Coup d’etat militaire en guinée: le changement, c’est maintenant

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D ans la matinée du 5 septembre 2021, un coup d’Etat militaire mené par le groupement des forces spéciales a renversé le régime du RPG arc-en-ciel et mis brutalement fin au 3ème mandat du président Alpha Condé. Epilogue d’un long soubresaut politico-juridique ayant entrainé des centaines de morts et des milliers de blessés et des dégâts matériels inestimables, ce coup de force vient mettre fin à près de deux ans de crispation politique et sociale sur fond  de précarité économique,  dans un tissu social en lambeau.

Maintenant que le putsch est consommé et que le pays s’achemine vers une transition aux lendemains incertains, il est nécessaire de faire l’état des lieux et de soumettre aux nouvelles autorités une batterie de mesures afin de nous sortir de cette impasse qui n’a que trop durer.

C’est fait, c’est fini. Ce qui devait arriver, arriva comme le disait l’autre. Il est tombé. Et quel gâchis ce fut ! Le professeur Alpha Condé, président de la République, président du RPG depuis sa création, Dr honoris Causa et commandant en chef des forces armées guinéennes est arrêté.

Jusqu’au 5 septembre 2021, jour fatidique où tous ces titres ont été balayés d’un maniement  d’armes par le groupement des forces spéciales avec à sa tête le bouillant colonel Mamady.

Héros pour les uns et bourreau pour beaucoup, le président Alpha Condé était ce dirigeant déconnecté du peuple et totalement aveuglé par son entêtement à mourir au pouvoir comme ses deux prédécesseurs qu’il dit avoir tant combattu pour finir par les ressembler. Inutile de remuer le couteau dans la plaie encore béante que ses 10 ans et 10 mois de gouvernance chaotique ont fini par infliger au peuple martyr de Guinée.

Pour bon nombre d’observateurs, ce coup de force était prévisible, mais tous ont été surpris par sa rapidité et surtout la facilité avec laquelle il s’est opéré.

Apres avoir tordu le cou à la loi, le premier mandataire de la 4eme République, comme l’aimaient à dire ses militants, à serrer le vis dans le quotidien de ces compatriotes ces 12 derniers mois dans un contexte intenable de pandémie virale : couvre-feu, interdiction de sortir de Conakry sans pass sanitaire, interdiction d’importer des véhicules de plus de 13 ans, doublement des tarifs du cordon douanier, multiplication par 4 des frais d’immatriculation des véhicules, augmentation de 20 francs sur la consommation des crédits téléphoniques, décisions liberticides, fermeture des frontières,  augmentation du prix du carburant à la pompe…. Ce cocktail ne pouvait pas tenir longtemps.

C’est donc le CNRD (Conseil National pour le Rassemblement et le Développement) qui préside aux destinées de la Guinée. C’est l’occasion inespérée à saisir pour corriger les erreurs du passé et asseoir les bases d’un avenir radieux pour tous les guinéens. Pour le moment, ceux-ci retiennent leurs souffles et espèrent vivement que cette junte ne tombera pas dans les pièges du CNDD. Mais pour cela Mamady Doumbouya et son prochain gouvernement doivent impérativement suivre un protocole de gestion publique des plus rigoureuses suivi d’un code d’honneur infaillible. Ils sont militaires après tout.

Renouveler radicalement la classe dirigeante pour la transition

La responsabilité qui incombe désormais au CNRD est lourde, honorifique et extrêmement exigeante. Il va donc de soi que le choix de ceux qui auront l’honneur de conduire la transition soit basé sur des critères de compétence et de probité morale irréprochables. Tous ceux qui ont de près ou de loin été approchés à la gestion publique de haut niveau durant ces 20 dernières années doivent purement et simplement être écartés. Ce n’est nullement de l’exclusion, mais ils ont assumé des choix défavorables au peuple à un moment donné de l’histoire de notre pays. L’heure n’est plus au recyclage, mais au renouvellement intelligent de la classe dirigeante.

Revoir certaines décisions inopportunes du pouvoir précédent

Parmi ces décisions figurent en bonne place l’augmentation du prix du carburant à la pompe. Nul besoin d’attendre la mise en place d’un nouveau pouvoir pour supprimer cette injustice économique parmi tant d’autres qu’Alpha et sa clique ont infligé au peuple.

Par ailleurs, la transition est une occasion unique pour instaurer le système d’ajustement automatique du prix du carburant à la pompe. A défaut, mettre en exécution les accords entre le gouvernement précédent et les acteurs du mouvement social sur les variations du prix du carburant.

Ne faut-il pas revoir également l’heure de début du couvre-feu ? Il n’est prouvé nulle part que le virus se promène en Guinee de 22h à 04 h du matin. Cette autre décision inopportune du régime défunt impacte négativement tous ceux qui travaillent la nuit. Oubliez tous les bars et bistrots et leurs nombreux dépendants. Nous parlons de ces chauffeurs de taxis qui ne bouclent plus les fins du mois ou ces contrôleurs de nuit, site des téléphonies de mobiles qui ne sortent plus. L’économie tourne aussi bien la journée que la nuit. Surtout la nuit. Un couvre-feu de 1h du matin à 4h serait plus raisonnable.

