Opinion : un membre fondateur du rpg explique pourquoi alpha condé doit quitter le pouvoir en 2020

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L ’ex- ministre de la République sous Sékou Touré, maitre Ibrahima Fofana, par ailleurs avocat à la retraite, ne rate désormais aucune occasion pour bondir sur l’actualité socio-politique de la Guinée.

A l’orée de 2020 où la question d’un éventuel troisième mandat fait débats, même si le principal concerné (Alpha Condé) ne s’est pas encore prononcé pour une telle hypothèse, Maitre Fofana, lui, lance la sonnette d’alarme sur l’interdiction qui plane sur toutes velléités de modification de la constitution du 7 mai 2010 pour des fins de troisième mandat pour le président Alpha Condé.

Il ne se limitera point-là. Dans cette tribune qu’il a fait parvenir à la rédaction de votre site préféré  www.guineeactuelle.com, l’ancien ministre de la République  s’est aussi exprimé sur la nature du régime politique guinéen, qu’il qualifie de « présidentialiste ».

Observateur averti, et avocat émérite qu’il est, cette fois, dans la perspective de rendre concret le principe de séparation des pouvoirs, pourtant consacré par la Constitution guinéenne en vigueur,  Maitre Fofana propose un régime politique « mixte » qui garantirait l’indépendance des institutions républicaines, notamment celles judiciaires.

Pour ce faire, l’auteur invite l’ensemble des forces vives de la nation, la société civile guinéenne en particulier, à la convocation des  » assises nationales  » pour non seulement sauver l’actuelle Constitution et ses acquis démocratiques, mais aussi rendre plus réaliste, la problématique de l’alternance démocratique en Guinée.

Lisez plutôt sa tribune

Pourquoi le président de la République Alpha Condé doit quitter le pouvoir en fin de son second et dernier mandat en décembre 2020 ?

Si jusqu’à ce jour, le président guinéen Alpha Condé n’a pas dévoilé publiquement ou officiellement ses intentions pour l’élection présidentielle de 2020, le doute n’est plus permis lorsque l’hebdomadaire international Jeune Afrique, en sa livraison n°3024H du 23 décembre 2018 au 12 janvier 2019, écrit :

« Le président Alpha Condé, élu en 2010 et réélu en 2015 doit mettre les bouchées doubles. Alors qu’il n’a pas encore dévoilé ses intentions pour l’élection présidentielle de 2020, il devra trouver des soutiens au-delà de son propre camp s’il souhaite briguer un nouveau mandat ».

« Alors qu’il n’a pas encore dévoilé ses intentions pour l’élection présidentielle de 2020 … »

Que faut-il comprendre ?

De deux choses l’une : Ou bien le journaliste de Jeune Afrique qui a écrit cela est de bonne foi parce qu’il ignore jusqu’à l’existence de la Constitution guinéenne du 7 mai 2010 qui limite, en son article 27, à deux le nombre de mandats présidentiels, ou bien il sait que le président de la République, Alpha Condé, a des intentions pour l’élection présidentielle de 2020 et sait aussi que la Constitution guinéenne limite à deux le nombre de mandats présidentiels et qu’en conséquence il est interdit au président guinéen non seulement de dévoiler mais encore-aussi outrancier que cela puisse paraitre – d’avoir des intentions pour l’élection présidentielle de 2020. Dans les deux cas, une chose est sûre : depuis le temps que court en Guinée la rumeur d’un troisième mandat que le président guinéen voudrait briguer, à l’issue de son second et dernier mandat en 2020, le président de la République, Alpha Condé, en homme avisé qui a parfaitement connaissance de la barrière constitutionnelle infranchissable que dressent devant lui les articles 27 et 154 de la Constitution du 7 mai 2010 et jouant au fin stratège, laisse à d’autres le soin de dévoiler ses intentions pour l’élection présidentielle en 2020.

