Alpha conde: l’opposant historique absent sur le terrain en guinée (première partie)

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Au début du mois de juin 1994, s’est tenue à Conakry, une session extraordinaire du Conseil National de Sécurité (CNS), sous la présidence effective du Président de la République, Lansana CONTE.

Cette session fut convoquée, selon une source proche du pouvoir, à cause, en tout cas, à la suite, d’une rencontre qui eut lieu, quelque temps auparavant, entre le premier responsable d’un parti politique de l’opposition et des éléments de l’armée guinéenne, dont des officiers, au domicile d’un autre acteur politique, lui aussi premier responsable d’un parti politique de l’opposition. Comme en pareil circonstance, cette rencontre ne pouvait avoir lieu, évidemment, que sous le sceau du plus grand secret.

Dès la nouvelle de la mise aux arrêts, par le pouvoir, des officiers ayant participé à la rencontre avec les deux acteurs politiques de l’opposition, l’un des deux, arguant de ce qu’il doit se rendre à Dakar pour se marier, s’est empressé de quitter Conakry.

Des décisions d’une extrême importance furent prises au cours de cette session extraordinaire du CNS. La rigueur de ces décisions et les mesures de dure répression qu’elles entrainaient, étaient à la mesure de l’enjeu : ces mesures viseraient toutes, selon le pouvoir, à préserver la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat. La plus importante et la plus grave d’entre toutes concernait, en premier, le Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG), le plus important parti d’opposition de l’époque. Elles visaient non seulement le parti lui-même, non seulement le premier responsable du parti, mais encore toute sa direction.

Un membre important de cette direction, ayant été informé, par un ami, proche du pouvoir, désireux de garder l’anonymat, des décisions et mesures prises par le CNS, communiqua immédiatement la nouvelle de ces décisions et mesures au Coordonnateur National du Bureau National Provisoire (BNP) du RPG. Celui-ci forma sur-le-champ une délégation composée, outre lui, de MM Ibrahima Sory DIOUMESSI, l’important membre du BNP, qui fut informé, le premier, par l’ami proche du pouvoir, de la nouvelle des importantes décisions et mesures prises par le CNS contre le RPG, et Ahmed Tidiane CISSE, en sa qualité de Secrétaire général Adjoint du RPG. Cette délégation, comme on s’en doute, ne devait et ne pouvait être formée, suite à une délibération du BNP, pour une raison évidente : l’importance et le caractère confidentiel et néfaste des décisions et mesures prises par le CNS et visant, en premier, le RPG et sa direction, et la nécessité d’y parer au plus pressé, commandaient une composition minimale de cette délégation et la mise en œuvre presque instantanée de la plus efficace des parades. Aussi, sur proposition du Coordonnateur National du BNP du RPG, la délégation se transporta sans tarder, le 08 juin 1994, au Ministère de l’Intérieur pour y rencontrer le Ministre, le plus important membre du CNS, après le Président de la République. Le Ministre fit donner immédiatement congé à tous visiteurs, demandeurs d’audience, dès qu’il fut informé de la présence de cette délégation dans son Département. A l’issue de cette rencontre et à la faveur du caractère libre et spontané de l’initiative de cette entrevue, prise par la délégation du BNP du RPG, alliée à la pertinence de l’argumentaire de cette délégation, la religion du Ministre semblait faite ou, en tout cas, suffisamment établie pour qu’il se décide à se rendre immédiatement auprès du Président de la République, président du Conseil National de Sécurité, afin de lui transmettre le message  de la délégation. Le contenu de ce message est évident et peut se résumer en une seule et unique requête : rapporter toutes les décisions et mesures prises et visant à la dissolution du RPG et à la mise en état d’arrestation de la direction du parti, cela sans aucune contrepartie d’allégeance au pouvoir et, par conséquent, de reniement de l’idéal politique du parti et de son programme. Ce qu’elle obtint du président du CNS, sans que cela fût ébruité par le canal d’une décision écrite ni par la voie des ondes, pouvait se révéler ou être compris à l’aune du seul tumulte ou train-train du quotidien : aucune dissolution du RPG et, par conséquent, aucune mise en état d’arrestation de sa direction, ni dans les jours, ni dans les semaines, ni dans les mois suivant la rencontre avec Monsieur le Ministre de l’Intérieur, ni jamais, n’étaient venues rompre la monotonie ou le cours normal de ce quotidien.

