Accord cadre d’un montant de 20 milliards de dollars entre la guinée et la chine : les réactions à chaud de l’opposition

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Le Le 5 septembre 2017 à Xiamen, la Chine et la Guinée ont signé un accord cadre portant sur un montant de 20 milliards de dollars américains. Selon ce contrat dont les contours précis ne sont pas encore dévoilés, la guinée bénéficierait d’un prêt de 20 milliards de dollars sur 20 ans pour financer ses infrastructures, en échange les entreprises chinoises obtiendraient des permis d’exploitation des ressources minières en Guinée.

Les opposants et les acteurs de la société civile guinéenne se montrent sceptiques sur cet accord. Quand d’autres dénoncent sans prendre de gants la ‘’dilapidation’’ des ressources minières du pays.

Les opposants et les acteurs de la société civile guinéenne se montrent sceptiques sur cet accord. Quand d’autres dénoncent sans prendre de gants la ‘’dilapidation’’ des ressources minières du pays.

Ainsi, pour le porte-parole de l’opposition républicaine, Alhousseine Makanréra Kaké, il y a des incohérences dans le passage de ces accords.

« Il y a beaucoup d’incohérence dans cette affaire de contrat » «Il y a beaucoup d’incohérence dans cette affaire de contrat, la première des choses : il faut savoir que c’est un accord cadre, donc c’est une question de principe. On ne connait pas d’abord tous les paramètres par rapport à ça. Mais,  ce qui va être un peu incompréhensif, on a dit que c’est un prêt adossé aux mines. C’est un prêt contre les revenus miniers ou la matière première. C’est-à-dire un prêt, infrastructures contre matières premières. Donc, les 20 milliards dont on parle ce n’est pas de l’argent. Vous, vous avez la matière première, j’ai une société qui exploite, l’équivalent que la société doit prendre chez vous, je paie l’équivalent de ça en infrastructures. Au même moment, on nous parle que le premier décaissement doit avoir lieu, mais on ne comprend pas. Parce que nous, on n’a pas vu là où on parle de l’argent, et maintenant on parle de décaissement, c’est incohérent.’’ A fustigé Makanéra que la rédaction de newsdeguinee.info a joint au téléphone ce vendredi 08 septembre. Et le porte-parole d’ajouter ne pas comprendre cela.

’Il faut éviter les trocs chinois’’

’Mais, ce qui est grave, même dans nos traditions, souvent quand celui qui a les moyens négocie avec celui qui est dans le besoin, vous négociez en fonction de l’intérêt de celui qui a les moyens. Mais, si lui, il propose un système de troc parce que s’en est un, on va dire ‘’non c’est un prêt adossé sur le revenu de nos matières premières’’. Mais, ça c’est quoi ?, c’est l’exploitation des entreprises chinoises. Ils sont chez nous, ils prennent la matière première chez nous ici, et c’est ce qu’on évalue qui est égal au revenu. C’est un troc de matières premières contre infrastructures. Et, il faut éviter les trocs chinois. Partout où il y a troc il ya quelque chose qui est caché derrière, sinon pourquoi ne pas acheter, tu prends ton argent tu achètes ce que tu veux ».

D‘ailleurs l’orateur explique que selon lui, le danger du troc :’’c’est que ceux sont eux qui vont déterminer le prix et la quantité de nos matières premières. Ceux sont eux qui vont déterminer la valeur de ces infrastructures. Qu’est-ce qu’on va gagner dans ça?’’ Questionne-t-il une fois de plus. A ceux qui le contrediraient, il rétorque net :,

‘’Certains diront que je ne connais pas les tenants et les aboutissants, c’est vrai, je ne connais pas d’abord. Mais un homme politique c’est celui qui passe par des hypothèses, dès que tu communique, tu te fais des hypothèses si on avait dit : ‘voilà, on a obtenu un accord cadre avec la Chine pour un financement de nos projets à hauteur de 20 milliards, mais que cette somme serait décaissée par les Guinéens, nous allons donner la priorité pour certains projets, par exemple. Et les 50% seront investis pour la construction des raffineries d’alumine et d’aluminium en Guinée, et le reste dans l’agro- industrie.

