Sortir du cercle vicieux de la pauvreté (par camara kémoko)

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D ans un contexte de dépression économique, et en dehors d’un secteur productif performant, opérer des ponctions sur les classes moyennes inférieures est la faute qu’un gouvernement ne doit pas commettre. Le cercle vicieux de la pauvreté, les économistes l’expliqueront mieux, c’est une sorte de serpent de mer qui se mord la queue. C’est lorsque la faiblesse chronique d’une économie empêche son émergence. C’est lorsqu’un gouvernement fait du recyclage de la pauvreté. Ainsi les classes moyennes inférieures sombrent dans la pauvreté, et les pauvres dans la misère. Cela aboutit en général à un soulèvement populaire.

Notre gouvernement, en augmentant le prix des produits pétroliers et en baissant simultanément le salaire des travailleurs, plonge notre pays dans le cercle vicieux de la pauvreté.

Si l’augmentation des produits pétroliers est tolérable pour le gouvernement guinéen, rien ne justifie par contre, la baisse des salaires des travailleurs dont le pouvoir d’achat est déjà assez faible. Il faut préciser que l’augmentation du prix des produits pétroliers dépasse le cadre national, elle est due à un choc conjoncturel exogène. C’est à dire qu’un facteur incontrôlé est venu bouleverser la vie économique nationale. En effet, voulant subjuguer les effets de la crise sanitaire, les pays de l’OPEP ont décidé de spéculer sur le coût du pétrole. Chaque chose étant égale par ailleurs, cela s’est répercuté sur l’économie mondiale. Maintenant, le mérite de notre gouvernement aurait été de réussir à atténuer les effets de ce choc exogène sur le cycle économique national. Les exemples de mécanisme de redressement ou de résilience sont foison. Mais hélas! Notre économie était assez faible pour pouvoir relever ce défi. Sinon ailleurs en Afrique, certaines économies ont pu atténuer les effets du choc sur leur quotidien économique national.

Cependant la baisse des salaires des travailleurs est incompréhensible, injustifiable, impardonnable. L’objectif principal d’un gouvernement est le développement, donc le progrès social. Le progrès social est pour le gouvernement, ce qu’est le profit pour l’entreprise. Il est donc injustifiable pour le gouvernement de faire payer par les citoyens dont il a la charge de la protection, la facture de sa mauvaise gouvernance. Avec un secteur productif défaillant, une économie réelle inexistante, un pouvoir d’achat faible… baisser les salaires des travailleurs, c’est un suicide. Le gouvernement doit reculer sur cette dernière ponction au risque d’être confronté à un soulèvement populaire.

Il est donc clair maintenant que nous ne sommes pas sur la bonne voie. Nous avons un problème de gouvernance. Le gouvernement n’a pas le bon cap pour nous sortir du cercle vicieux dans lequel nous sommes plongés. Cela n’a rien à voir avec les dépenses liées aux élections, ceci est la conséquence directe du modèle de développement opéré ces dernières années. Nous ne sommes pas sur la bonne voie. Notre pays ne produit rien, l’économie réelle est inexistante, nous avons donc une croissance appauvrissante et non-inclusive basée sur l’exportation de la bauxite brute. Parce qu’en lieu et place de la production, nous faisons de la financiarisation dont la logique voudrait que le capital n’ait pas à passer par le circuit normal de la production pour le fructifier. Sa logique vise l’enrichissement de l’investisseur d’abord, et qui par effet de ruissellement permette d’enrichir les masses. Mais cela ne marche pas pour nos économies, ça n’a marché nulle part d’ailleurs. Il faut rappeler que la mission du gouvernement c’est le développement, le progrès social alors que la financiarisation voudrait que l’investissement privé à court terme devienne la norme et que la spéculation fasse augmenter la valeur des actifs.

Il faut accepter l’évidence, nous avons un problème de gouvernance. Le gouvernement s’est désengagé d’un secteur où vivent plus de 60% de la population. Pas la peine de porter cela sous l’angle ethnique, c’est un échec total. Pour ma part, je trouve urgent :

  • la réduction du train de vie de l’État est indispensable et urgent. D’abord, la réduction du nombre de conseillers à la présidence, et du nombre de ministres permettra de faire baisser les budgets de fonctionnements, la suppression ou la suspension de certaines institutions inutiles: le médiateur de la République, le chef de file de l’opposition. Ensuite les frais de mission dispendieux, les frais de traitement exorbitants…
  • la création d’un impôt sur la fortune notre société nationale est structurellement formée de deux classes sociales: les trop riches et les pauvres. Il faut préciser que la classe moyenne s’est appauvrie, elle gonfle désormais la classe des pauvres. Ainsi avec 15 milliards comme PIB, nous pouvons dire que nous avons un problème de redistribution (avec cette forme actuelle de notre économie). Taxer donc les trop riches est un impératif permettant de rééquilibrer la société. Les commerçants guinéens, les industriels, les hauts cadres du secteur privé et public, les hauts fonctionnaires, les sociétés minières… tous doivent être mis à contribution pour nous sortir du marasme. C’est là où il faut faire de la ponction et investir dans l’entreprenariat rural.
  • la réorganisation de l’administration publique nous avons une administration budgétivore, une véritable machine à brasser des sous, un système qui favorise la corruption. Compte tenu de toutes ces carences, seule une réforme d’ensemble mûrement étudiée et concertée, intégrant aussi bien la refonte des missions de l’État que la politique de la fonction publique, pourra apporter une véritable réponse.
  • l’investissement dans l’économie réelle le développement, c’est permettre au cultivateur de Guécké de trouver son bonheur à Guécké, permettre au pêcheur de Kaback de trouver son bonheur sur place, permettre à l’éleveur de Mamou, à l’orpailleur de Siguiri… de s’enrichir sur place. Il faut donc investir dans la paysannerie et la petite transformation pour sortir les populations rurales de la misère et du désespoir. Le développement c’est de la base vers les villes. Pas l’inverse!

Il faut reconnaître que le plus grand défi reste le changement de cap. Il faut accepter l’évidence, nous avons un problème de gouvernance. Le gouvernement s’est désengagé d’un secteur où vivent plus de 60 % de la population. Pas la peine de porter cela sous l’angle ethnique, c’est un échec total. Sachez que si nous avions investi dans la paysannerie, si seulement nous avions fait de ce secteur le socle de notre modèle de développement, nous aurions abouti à coups sûrs à la baisse drastique du chômage, à l’autosuffisance alimentaire en milieux ruraux au moins, à la stimulation de l’économie réelle, à la mise en place d’une industrialisation locale, à la fin de l’exode rural, à l’équilibre de la balance commerciale… Le changement de cap est une nécessité pour sortir du cercle vicieux de la pauvreté, sinon la mauvaise gouvernance nous mènera à un black-out, qui aboutira à coups sûrs à un soulèvement populaire.

Que Dieu bénisse la Guinée et l’Afrique!

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