La bombe ayant été désamorcée à temps, la délégation du BNP du RPG était tenue d’informer le Comité Central (CC) et le Bureau National Provisoire (BNP) de l’initiative prise par la délégation de se rendre auprès du Ministre de l’Intérieur et de rendre compte des résultats obtenus. A la suite de quoi, la délégation devait engager une rude bataille pour obtenir du CC et du BNP, d’abord qu’ils lui en donnent acte, puis qu’ils se décident à publier une déclaration par laquelle, la direction du parti informait l’opinion publique guinéenne de la décision de dissolution du parti, prise par le pouvoir et, conséquemment, de la mise en état d’arrestation de sa direction, pour atteinte à la sécurité intérieure et/ou extérieure de l’Etat. La déclaration mettait l’accent sur le fondement politique de son programme et de son action, inscrit dans les statuts du parti : la conquête du pouvoir, par le RPG, se fera par les urnes. Il en résulte qu’à aucun moment, la direction du parti n’a pris des contacts avec des officiers de l’armée guinéenne.

Par cette déclaration, est désormais faite la confirmation de la justesse, et de l’initiative prise par la délégation du BNP du RPG, et de l’argumentaire soutenu devant le Ministre de l’Intérieur, lors de sa rencontre avec lui, à savoir que la réalisation d’un projet, de la taille et de l’importance de celui afférent au renversement d’un régime, ayant à sa tête, un militaire du grade de Général d’armée, doit être tenu si confidentiel qu’il exclut nécessairement la participation effective de toute la direction d’un parti.

Cela rendait désormais inopérante toute entreprise de désaveu de la démarche effectuée par la délégation du BNP du RPG auprès du Ministre de l’Intérieur, par ceux qui, au sein de la direction du parti, ne pouvaient mener ouvertement à son terme cette entreprise, sans courir le risque d’être isolés et d’apparaître comme les fossoyeurs du parti. Cela rendait surtout irréversible l’annulation bien que tacite, mais réelle, de la décision prise par le pouvoir de dissoudre le parti et de mettre en état d’arrestation les membres de sa direction.

Mais comme le projet de déclaration n’avait pas fait l’objet d’un accord unanime au sein de la direction du parti et que son adoption n’avait pas recueilli l’unanimité,  dès la publication de cette déclaration, qui a eu lieu, alors que le Secrétaire général du parti se trouvait dans son appartement de la plus haute tour de la place d’Italie, à Paris, ses thuriféraires ont lancé une campagne de désinformation et de dénigrement de la délégation du BNP qui s’était rendue auprès du Ministre de l’Intérieur. Malgré cette campagne de désinformation, personne, y compris, parmi ses thuriféraires, ne pouvait mettre ouvertement en doute, ni en question, la justesse de l’initiative prise par la délégation du BNP, d’empêcher la dissolution du RPG et la mise en état d’arrestation des membres de sa direction, en se transportant auprès du Ministre de l’Intérieur.

C’est cet extraordinaire résultat qui aurait dû réjouir, obtenu par la délégation du BNP du RPG et qui était si inattendu et devenu si menaçant, si dérangeant, aux yeux des thuriféraires du Secrétaire général du parti, qu’il eut le don de faire sortir celui-ci de sa tanière dorée d’homme d’affaires. Et c’est, sans doute, la mort dans l’âme, qu’il dut se résoudre à quitter cette résidence parisienne, de grand standing puisque  « appartement de la plus haute tour de la place d’Italie, à Paris », évidemment bien connue de la belle brochette de ses « amis étudiants », tous devenus, dans la vie, des personnalités de premier rang du monde de la politique, des affaires, de la finance, de la culture et du journalisme, et tous français, excepté Théodore PANGALOS, homme politique grec, et ne comprenant, bien entendu, aucun africain.

