui fait que les poids lourds d’un certain tonnage et les minibus communément appelés ‘’Magbanas’’ ne sont pas autorisés à emprunter ces transversales.

Par ailleurs, la ville se rétrécit au fur et à mesure que l’on entre à Kaloum, la commune qui abrite pourtant la quasi-totalité des bureaux de l’administration publique et des entreprises privées. Cette commune absorbe à elle seule 50% du trafic urbain de la capitale suivi de très près par le grand marché de Madina qui est aussi un harem d’embouteillage. Du coup, la circulation routière se fait dans ce couloir restreint d’une trentaine de km avec pour seule issue, les transversales qui d’ailleurs ne mènent que sur un autre segment du couloir.

Un nombre incalculable d’engins roulants

En 2019, le Sénégal comptait officiellement 600.000 véhicules toute catégorie confondue. En Guinée, impossible de connaitre ne serait-ce que vaguement une statistique de la même catégorie sur la même année et même celles antérieures. Mais en bon observateur, on peut essayer de se faire une idée du nombre de caracace qui roulent chez nous. Pour cela, il faille d’abord comprendre le système d’immatriculation appliquée en Guinée :

  • Plaque de véhicules à usage personnel ou dans le cadre d’une entreprise à Conakry : Fond rouge, écriture blanche (Exemple RC 9991 T)
  • Plaque de camions ou véhicules de transport en commun à Conakry : fond noir, écriture blanche (exemple RC 9991 T)
  • Plaque de véhicules à usage personnel ou dans le cadre d’une entreprise en régions : Fond rouge, écriture blanche (exemple GM 9991 T pour la Guinée Maritime, MG 9991 T pour la Moyenne Guinée, HG 9991 T pour la Haute Guinée et GF 9991 T pour la Guinée Forestière)
  • Plaque de camions ou véhicules de transport en commun en régions : fond noir, écriture blanche avec les mêmes sigles que pour les personnels.

En gros, ce sont ces deux catégories de véhicules qui sont abondes dans la circulation. Pour ce faire une idée de leur nombre, il suffit simplement de calculer le nombre d’immatriculations pour passer d’une série A à une série B, soit 10.000 engins. Une série commence toujours par 0000 à 9999 ce qui fait 10.000 véhicules. Etant à la série AU pour les personnels et série T pour les transports en commun, on peut aisément comprendre qu’à date pour les catégories personnels (en y incluant ceux immatriculées avant la série AA, AB…), camions et transports en commun, le pays compte 660 000. En y retirant un chiffre forfaitaire global de 10.000 véhicules pour les engins accidentés ou qui ne circulent plus, on peut oser avancer le chiffre de 650.000 véhicules rien que pour les particuliers.

Même si cette première catégorie de véhicule constitue plus de la moitié du parc automobile du pays, d’autres véhicules roulent avec toutes autres plaques d’immatriculation. Ce sont :

  • EP pour          Entreprise Publique (fond blanc écriture rouge)
  • VA pour           Véhicules Administratifs (Fond vert écriture blanche)
  • PN pour          Police Nationale (fond noir écriture blanche)
  • GN pour          Gendarmerie Nationale (fond noir écriture blanche)
  • AG pour         Armée Guinéenne (fond noir écriture blanche)
  • OI pour          Organisation Internationales (fond jaune écriture verte)
  • CC pour           Corps Consulaire (fond jaune écriture verte)
  • CD pour          Corps Diplomatiques (fond jaune écriture verte)
  • CMD pour          Chef de Mission Diplomatiques (fond jaune écriture verte)
  • PAT pour          Programme d’Assistance Technique (fond jaune écriture verte)
  • IT pour          Immatriculation Temporaire (fond bleu écriture blanche)

Pour cette deuxième catégorie, il est extrêmement difficile voire impossible de se faire une idée de leur nombre. Pour les véhicules des forces de défense et de sécurité par exemple, il y a aucune série d’immatriculation pour des raisons de ‘’secret’’ défense, dit-on.

Après cette énumération, on sait alors que même s’il n’est pas connu, le nombre de véhicules circulant en Guinée doit être dans l’ordre d’un million s’il ne dépasse pas. Sans compter les motos et récemment les tricycles indiens qui font rage en ce moment. Toutes ces machines s’ébranlent quotidiennement sur des routes qui ne sont nullement proportionnelles et qui ne sont prêtes de l’être pour le moment. Et ça continue d’arriver au port.

Des routes toujours plus petites et en mauvais état.

Comme mentionné ci-haut, nos routes ne sont pas proportionnelles au nombre d’engins qui les empruntent quotidiennement. Elles sont muettes et ne possèdent même pas de passage piéton. Pendant les heures de pointe ou les jours de déplacement du Chef de l’Etat, le moindre espace est utilisé par les conducteurs pressés. Pourvu que ça passe.

En saison hivernale, les fortes précipitations détruisent certains axes et les automobilistes sont obligées d’y aller à pas de caméléon pour ne pas briser leurs engins en mille morceaux. Conséquence, de longues et interminables files d’attente se font ça et là.

Les conséquences sont dramatiques, mais aucune étude n’est faite par les autorités pour mesurer l’impact de ces bouchons sur l’économie. Pourtant, ce chaos impacte négativement les entreprises  par ce que les employés sont moins productifs à cause des retards récurrents et de la fatigue. Les retards de livraison ainsi que la surconsommation de carburant pèsent lourdement sur la compétitivité des entreprises et donc sur l’économie. Ne parlons pas des cas d’urgences médicales.

Pistes de solution

Des solutions existent pour atténuer la fréquence des embouteillages puisqu’on ne pourra les supprimer de notre quotidien.

A court terme, il faille dégager dans les règles tous les abords de route afin de libérer les espaces occupés par tous les occupants illégaux qui gênent la circulation. Pas ces actions de feu de paille que chaque nouveau DG de la police et chaque nouveau gouverneur de Conakry met en place lorsqu’ils veulent puiser dans les caisses de l’Etat. Mais des actions pérennes.

A moyen terme, trouver des voies de dégagement et de raccourcis pour décongestionner les grandes voies. A cet effet, les points de convergence des voies comme Ratoma cyber, Kakimbo et Taouyah peuvent être fluidifiés par l’ouverture de la petite qui relie Ratoma à IPS de Kipé via le petit marigot de Kakimbo. Le bitumage de cette bretelle et la réalisation d’un pont sur ce ruisseau pourra grandement désengorger la voirie Kipé-Taouyah.

Il en est de même pour Nongo-Kobaya via Lambanyi. Au lieu de tourner vers carrefour ambiance pour rallier Lambanyi, le ministère des TP peut continuer la voirie de Kiroty vers Yembeya pour sortir sur ISSEG. Cela permettra d’éviter la station TMI, le centre commercial et le grand carrefour, tous à Lambanyi.

Il en est de même pour tous les autres axes.

A long terme, aménager le plateau directionnel de Koloma pour accueillir les bureaux de l’administration publique tout en investissant dans les transports publics.

Il faille également penser à créer une nouvelle capitale au centre du pays.

Alpha Oumar DIALLO

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