Le voilà donc, le président de la République Alpha Condé, tiraillé, écartelé entre le juriste, docteur en droit public, et le politique, au « goût forcené du pouvoir personnel ». « Goût forcené du pouvoir personnel », daté et repérable en sa trajectoire, depuis sa naissance, avec l’éclatement du MND-Guinée consécutif à la décision de quitter ce mouvement prise par son initiateur et fondateur, Alfa Ibrahima Sow, professeur à l’Institut des Langues Orientales de Paris, jusqu’à son triomphe avec le RPG arc-en-ciel et l’accession au pouvoir en décembre 2010. MND-Rénové, Rassemblement des Patriotes Guinéens, Seguetti, le Poisson pourrit par la tête, le Rassemblement du Peuple de Guinée, sont autant de manifestations de ce « goût forcené du pouvoir personnel » de « l’opposant historique » Alpha Condé, élu démocratiquement président de la République de Guinée en décembre 2010. C’est ce « goût forcené du pouvoir personnel » qui n’est pas sans analogie avec ce goût forcené de vouloir toujours jouer dans la cour des grands qui l’a conduit à nouer des relations avec le milliardaire George SOROS et l’ancien premier ministre Tony BLAIR, mais relations éphémères qui se sont évanouies curieusement avec le départ massif de Guinée de toutes les grandes sociétés minières internationales. Qu’à cela ne tienne ! Il semble que, convaincu de ne pouvoir trouver de soutiens dans les grandes démocraties occidentales (France, Royaume – Uni, Etats-Unis d’Amérique, Canada), dans sa quête d’un troisième mandat présidentiel, qui ne saurait être qu’anti-constitutionnel, le président de la République Alpha Condé s’est tourné vers un homme d’Etat bien connu pour ses convictions et ses pratiques anti-alternances démocratiques, en la personne du président russe Vladmir Poutine. Son ambassadeur en Guinée vient de rendre public, par une déclaration arrogante et indécente, le message grossier du président russe, en ce qu’il porte atteinte à l’honneur et à la dignité du peuple souverain de Guinée. Par ce message, le président russe se charge de dévoiler les intentions du président guinéen pour l’élection présidentielle de 2020. Le président russe pousse l’indécence jusqu’à s’immiscer publiquement dans les affaires intérieures de la Guinée, en se chargeant de dévoiler les intentions du président guinéen pour l’élection présidentielle de 2020. Le comble de la goujaterie du président russe procède du soutien sans réserve qu’il apporte à toute violation de la Constitution du 7 mai 2010, pourvu que le président guinéen Alpha Condé, qui a passé un demi-siècle à dénoncer les régimes des présidents Sékou Touré et Lansana Conté, pour n’avoir pas instauré en Guinée l’alternance démocratique, puisse briguer un troisième mandat. Le peuple souverain de Guinée répondra en son temps à Monsieur Poutine. D’ores et déjà il lui dit que la Guinée n’est pas, ne sera jamais une colonie russe. Il lui dit dès maintenant, qu’il sait que son soutien au président guinéen n’est ni amical ni désintéressé, parce que les Etats n’ont pas d’amis, ils ont des intérêts. En témoigne, le fait qu’après le départ de Guinée des grandes sociétés minières internationales, l’offre lui a été faite de les remplacer par des oligarques russes, ses amis, fabuleusement enrichis sur le dos du peuple russe. Mais il faut que le président Poutine sache que les ressources naturelles de la Guinée, qui ne sont pas, ne seront jamais la propriété d’un président de la République de Guinée, mais demeureront à jamais propriété du peuple souverain de Guinée, ne sont pas, ne seront jamais à brader. Le peuple souverain de Guinée donne rendez-vous au président Poutine en 2020.

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« Il devra trouver des soutiens au-delà de son propre camp ».

Dans quel camp se range Jeune Afrique lorsqu’il exhorte le président Alpha Condé à « trouver des soutiens au-delà de son propre camp s’il souhaite briguer un troisième mandat ».

On se souvient qu’en 2010, la proclamation des résultats du premier tour de l’élection présidentielle, par la Cour Suprême, le mardi 20 juillet 2010, donnait à Cellou Dalein Diallo 43,69% contre 18,25% à Alpha Condé.