« L’exportation de la matière première ne profite qu’à l’élite »

Je peux dire que la Guinée peut encore bénéficier parce que cela va exiger deux choses qui seront bénéfiques pour la Guinée : la première des choses, nous auront la valeur ajoutée. Parce que quand vous prenez le prix de la bauxite brute qu’ils envoient, c’est moins de 40 dollars. Et pourtant quatre (4) tonnes de bauxite brute donne une tonne d’aluminium et une tonne d’aluminium c’est 1800 dollars. Vous voyez la différence ! Comme ça, non seulement on a la valeur ajoutée mais aussi le transfert de la technologie et de l’emploi. C’est avec ça seulement qu’on peut gagner. L’exportation de la matière première ne profite qu’à l’élite, c’est une partie des guinéens, ceux qui ont la main dans la pâte qui gagneront. Le guinéen lambda ne gagnera rien. Les dégâts qu’elles causent à la nature sont beaucoup plus importants que la rente de ces exportations’’. Analyse l’opposant.

« je n’ai jamais entendu que le gouvernement chinois a poursuivi les entreprises chinoises pour les cas de corruption commis dans les pays tiers »

Et de poursuive que le troisième souci qui l’anime, ‘’c’est que je connais la politique chinoise en matière d’investissement. Je sais que les finances, la gestion des finances publiques en Chine, il y a une rigueur. Ils luttent contre la corruption et sont même extrémistes et ils peuvent aller jusqu’à la peine de mort. Mais, ça c’est en Chine, je n’ai jamais entendu que le gouvernement chinois a poursuivi les entreprises chinoises pour les cas de corruption commis dans les pays tiers où ces entreprises fonctionnent. C’est pour vous dire qu’ils sont peu regardants quand il s’agit des droits de l’homme, les conditions de travail des ouvriers, l’impact social et environnemental de l’exploitation minière. Et, ils ne sont pas regardant par rapport à la corruption, c’est dire que même si ces 20 milliards étaient investis en Guinée, c’est peut-être les capitales européennes qui allaient gagner beaucoup plus de bénéfice. Parce que l’argent qu’on vole ici on envoie là bas.’’ Fulmine-t-il au téléphone de newsdeguinee.info.

Pour sa part, le Dr Faya Millimouno, leader du parti politique d’opposition dénommée le Bloc Libéral (BL) n’y va pas du dos de la cuillère. Joint également au téléphone par la rédaction de votre quotidien électronique, il explique : « quand nous avons entendu l’annonce faite par le gouvernement, à travers Dr Kassory Fofana (Ministre d’Etat à la présidence en charge de l’investissement et partenariat public-privé, Ndlr) de la signature de cet accord en tant que guinéens, en tant que patriote, nous n’avons pas manqué de ressentir une certaine satisfaction.

Nous sommes en République de Guinée où nous sommes habitués à ce genre d’annonces

Entendre que 20 milliards de dollars seront investis en Guinée, avec ce que cela pourrait entrainer de création d’emplois et tout ce qui s’en suit, on ne peut que ressentir une certaine satisfaction. Cependant, nous sommes en République de Guinée, où nous sommes habitués à ce genre d’annonces. On avait entendu parler du déplacement du gouvernement à Dubaï au cours duquel un investissement de Mubadala se chiffrant à 5 milliards de dollars était annoncé en Guinée. On se demande aujourd’hui où en est cet investissement de 5 milliards ?’’ S’est interrogé l’opposant à l’autre bout du fil.

Et de rappeler qu’i en 2014 aussi, peu avant les élections de 2015, on avait entendu parler d’un investissement de 20 milliard de dollars de Rio Tinto pour l’exploitation du mont Simandou. Pour apprendre après les élections que Rio Tinto abandonnait le projet. Et, aujourd’hui, nous sommes loin de voir ce projet se réaliser.

‘’Qu’est ce que la Guinée gagne?’’