Il en de même pour l’immatriculation de nouveaux véhicules. La modernisation de nos pratiques administratives est certes louable, mais cela ne doit pas tuer la consommation interne et handicaper l’évolution normale de l’économie.

Ça peut paraitre anodin, mais il serait louable que le CNRD ne tombe pas dans les mesquineries sécuritaires de l’ancien régime. Cela en évitant de bloquer les routes 2 heures avant le passage du cortège présidentiel.

Chers membre du CNRD, la responsabilité est un fardeau qu’on supporte avec un peu de privilèges. Privilégiez toujours le fardeau et usez peu des privilèges. Un des maux de ce pays a toujours été de mettre ses hauts cadres, notamment les ministres, certains directeurs généraux et autres hauts gradés de l’armée dans des conditions de vie qui tranchent radicalement avec la vie du guinéen moyen. Si les attributs et les privilèges d’une responsabilité doivent rendre riches ceux qui l’exercent au-dessus du peuple qu’ils sont sensés servir, alors ils n’ont pas leur raison d’être. Si le train de vie des mandants d’un pays doit suivre le PIB de celui-ci, le chancelier allemand ne prendrait pas le métro pour rallier Paris, le premier ministre hollandais ne rallierait pas son bureau sur un vélo… Le luxe de la cite ministérielle, le confort d’une Toyota V8 rutilante, la liberté du bon de carburant et autres privilèges sont ces petits envies parfois qui passent inaperçus, mais qui poussent certains hauts commis à faire tout et n’importe quoi pour s’éterniser là où ils sont.  Quitte à verser dans la délation, le vol et la démagogie…sur le dos du contribuable.

Pour le gouvernement que vous aurez la haute charge de diriger, optez pour une nomenclature restreinte avec une feuille de route claire et orientée vers la transition. Pour ce faire, montrez que c’est un fardeau, un honneur et un devoir de servir son pays, pas un privilège insolent.

Mettez aux enchères tous ces véhicules rutilants, polluants et budgétivores autant en consommation de carburant qu’en entretien. Pour le moment, nous sommes un Etat pauvre, tachez de rendre optimale le moindre achat dans le budget national.

La transition est l’opportunité de prendre des décisions honnêtes, juste et parfois impopulaires au vu de l’indépendance politique de ceux qui la dirigent.

Profitez de votre période pour vendre toutes les grosses cylindrées du garage du gouvernement et renflouez du coup les caisses de l’Etat.

Gardez une centaine hauteur pour les missions en régions ou la réception d’officiels dans notre pays.

Montrez à tous vos collaborateurs qu’ils doivent se serrer la ceinture et que la transition n’est ni un jeu de casino ni un jeu de positionnement quelconque. Il en de même pour d’autres privilèges inutiles et exorbitants dont jouissent ceux qui sont sensés vivre le plus modestement possible au vu de leur position.

La transition est l’occasion de doter le pays des lois et d’institutions fortes qui garantiront la pérennité de la démocratie. De la constitution à la haute Cour de justice, en passant par la reforme d’institutions comme le CENI ou le CES, toutes les ressources humaines disponibles doivent être mobilisées afin de créer les piliers d’un Etat de droit.

Les articles de la nouvelle constitution ne doivent aucunement laisser la place au doute quant aux questions existentielles de la nation et de l’Etat de droit. L’intérêt supérieur de la Guinee doit primer sur tout.

Sous la transition, mettez la justice en branle pour que plus jamais les crimes de toute nature confondue commises sous l’ancien régime ne restent impunis.

Pour enquêter  sur les dossiers de crimes économiques, le ministère de la justice pourrait créer le Parquet national financier afin de passer au crible tous les scandales financiers non résolus depuis 2010 voire avant.

De l’affaire Palladino aux 200 milliards du Nabaya Gate, en passant par les 13 milliards du trésor public, l’affaire Bolloré, les 700 millions de dollars de Rio Tinto, les 4 milliards de FCFA de l’Aéroport de Dakar, Asperbras, Agreko, Ebomaf….notre pays a croulé sous le poids des détournements et vols de deniers publics malgré les dénonciations de la presse. Avant que ces dossiers ne soient encore politisés au gré des alliances de la présidentielle prochaine.

Votre gouvernement doit gérer la transition, doter le pays d’institutions fortes en vue des élections à venir. Les grands projets ne doivent nullement être la priorité d’un gouvernement de transition. Sous votre magistère, des études peuvent être menés.

Quant à la recherche de financements et leur mises en exécution, prenez le soin de les diligentez vers les autorités élues.

Alpha Oumar DIALLO

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