Charte de la transition en guinée : ce qu’il faut savoir

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P ar une Ordonnance du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), lue sur les ondes des médias d’Etat, les nouvelles autorités guinéennes, au pouvoir depuis le 5 septembre 2021, ont rendu publique la Charte de la Transition.

Attendue depuis trois (3) semaines, c’est dans la soirée du mardi 27 septembre 2021 que l’homme fort du pays, Colonel Mamadi DOUMBOUYA, a décidé de passer à la vitesse supérieure.

Composé de seulement 13 pages, 5 titres, 7 chapitres et 84 articles, ce document portant Charte de la Transition, visiblement succinct et méthodiquement élaboré, vient lancer les bases de la transition et marquer, ainsi, la fin véritable de l’ère CONDE.

Que faut-il savoir ?

Des libertés individuelles et collectives réaffirmées (article 8 à 35). Les valeurs, missions et principes sacrosaints de la Guinée en cette phase de transitoire ont été consacrés (article 1er à 7). Les organes de la transition ont été déterminés sans ambages (article 36 à 69). Mieux, d’importantes précisions, non sans polémiques, ont été apportées sur le concept du « recyclage » et ainsi que sur la durée de la transition.

Aussi, si aucune visibilité n’est apparue sur la période d’élaboration de la Charte, il ressort du préambule de cette dernière que les nouvelles autorités disent prendre acte des propositions et recommandations des différentes composantes des forces vives de la Nation.

Sans savoir le niveau de prise en compte de ces recommandations, il est clair que la publication de la Charte fait suite aux conclusions issues des concertations nationales inclusives, tenues à Conakry du 14 au 23 septembre 2021 au Palais du peuple, avec l’ensemble des forces vives de la Nation.

Seul hic, ces concertations ne se sont limitées qu’à Conakry, capitale guinéenne. Dès lors, nombreux ont été les observateurs qui ont critiqué le caractère « non fortement inclusif » de la démarche.

‘’Le système qui sous-tend le fonctionnement de la vie à Conakry n’est plus représentatif du peuple de Guinée dans son entièreté’’, fustige Idrissa Koné, chercheur en politique minière et résident à Boké depuis 5 ans, au nord-ouest de la Guinée.

Les Organes de la Transition

Loin d’être une « quadrature du cercle », la Charte de la Transition, telle que publiée, fixe le nombre des organes de la transition à quatre (4) organes.

« Le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) ; le Président de la Transition ; le Gouvernement de la Transition ; le Conseil national de la Transition (CNT) » indique l’article 36 de la Charte.

De manière superficielle, ces organes apparaissent sous l’angle d’une architecture pyramidale au sommet de laquelle se trouve le CNRD, suivi du Président de la Transition, puis du Gouvernement de la transition, pour finir par le CNT.

Ainsi, le CNRD devient l’organe central de définition et d’orientation stratégique de la politique économique, sociale, culturelle, et de développement du pays, précise la charte. Bien que les membres de ce CNRD ne soient jusque-là pas connus, du moins très peu connus, d’importantes précisions sont apportées quant à sa composition.

« Il est composé des éléments des forces de défense et de sécurité de la République de Guinée (armée, gendarmerie, police, protection civile, douane, et conservateurs de la nature » rapporte le document.

La Présidence de la Transition sera, sans surprise, assurée par le nouvel homme fort du pays. Il s’agit du jeune colonel du groupement des forces spéciales, Mamadi DOUMBOUYA, jadis découvert par les guinéens lors d’un certain 1er novembre 2018 en la faveur des parades des forces armées guinéennes, qui a renversé l’ancien Président de la République, Alpha CONDE.

Il cumulera les fonctions de Président du CNRD, de Président de la République, du Chef de l’Etat et de Chef suprême des Armées.

Colonel DOUMBOUYA sera assisté dans sa mission par un Premier Ministre (PM), Chef du Gouvernement. Si aucune indication n’a été donnée sur le nom du PM, la charte précise cependant qu’il s’agira d’une personnalité civile reconnue pour ses convictions, ses compétences avérées et sa probité morale.

Il dispose de trente (30) jours, à compter de la date de nomination du Gouvernement, pour soumettre à l’approbation du Président DOUMBOUYA le Plan d’actions du Gouvernement.