Devant ce score minable, le candidat RPG Alpha Condé a dû déchanter, lui, l’ancien président de la FEANF, le « professeur », « l’opposant historique ». Il sait, à présent, qu’il n’est pas, n’a jamais été un rassembleur. Il ne sera pas rassembleur aussi longtemps que son narcissisme l’emportera sur des valeurs telles que le dévouement désintéressé à la cause d’autrui, le don de soi, la loyauté, la générosité, la gratitude, valeurs premières qui font se distinguer le rassembleur d’hommes avant sa consécration en un bon dirigeant politique. Que va-t-il faire pour gagner, au second tour, l’élection présidentielle de 2010 ? Le chef du RPG décide de passer des accords pour la formation d’une alliance politique avec ces candidats malheureux qui sont définitivement éliminés de la compétition et qui sont chefs de partis politiques et originaires de la Haute Guinée, de la Guinée Forestière et de la Guinée Maritime. C’est grâce à cette alliance politique, que le candidat Alpha Condé a été élu au second tour président de la République en 2010 et réélu en 2015. Cette accession d’Alpha Condé au pouvoir fait de lui, non un élu du RPG, mais d’une formation politique qui a couvé sous une appellation et sous un projet de société, qui restent à discuter au sein de cette alliance politique. Cette formation politique nouvelle remplace et le RPG d’Alpha Condé et les partis politiques de ses alliés, aux termes de l’article 27 de la Loi organique portant charte des partis politiques. C’est à la suite de ce sabordage collectif des partis politiques, celui d’Alpha Condé et ceux de ses alliés, que la formation politique nouvelle qui a vu le jour prend la dénomination de Rassemblement du Peuple de Guinée arc-en-ciel (RPG arc-en-ciel). Ce qui a donc assuré l’élection du candidat Alpha Condé à la présidentielle de 2010, ce n’est ni le RPG, ni un camp qui lui serait propre mais le RPG arc-en-ciel. Et quand on y réfléchit bien, on s’aperçoit que le RPG arc-en-ciel a pu exister parce que ses fondateurs ont su tirer parti d’un fait démographique majeur, qui tient en échec tout jeu démocratique, en ce qu’il constitue, à lui seul et par nature un puissant facteur de blocage à l’émergence d’une majorité absolue favorable à tout candidat à une présidentielle et que leur réussite au second tour de la présidentielle de 2010 procède de ce qu’ils ont su surmonter cet obstacle : aucun groupe ethnique guinéen ne constitue une majorité absolue dans la démographie du pays. Cela signifie qu’aussi bien du point de vue démographique qu’électoral, aucun groupe ethnique guinéen ne peut se vanter de se suffire, d’agir à sa guise, en se passant du concours ou de la solidarité des autres groupes ethniques, en particulier lorsqu’il s’agit de l’élection présidentielle au suffrage universel direct. Un candidat à l’élection présidentielle ne saurait la gagner au premier tour, grâce aux seuls votes favorables des seuls électeurs issus du seul corps électoral de son groupe ethnique, même en supposant que ce corps électoral vote à 100% pour lui. Il ne peut la gagner au second tour que s’il réussit à fédérer le maximum d’acteurs politiques de premier plan, candidats malheureux battus au premier tour et d’autres acteurs politiques, tous issus de groupes ethniques différents du sien et d’un poids démographique important, et répartis dans les quatre grandes régions naturelles du pays. L’exemple électoral le plus illustratif de ce fait démographique majeur, qui a choqué, scandalisé voire poussé à la révolte tous les partisans de l’alternance ethnique au pouvoir : les résultats du second tour de l’élection présidentielle du 7 décembre 2010. Le candidat RPG Alpha Condé qui obtient au premier tour 18.25% des suffrages exprimés contre 43.69% à Cellou Dalein Diallo, a su trouver, en tant que candidat RPG arc-en-ciel, les soutiens au-delà de son parti et de son groupe ethnique, qui lui ont permis d’être élu président de la République au second tour avec 52.52% des suffrages exprimés contre 47.48% à Cellou Dalein Diallo.

Le fait qu’aucun groupe ethnique guinéen ne constitue une majorité absolue dans la démographie du pays n’est pas une spécificité. Tous les pays de la sous région ouest-africaine connaissent ce phénomène. Mais c’est en Guinée où ce fait ne semble pas avoir été reconnu par tous les groupes ethniques. Un bon recensement pourrait mettre tout le monde d’accord. En attendant, ce fait a été au rendez-vous avec les rédacteurs de la Constitution du 7 mai 2010. Ceux-ci, tenant compte de ce fait démographique et pour tenir une balance égale entre tous les groupes ethniques ont été bien inspirés en la tenant plutôt entre les quatre grandes régions naturelles du pays. En effet ils ont exigé dès le premier paragraphe de l’article 8 de la Loi Organique portant Charte des Partis Politiques que les membres fondateurs d’un parti politique soient « originaires des Quatre Régions Naturelles du pays »

A la veille de la présidentielle de 2020 la situation à laquelle sera confronté le président de la République Alpha Condé sera bien différente de celle qu’a connue le candidat d’abord RPG puis RPG arc-en-ciel Alpha Condé à la présidentielle de 2010. Cette différence est si frappante qu’on est amené à se demander comment un journaliste de Jeune Afrique a pu ne pas l’avoir vue au point d’écrire :

« Il devra trouver des soutiens au-delà de son propre camp s’il souhaite briguer un nouveau mandat ».

