Suisse : début du procès d’une jeune femme pour une rare attaque jihadiste

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D éséquilibrée ou « terroriste sans scrupule »? Le procès d’une jeune Suissesse qui a tenté d’égorger deux femmes dans un grand magasin en 2020 en scandant son dévouement à l’État islamique a débuté lundi en Suisse pour tenter de répondre à cette question.

Le procès s’est ouvert vers 9h30 (07H30 GMT) au tribunal pénal fédéral à Bellinzone (sud), en présence de la jeune femme, 28 ans au moment des faits, entourée de policiers.

Vêtue de noir, comme le stipule le règlement du tribunal, l’accusée portait une longue tunique, des collants et des ballerines, ainsi que, au début de l’audience, un masque sanitaire (noir également) et une capuche lui couvrant la tête et qu’elle a accepté d’enlever après plusieurs minutes de discussions avec la présidente du tribunal et son avocat.

« Je suis musulmane », a-t-elle dit, un léger sourire sur le visage, pour justifier sa volonté de garder la capuche, avant de se plier aux règles du tribunal.

Le 24 novembre 2020, elle était montée au 5e étage, rayon ménage, du grand magasin Manor de Lugano, dans la région italophone du pays, où elle avait acheté un couteau avant de s’en prendre au hasard à deux femmes.

L’une des deux victimes avait été grièvement blessée au cou. La deuxième, blessée à la main, avait réussi à maîtriser l’assaillante avec d’autres personnes, jusqu’à l’arrivée de la police.

Selon l’acte d’accusation du Ministère public de la Confédération (MPC, procureur général), la jeune femme, dont le tribunal ne souhaite pas que le nom soit publié, a agi « intentionnellement » et « sans aucun scrupule ».

Lors de l’attaque, elle a crié à plusieurs reprises « Allahou Akbar » et « Je vengerai le prophète Mahomet », et déclaré « Je suis ici pour l’EI », en référence au groupe jihadiste Etat islamique.

Pendant cette première matinée d’audience, la jeune femme, cheveux longs noirs, a longuement répondu aux réponses de la présidente du tribunal.

De père suisse et mère serbe, elle a raconté, d’une voix naturellement brisée, ses crises d’épilepsie durant l’enfance suivie d’une adolescence marquée par l’anorexie, et ces stages de coiffure ou de vendeuse.

– « Les choses sont allées mal » –

En rapport avec des psychologues et psychiatres depuis son enfance, elle a indiqué être toujours suivie actuellement en prison, où elle prend un traitement qui ne lui plaît pas et qui la rend « nerveuse ».

Elle a expliqué être tombée enceinte à 17 ans de son futur mari, d’origine afghane, qu’elle a épousé à 19 ans et dont elle a fini par divorcer l’an dernier.

« Cela a bien commencé, puis les choses sont allées mal », a-t-elle dit, en expliquant que son mari ne voulait pas qu’elle étudie, ni qu’elle avorte.

Ne souhaitant pas s’occuper de l’enfant à naître, elle l’a confié à ses parents, qui l’ont adopté.

Elle est jugée pour « tentatives répétées d’assassinat » et violation de l’article de la loi fédérale interdisant les groupes jihadistes Al-Qaïda et Etat islamique.

Elle est en particulier accusée d’avoir voulu commettre un « acte terroriste » au nom de l’EI. Elle doit également répondre de l’accusation d' »exercice illicite répété de la prostitution » entre 2017 et 2020.

La défense a assuré qu’elle s’appuierait sur son état mental pour réfuter le motif « terroriste » et plaider une tentative d’homicide. Des experts doivent être entendus dans la journée et mardi.

Elle était déjà connue des services de police avant l’attaque, car avait-elle tenté de rejoindre un combattant jihadiste en Syrie, dont elle était tombée amoureuse sur les réseaux en 2017. Elle avait été arrêtée à la frontière turco-syrienne et renvoyée en Suisse puis placée dans une institution psychiatrique.

L’audience doit durer jusqu’à jeudi, et le jugement est attendu le 19 septembre.

La Suisse n’a jamais connu d’attentat jihadiste à grande échelle mais deux attaques au couteau en 2020: quelques semaines avant Lugano, un jeune ressortissant turco-suisse, qui avait cherché à se rendre en Syrie en 2019, avait mortellement poignardé un passant dans une rue de Morges (ouest).

Avec AFP

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