L ‘affaire judiciaire impliquant Mamadou Aliou Bah, président du parti MoDeL, continue de susciter l’attention de l’opinion publique et des défenseurs des droits de l’homme.
En conférence de presse animée, jeudi 13 février 2025, à Conakry, le collectif des Avocats constitués pour défendre ce jeune leader politique a abordé, de long en large, son arrestation, son procès et sa condamnation à deux ans de prison.
Une Arrestation Controversée
Le 26 décembre 2024, alors qu’il se rendait en Sierra Léone pour des raisons privées, Mamadou Aliou Bah est interpellé à la frontière par des éléments de la gendarmerie nationale, sur instruction hiérarchique. Aucun document officiel n’interdit pourtant son départ du territoire. Arrêté sans procédure régulière, il est conduit manu militari dans les locaux de la Direction centrale des investigations judiciaires (DCIJ) aux alentours de 21h.
L’un de ses avocats, Maitre Pépé Antoine Lamah, présent lors de son audition, dénonce des irrégularités flagrantes dès cette étape.
Selon la défense, M. Bah avait, quelques semaines plus tôt, déposé une plainte contre X au tribunal de Dixinn, pour menace de disparition forcée. Cette plainte, en lien avec des informations qu’il a reçues depuis la France sur son possible enlèvement, est restée sans suite.
Conditions de Détention Déplorables
Durant sa garde à vue prolongée, Mamadou Aliou Bah passe plusieurs nuits à même le sol, dans une cellule insalubre infestée de moustiques, rapportent ses avocats, qui soulignent qu’une intervention du procureur général a permis temporairement d’améliorer ses conditions de détention, mais, déplorent-t-ils , il est fouillé et même sa bague de mariage est confisquée.
Le 30 décembre 2024, il est déféré au tribunal de première instance de Kaloum, où un mandat de dépôt, apparemment prérempli, est immédiatement exécuté. Le procès en flagrant délit s’ouvre le lendemain et, après des débats marqués par de vives tensions, le tribunal le condamne, le 7 janvier 2025, à deux ans d’emprisonnement pour « Offense au Chef de l’Etat ».
Des Violations de Droits Fondamentaux
Le collectif d’avocats, conduit par Me Almamy Samory Traoré, dénonce des atteintes multiples aux droits de leur client. Ils relèvent notamment :
-Violation de la liberté individuelle : Protégée par la Charte africaine des droits de l’homme et plusieurs instruments internationaux, cette liberté aurait été bafouée lors de son interdiction de quitter le territoire, sans décision judiciaire ou administrative.
-Arrestation et détention arbitraires : M. Bah a été interpellé sans qu’aucune infraction ne lui soit notifiée, en violation de son droit d’être informé des motifs de sa privation de liberté.
-Atteinte à la liberté d’expression : Son incarcération serait motivée par ses prises de position critiques sur la gestion de la transition en Guinée. Selon ses avocats, il est puni pour avoir exercé son droit légitime à la critique politique.
Recours à la Cour de Justice de la CEDEAO
Face à ces manquements, une plainte a été déposée, le 10 février 2025, auprès de la Cour de justice de la CEDEAO. Les avocats demandent la remise en liberté immédiate de leur client, dénonçant une détention arbitraire et une instrumentalisation de la justice à des fins politiques.
« Mamadou Aliou Bah est en prison non pas pour des actes répréhensibles, mais pour avoir exprimé librement ses opinions », soutient Me Lamah.
L’État guinéen, officiellement notifié, dispose d’un mois pour répondre à cette plainte. La Cour devra statuer dans un délai de trois mois, à compter de la date d’enregistrement de l’appel.
L’issue de cette procédure est désormais attendue avec attention, tant par les partisans de M. Bah que par les observateurs de la vie politique guinéenne.
Au-delà du cas personnel du leader du MoDeL, c’est la question de l’indépendance de la justice et du respect des libertés fondamentales en Guinée qui reste posée.
Alpha Ibn Boubacar Diallo