En effet en 2010, le candidat Alpha Condé allait à la conquête du pouvoir. Il a su trouver des soutiens au-delà de son propre camp, ce qui lui a permis d’être élu président de la République. Mais à la veille de la présidentielle de 2020 – c’est évident -, le président de la République Alpha Condé ne va pas à la conquête du pouvoir, il est au pouvoir. Il doit trouver une recette d’ordre constitutionnel, lui permettant de le conserver, à l’issue de son second et dernier mandat, dans une configuration constitutionnelle qui le lui interdit absolument, sauf à prendre le risque tout à fait incroyable, venant d’un docteur en droit public, de violer délibérément la Constitution du 7 mai 2010 et d’être du coup comptable d’une inévitable insurrection  populaire dans le tout le pays.

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Cela dit, deux raisons impératives majeures d’une part, commandent que le président guinéen s’interdise d’avoir des intentions de briguer un troisième mandat et, en conséquence, de vouloir conserver le pouvoir et, d’autre part, le forcent à le quitter en 2020 à l’issue de son second et dernier mandat.

Première raison impérative : Elle est d’ordre constitutionnel. Les articles 27 et 154 de la Constitution du 7 mai 2010 sont formels :

            Article 27 : En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels,

      consécutifs ou non.

            Article 154 : Le nombre et la durée des mandats du président de la République

                                  ne peuvent faire l’objet d’une révision.

Cette interdiction d’exercer plus de deux mandats présidentiels, consécutifs ou non, formellement et péremptoirement proclamée par les articles 27 et 154 de la Constitution du 7 mai 2010 est un raccourci saisissant d’une lecture de la problématique de l’alternance démocratique, rendue ainsi plus intelligible et plus facile à tout guinéen, alternance démocratique que les constituants, rédacteurs de la Constitution du 7 mai 2010 avaient à cœur d’institutionnaliser enfin en Guinée.

L’interdiction d’exercer plus de deux mandats présidentiels, consécutifs ou non, en dépit de son caractère absolu, péremptoire, en dépit aussi du radicalisme qu’ils ont tenu à lui conférer, en l’étendant aussi bien aux mandats présidentiels consécutifs qu’aux mandats présidentiels non consécutifs, n’a pas empêché les constituants de 2010 de juger qu’il n’est pas superfétatoire de la renforcer davantage, en disposant dans l’article 154 l’interdiction d’une révision de l’article 27.

Interdiction absolue d’exercer plus de deux mandats présidentiels, consécutifs ou non (article 27). Interdiction de remettre en cause cette interdiction de l’article 27, par une révision du contenu du dit article (article 154). Voilà qui donne à penser ou à souhaiter que l’intention elle-même de briguer un troisième mandat aurait dû être explicitement frappée d’interdiction et formellement transcrite par les rédacteurs de la Constitution du 7 mai 2010, en dépit de la difficulté d’en prouver l’existence, laquelle est réputée prouvée seulement à l’instant de son dévoilement.

Deuxième raison impérative : Elle est d’ordre politique et moral.

50 années de dénonciation des régimes des présidents Sékou Touré et Lansana Conté par « l’opposant historique » Alpha Condé, fervent partisan de l’alternance démocratique en Guinée, interdisent à l’homme d’Etat Alpha Condé de violer les articles 27 et 154 de la Constitution du 7 mai 2010 et de constituer un obstacle à l’avènement en Guinée de l’alternance démocratique en 2020, à l’issue de son second et dernier mandat.

