Disparition d’elhadj doura : vivons-nous avec les terroristes en guinée ?

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L’opérateur économique enlevé le 5 décembre 2017 à Conakry a rendu l’âme dans les mains
de ses ravisseurs. Diabétique, il n’a pu supporter les conditions dans lesquelles il a été placé
par ces présumés bandits, de Ratoma à Mafèrinya dans la préfecture de Forécariah, en
passant par Kènindé dans Dubréka.
Les auteurs du rapt ont été identifiés il y a un mois maintenant, les 9 et 10 avril dernier très
exactement. C’est seulement en début de semaine que le cerveau de l’opération Mamadou
Diallo alias Elhadji qui se trouvait du côté de la Guinée Bissau, a été rapatrié sur Conakry. Le
vieil opérateur économique n’a pas été retrouvé vivant, comme certaines indiscrétions le
disaient il y a des semaines dans la capitale guinéenne.
Où est-il ? Comment se porte-t- il ? Plus aucune question ne se pose. La famille peut faire le
deuil. L’un de ses garçons Thierno Diallo qui est intervenu le mercredi 9 mai 2018 devant la
dépouille mortelle se dit « soulagé enfin ». Il compte avec ses parents trouver une sépulture
normale pour celui qui au lendemain de son enlèvement, continuait encore à le bénir et lui
prodiguer d’utiles conseils. Elhadji Doura lui-même, rappelle le fils avait instruit à la famille
de payer la rançon pour qu’il ait la vie sauve.
Sont-ils des terroristes ?
La question nous la posons avec l’intention de trouver une réponse qui rassure. Les
ravisseurs, dont un proche de la victime, n’ont pas voulu la libérer bien qu’ils aient perçu
100 000 dollars comme rançon. On parle aujourd’hui d’une mort naturelle, mais le fait de
l’avoir gardé pour longtemps sachant que son état de santé se dégradait peut susciter de
l’indignation et de l’inquiétude en même temps. Il nous souviendra que le 24 juillet 2010, un
otage français Michel Germaneau a été égorgé entre le nord Mali et la Mauritanie, après
qu’il ait sollicité l’intervention de Nicolas Sarkozy, alors locataire de l’Elysée. Le meurtre a été
revendiqué par al qaida au Maghreb islamique. C’était bien horrible. Ce ne sont peut-être
pas des situations comparables ici, mais pourtant. Il a fallu aussi avant cette horreur
l’intervention personnel du même président pour obtenir la libération de Pierre Kahmat, un
autre français.
Le colonel Mamadou Alpha Barry, officier de communication n’a pas accepté l’emploi du
mot « terrorisme ». « Je dois dire que c’est un phénomène nouveau, ces enlèvements » a-t- il
dit sur radio Espace. Nous pouvons bien le comprendre, dans son rôle de communicant, il ne
doit pas faire peur. Mais partout où il y a la terreur, nous pouvons bien y penser. D’aucuns
parlent de grand banditisme, alors que la gendarmerie évoque l’existence de cellules
dormantes qui ont des accointances avec plusieurs réseaux de kidnappeurs dans la sous-
région ouest africaine.
C’est encourageant de savoir que les unités de recherche de la Gendarmerie font une
traque sérieuse de ceux qui font pleurer des familles à Conakry et en Guinée. Le « je » n’a
pas sa place dans des situations d’insécurité comme celle que nous traversons actuellement.
Ce qui nous arrive, a lieu parce que le pays souffre d’un mal très profond. Il s’agit de
l’existence au sein de la population d’un groupe de criminels redoutables. Le phénomène

qu’il crée, ne semble pas encore totalement compris. Et nous sommes à un troisième
enlèvement largement médiatisé en moins d’un an. Les moins connus, tout naturellement
du grand public ne se compte pas. Il n’y a aucune intention non plus d’extrapoler puisqu’il y
a une limite à tout.
Des disparitions d’enfants et de jeunes qui ne reviennent plus à leurs familles ne sont pas
rares en Guinée. Il y a de quoi s’inquiéter et demander que des mesures urgentes soient
prises pour enrayer le mal en passe de prendre place véritablement. Les services de sécurité
ont plus intérêt à enquêter beaucoup plus qu’à parler de leurs actions dont les résultats
attendus ne sont pas encore connus. Le chemin à emprunter devrait aider à connaître les
bailleurs de fonds de ces crimes. Il y a déjà des meurtres qui se commettent dans les
quartiers pour lesquels des enquêtes ne sont pas menées.
A Togbolon, Keitaya et Maneyah, le sinistre n’épargne personne. Et très souvent des tueurs
de cette catégorie ne cherchent souvent pas de l’argent. Ils ont une simple envie de donner
la mort. Ce n’est donc pas une histoire de vol. Voilà pourquoi nous devons tous nous poser
cette question. Pourquoi on tue assez facilement dans les périphéries de Conakry ? Et
pourquoi les bandits choisissent très souvent la route de Forécariah pour leurs forfaitures ? Il
semble qu’à cette dernière question, on répond par le fait que c’est un terreau fertile pour
ce genre d’opérations. Les maisons bien construites y sont non occupées. Peut-être même,
nous pouvons chercher à comprendre l’apport des agents qui sont vus tous dans des
compagnies mobiles de la police et de la gendarmerie. Ils ne sont pas suffisamment craints.
Du moins par ceux qui sont au service du diable.
L’insécurité avait atteint des proportions inquiétantes dans le premier mandat du président
Condé. Nous avions pensé que les attaques à mains armées allaient diminuer dans la
capitale. Les cadres de haut niveau ont été abattus à bord de leurs véhicules. D’autres ont
reçu la visite de leurs bourreaux à domicile. Ce sont quelques cas qui ont retenu notre
attention. Mais jamais nous n’oublierons que de 2012 à 2014, les quartiers ont vécu des
moments de terreur. L’Etat avec le soutien des institutions internationales a accueilli et
soutenu le projet de la police de proximité pour créer plus de confiance entre les citoyens et
les services de sécurité, que pour sécuriser les populations. Les réformes engagées entre
temps ont permis de voir les limites. Quoi qu’on dise, il est encore plus urgent que jamais,
que des agents formés pour enquêter dans les rangs des officiers de police et de
gendarmerie aient suffisamment de moyens.

Jacques LEWA

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