Selon la Charte, le CNT, organe législatif de la Transition, aura pour principale mission : « élaborer et soumettre pour adoption, par référendum, le projet de Constitution… contribuer à la réconciliation nationale » peut-on lire à l’article 57 de la Charte.

Ce CNT sera composé de 81 membres, choisis pour leur compétence et leur probité, répartis entre les différentes composantes de la Nation (article 60).

La tête du CNT sera assurée par un triptyque composé d’un Président, assisté dans ses taches par deux (2) Vice-Présidents. Tous nommés par décret du Président de la Transition. Si aucune visibilité n’existe, à date sur leurs identités, la Charte indique toutefois qu’il s’agit des personnalités de nationalité guinéenne, de compétences reconnues et de grande probité, issues des forces vives de la Nation (article 64).

Les interdits de la Charte

La Charte de la transition, se fondant sur la volonté du CNRD à refonder l’Etat, à conduire une transition démocratique, inclusive et impartiale, a fixé et clarifié ses missions (voir article 2 de la Charte).

Pour atteindre celles-ci, il est interdit au Président de la Transition ainsi qu’aux membres du CNRD de se porter candidat à une quelconque des élections en vue.

« Ni aux élections nationales, ni aux élections locales qui seront organisées pour marquer la fin de la fin de la transition », récise l’article 46 de la Charte. Avant d’ajouter que la présente disposition n’est susceptible d’aucune révision.

Plus loin , il est indiqué dans la charte que le Premier ministre et les membres du Gouvernement ne peuvent faire acte de candidature aux élections locales et nationales, ce, dans les mêmes conditions que les membres du CNRD.

Les mêmes interdictions afférentes à l’inégibilité frappent également les membres du CNT, selon l’article 65 de la Charte.

Comment la Charte perçoit-il le concept de « recyclage » ?

S’il est vrai qu’en aucun moment la Charte n’évoque le terme recyclage, force est reconnaitre qu’elle n’en fait pas cependant une totale abstraction. L’esprit de la déclaration du Colonel face aux jeunes, demeure. Quoiqu’il reste sujet à équivoque.

« Les membres du gouvernement et ceux des institutions dissoutes à la date du 5 septembre 2021 ne peuvent être désignés au Conseil national de transition » indique la charte en son article 60.

A en croire à cet article 60, il faut dire que la restriction n’est formellement faite qu’aux postulants au CNT.

Quid du prochain gouvernement et des autres organes de la transition dont le CNRD et les institutions réhabilitées ou encore de réhabilitation ?

Silence total, nous semble –t-il. Voici le premier point d’achoppement auquel les membres du CNRD doivent faire face.

Etant entendu que la notion de recyclage, telle que plébiscitée au sein de l’opinion, se rapportait à l’idée de ne reconduire aucun des cadres, du moins ceux de la haute administration, des régimes antérieurs  fortement décriés. Il faut à cet égard s’attendre à de vives polémiques au sein de l’opinion comme cela fut le cas quand l’Ordonnance 2021/002 avait été prise pour réhabiliter la Cour des Comptes sans recomposition préalable.

Entrée en vigueur de la charte et la fin de la transition, quelle conséquence en tirer ?

Selon la charte, la durée de la transition sera fixée de commun accord entre les forces vives de la Nation et le CNRD (article 77). Cependant, le modus opérandi de cette fixation n’a pas été précisé.

Qu’entend le Président du CNRD par forces vives ? Est-ce le gouvernement et le CNT ? Ou cela fera l’objet de nouvelles consultations ?

Rien n’est moins sûr. Cette question, tendue aux lèvres de tous, sera assurément le deuxième point d’achoppement entre les nouvelles autorités et les partis politiques de manière singulière.

Toutefois, la Charte précise qu’elle sera caduque dès la publication au Journal officiel de la nouvelle Constitution dont l’adoption sera faite uniquement par référendum (article 78).

La Cour constitutionnelle, contrairement à la Cour des comptes, n’est jusque-là pas réhabilitée. Pire, sa réhabilitation est conditionnée à l’adoption de la prochaine Constitution qui pourrait ou pas la consacrer. En attendant, ses attributions sont transférées à la Cour suprême (article 79).

Au moment où nous mettons ce billet en ligne, la Charte était pleinement entrée en vigueur. Puisque celle-ci n’était conditionnée qu’à la signature du Président de la République (article 84).

CHERINGAN

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