50 années de dénonciation des régimes des présidents Sékou Touré et Lansana Conté devraient pouvoir interdire à l’homme d’Etat Alpha Condé de trainer dans la boue « l’opposant historique » Alpha Condé, fervent militant, pendant un demi siècle, de la cause de l’alternance démocratique en Guinée et de le déshonorer en violant la Constitution du 7 mai 2010 en ses articles 27 et 154, par une révision de la dite Constitution, révision qui serait elle-même anti-constitutionnelle.

En sautant le pas, par la décision qu’il aurait prise de violer la Constitution du 7 mai 2010, en ses articles 27 et 154, et, de ce fait, de violer son serment, l’homme d’Etat Alpha Condé aura lancé un défi au peuple souverain de Guinée. Il a été élu démocratiquement sous l’empire de cette Constitution du 7 mai 2010 qu’il ne trouve plus à sa convenance et qu’on se plait aujourd’hui à claironner qu’elle manque de base constitutionnelle, non seulement pour avoir été adoptée à la suite d’un coup d’Etat militaire mais encore pour n’avoir pas été adoptée par référendum. Le candidat RPG, puis RPG arc-en-ciel à l’élection présidentielle de 2010, qui est docteur en droit public, savait à l’instant où il posait sa candidature à la présidentielle de 2010 que cette Constitution du 7 mai 2010 manque de base constitutionnelle, eu égard aux deux vices sus-mentionnés. Pourtant cela ne l’a pas empêché de poser sa candidature à cette présidentielle au premier tour et à tout mettre en œuvre, au second tour, y compris par la mutation du RPG en RPG arc-en-ciel pour gagner cette présidentielle. Autant alors claironner  que l’élection en décembre 2010 du premier président de la République, démocratiquement élu, manque de base constitutionnelle et, partant, manquent de base constitutionnelle tous les actes posés par ce premier président de la République en conséquence démocratiquement mal élu : toute la gouvernance politique, économique et sociale de la République de Guinée au cours des deux mandats présidentiels, présidence de la conférence des chefs d’Etat de l’Union Africaine, visites d’Etat ou de travail en Afrique, en Europe, aux Etats-Unis, en Asie, participation à des conférences internationales, conventions internationales signées etc.

Pourquoi le président guinéen Alpha Condé ne se résoudrait-il pas à rendre le tablier en 2020, dans le respect strict de la Constitution du 7 mai 2010, pour que l’avènement de l’alternance démocratique en Guinée devienne enfin une réalité ?

Par « goût forcené du pouvoir personnel », termes par lesquels naguère « l’opposant historique » Alpha Condé dressa le portrait du président Sékou Touré qu’il accusa d’avoir été un obstacle à l’alternance démocratique en Guinée, le président guinéen Alpha Condé serait-il à ce point parjure qu’il serait prêt à jeter par-dessus bord le serment prêté, lors de son investiture, devant la Cour Constitutionnelle, en ces termes :

 « Moi, Alpha Condé, Président de la République élu conformément aux Lois, je jure devant le Peuple de Guinée et sur mon honneur de respecter et de faire respecter scrupuleusement les dispositions de la Constitution, des Lois et des décisions de Justice, de défendre les Institutions constitutionnelles, l’intégrité du Territoire et l’indépendance nationale.

En cas de parjure que je subisse les rigueurs de la Loi » ?

« En cas de parjure … ». Cela veut dire en cas de violation de serment. Or un seul exemple parmi tant d’autres suffit à montrer la violation de son serment par le président de la République Alpha Condé : il n’a pas, n’a jamais respecté scrupuleusement la disposition de la Constitution du 7 mai 2010, qui fait l’objet de l’article 45, sixième et dernier alinéa. En effet il a présidé allègrement le 28 mai 2016, au siège du RPG arc-en-ciel à Gbessia, la cérémonie organisée par ce parti pour fêter le 25ème  anniversaire du retour au pays natal en 1991 de « l’opposant historique » Alpha Condé. Par cette présidence effective de la cérémonie, le président de la République Alpha Condé a violé la Constitution en refusant de se placer au dessus d’un parti, le RPG arc-en-ciel, qui a cessé d’être son parti depuis son élection à la présidence de la République. Il a donc violé son serment et, de ce fait, doit être déclaré parjure. Il doit donc subir les rigueurs de la Loi, tel que lui-même le recommande en fin de prestation de son serment. Mais comment subir les rigueurs de la Loi ? Devant quelle juridiction ? Constitutionnellement devant la Haute Cour de Justice. Or pendant ses deux mandats, le président de la République s’est opposé à la constitution,  à la mise en place et au fonctionnement de la Haute Cour de Justice. C’est donc ce président de la République, qui n’a pu être poursuivi devant la Haute Cour de Justice pour parjure, qui a l’intention de briguer un troisième mandat en 2020 et, par ce troisième mandat, de constituer un obstacle à l’avènement de l’alternance démocratique en Guinée.