Nous sommes aussi intéressés de savoir les vrais termes de cet investissement. Parce que c’est bien beau d’entendre les investissements pour les infrastructures. On n’en a besoin parce qu’on n’a pas de routes. Nous avons besoin d’écoles de centres de santé, d’universités. En termes d’infrastructures, la Guinée est très en retard par rapport à beaucoup de pays Ouest Africains. Donc, on n’en a besoin. Mais, dire que pour obtenir des routes et toutes les autres infrastructures, nous dilapidons nos richesses nationales… Selon les termes véritables de cet accord qu’est ce que la Guinée gagne, à part les 20 milliards. Qu’est ce que la Guinée donne et perd réellement. Quelles sont les normes des infrastructures qui vont être construites ?’’ Interroge à nouveau Dr Faya. Poursuivant qu’on a besoin d’avoir un peu plus de détail.

Dr Dansa Kourouma, président du Conseil national des organisations de la société civile guinéenne (CNOSC-G) affiche un scepticisme prudent : « permettre à la Guinée de réunir les moyens essentiels et nécessaires pour son développement économique et social est une très bonne chose.

« Les investissements chinois ne sont pas accompagnés le plus souvent d’emplois. Parce que c’est la main d’œuvre chinoise qui est transportée au niveau local »

Il faut reconnaitre que c’est un investissement de grande nature qui a profité à certains pays mais qui a plongé d’autres pays dans le désespoir et dans le chaos total. En effet, les investissements chinois ne sont pas accompagnés le plus souvent d’emplois. Parce que c’est la main d’œuvre chinoise qui est transportée au niveau local et c’est la capacité de gestion du pays qui permettra naturellement de booster la création d’emploi et la croissance du pays pour le bénéfice des générations actuelle et future. Alors, je m’inquiète sur la capacité de gestion de la Guinée de cette manne financière, dans un pays où l’architecture en matière de gestion financière et budgétaire est très fragile, contrairement à d’autres pays . Un pays où la corruption est à un seuil inacceptable, un pays où les institutions en charge de lutter pour la moralisation de la gestion publique sont fragiles et ne parviennent pas du tout à jouer leurs rôles, et un pays où malgré la richesse, l’on baigne encore dans un désespoir total.

’J’attends le document cadre’’

Mon point de vue c’est que c’est un investissement utile mais très risqué pour le pays. Et, j’attends que le document cadre soit soumis à l’appréciation de l’assemblée nationale et j’attends aussi d’entrer en possession de ce contrat avant de me prononcer et donner la voix ou la position de notre institution en connaissance de cause. Pour l’instant, c’est un effet d’annonce, les documents contractuels ne sont pas encore à la portée du public, nous avons déjà ouvert les investigations pour trouver les détails de la clause contractuelle.

« En tout état de cause, la bauxite non exploitée c’est de la poussière »

Cette analyse nous permettra de faire des recommandations et de se positionner conséquemment. Mais en tout état de cause, la bauxite non exploitée c’est de la poussière ça va se transformer en autre chose et ça ne profitera pas aux générations actuelles ni futures. Parce qu’il ya une question d’évaluation de la qualité du coût de matière première mais la Guinée doit se doter de l’architecture et des infrastructures nécessaire pour le développement économiques sans bailler le pays à une puissance étrangère.

« J’ai beaucoup plus d’appréhensions que d’enthousiasme par rapport à cet investissement »

Donc, je suis divisé entre la quête des ingrédients nécessaire pour le développement économique de mon pays et la fragilité institutionnelle qui va exposer le pays à des problèmes de gestion financière qui ne profitera pas à la génération actuelle, donc j’ai beaucoup plus d’appréhensions que d’enthousiasme par rapport à cet investissement. Mais qu’à cela ne tienne ceux qui l’ont négocié l’ont fait avec beaucoup de courage. Mais le pays a besoin d’une stabilité institutionnelle, d’une nouvelle forme de gouvernance pour que ces ressources puissent profiter aux générations actuelles et futures’’.

Youssef DIALLO

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