C’est de cette résidence parisienne, « où il aura vécu ses plus belles années de combat », note, de complaisance, Antoine GLASER, ancien directeur de La Lettre du Continent, fin chroniqueur de tout ce qui touche à la vie et à l’avenir du contient africain, que Monsieur Alpha CONDE, candidat du RPG à l’élection présidentielle de 2010 et, plus tard, à celle de 2015, rapplique, après s’être décidé enfin, toujours sous la pression de ses thuriféraires du BNP, à venir à Conakry prendre en main la direction du parti. Il peut être instructif de savoir que c’est dans cette résidence parisienne que commença à s’ébaucher cette image d’Epinal de l’  « opposant historique », de « l’exilé » et du « clandestin » qu’il se donna. Cette image d’Epinal a pris progressivement forme et semble avoir conquis ses lettres de noblesse, à force de récurrence, orchestrée par des médias alimentaires, mais n’a eu aucune peine à s’évanouir dès que Antoine Glaser a pu montrer son irréalité, lorsque, s’agissant du plus « vieil exilé en France », en la personne de Monsieur le « Professeur », Président de la République de Guinée, Alpha CONDE, il a écrit le plus naturellement du monde : « Il aura vécu ses plus belles années de combat dans un appartement de la plus haute tour de la place d’Italie, à Paris ». Vivre ses plus « belles années de combat dans un appartement de la plus haute tour de la place d’Italie, à Paris » ! Et apparaître, en même temps, dans le confort doré d’une résidence bourgeoise de Paris, comme un « opposant historique », un « exilé », un « clandestin », cela ne ressemble-t-il pas fort à une plaisanterie de mauvais goût, qui amène le lecteur à se demander de qui se moque-t-on? A moins que ce ne soit Antoine Glaser lui-même, qui se paie la tête du « Professeur », en lui recollant, à la peau, cette image d’Epinal.

Monsieur Alpha CONDE, Secrétaire général ou Président du RPG arrive donc à Conakry, en provenance de Paris, avec, à son agenda, la mise au pas de ceux de la direction du Bureau National Provisoire du RPG qui ont osé prendre l’initiative de régler un problème, lequel met en question l’existence du parti et de sa direction, avant d’avoir obtenu de lui, au préalable, des directives.

On comprend que, au lieu de se réjouir du succès, remporté par la délégation du BNP du RPG auprès du Ministre de l’Intérieur, il fut plutôt mécontent de ce succès, à raison de ce qu’il ne fut pas son œuvre, à lui, demeurant en cela, fidèle à lui-même, en ce qu’il n’a jamais su se départir de sa dimension narcissique, dans son rapport à autrui. On ne saurait trouver meilleure illustration de cette dimension, au-delà de la peinture qu’a donnée de lui, son ami de trente ans, qui l’a beaucoup aidé et assisté tant sur le plan universitaire que matériel, le Professeur Alfa Ibrahima SOW, des Langues Orientales. Soit dit, en passant, une liaison quasi permanente existait entre le Secrétaire général du RPG, depuis sa résidence parisienne, et le Coordonnateur National du BNP du RPG à Conakry, grâce à la bienveillance d’une haute personnalité, dont on voudra bien comprendre que l’ex-Coordonnateur National soit tenu de garder l’anonymat. Au demeurant une importante correspondance est détenue par l’ex-Coordonnateur National dont deux des toutes premières lettres adressées, de sa retraite de l’Ambassade du Sénégal, à celui qui n’était pas encore « traitre », par lesquelles il lui proposait avec une déférence, hier parfaitement simulée, aujourd’hui définitivement anéantie, une direction nationale provisoire du parti clandestin. On pourra consulter photocopie de ces deux documents en annexe, en attendant la publication de quelques-unes des plus importantes de ces lettres dans un ouvrage en préparation.

Cela n’a pas suffi : il a fallu qu’à l’insu de la direction du parti à Conakry, Monsieur Alpha CONDE, chef du parti, trouve le moyen d’établir une liaison secrète avec quelques-uns de ses thuriféraires ou de ses inconditionnels, pour lui permettre, du haut de sa résidence dorée parisienne, non seulement d’être informé de tous événements qui ont eu lieu à Conakry et à l’intérieur du pays, mais encore et surtout de contrôler l’activité de quelques-uns des membres du BNP, ciblés par lui.

Par Elhad Ibrahima Fofana

Membre fondateur du RPG dans la clandestinité 

 

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