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Un mot sur les bouchées doubles que le président guinéen Alpha Condé devrait mettre, selon le journaliste de Jeune Afrique, s’il souhaite briguer un troisième mandat.

Pourquoi faut-il au président guinéen mettre les bouchées doubles, c’est-à-dire aller plus vite ? Y a-t-il péril en la demeure au point d’amener le président guinéen Alpha Condé à mettre les bouchées doubles ? Le bilan de dix années de gouvernance du pays, par l’actuel locataire de Sékoutouréya, serait-il si peu positif qu’il lui faut aller un peu plus vite pour le rendre un peu plus positif ? Ce bilan indique-t-il qu’à moins deux années de la fin du second et dernier mandat du président guinéen Alpha Condé, la Guinée est en passe de cesser d’être un pays à nourrir et donc n’importe plus de produits vivriers, pour devenir un pays capable de se nourrir par ses propres moyens ? Car, enfin, en Guinée, chacun sait, excepté le président de la République Alpha Condé, que le souci premier de tout pays est bien évidemment de se nourrir.

Au lieu de donner la priorité au développement du seul secteur de la production nationale capable d’ôter ce souci au peuple guinéen, c’est-à-dire, l’agriculture, le président guinéen, dès son accession au pouvoir, s’est lancé, à corps perdu, dans le développement d’abord du secteur minier, puis de celui de l’énergie, avec la construction de barrages hydroélectriques, Kaléta, Souapiti, préférant donner, en priorité, aux guinéens, du courant électrique au lieu de la nourriture. Donner d’abord de la nourriture à tout un pays, cela ne s’improvise pas et cela demande du temps, beaucoup de temps, inclus le temps nécessaire à ceux qui produisent la nourriture, au paysan, à l’éleveur, afin de leur permettre d’en produire suffisamment pour eux et leur famille d’abord, avant de pouvoir produire un surplus destiné aux autres, au reste de la population.  Et ce n’est pas en moins de deux ans qui restent pour boucler le second et dernier mandat du président guinéen Alpha Condé que l’agriculture, dans son état actuel, est à même de produire en abondance – même si le président guinéen mettait les bouchées doubles – pour  que la Guinée cesse d’être un pays à nourrir, en se passant d’importation de produits vivriers, pour devenir un pays capable de se nourrir par ses propres moyens.

De l’urgente et nécessaire convocation d’assises nationales pour la défense de l’Etat de droit et de sa norme supérieure, la Constitution du 7 mai 2010 et pour imposer l’alternance démocratique en 2020

Dans une sorte de Manifeste qu’elle publia en 2018, sous le titre La Guinée, le temps de la rupture !, l’organisation de la société civile, Plateforme des Citoyens Unis pour le Développement, propose au point 5 des actions à mener :

« Organiser des assises nationales en 2018 en collaboration avec toutes les autres forces de la nation pour évaluer notre expérience démocratique par rapport à la pertinence et à la fiabilité de nos institutions, la qualité de la gouvernance politique, économique et sociale, face aux défis de développement socio-économique durable, de l’unité nationale, de l’Etat de droit, de la qualification des services sociaux de base, et du développement des infrastructures. »

Cette proposition de tenue d’assises nationales intervient dans une conjoncture politique de fin de règne, caractérisée par une campagne sourde et persistante en faveur d’un troisième mandat qu’aurait à briguer le président de la République Alpha Condé à l’issue de son second et dernier mandat en 2020. La question qui se pose, à la suite de cette proposition de tenue d’assises nationales, est la suivante : organiser des assises nationales pour évaluer notre expérience démocratique par rapport à la thématique du point 5 des actions à mener du Manifeste, cela est-il, dans l’ordre des priorités, plus urgent à faire qu’organiser les mêmes assises nationales, en vue de prendre, sans délai, des mesures de tous ordres et d’engager des réformes institutionnelles, à l’effet de tenir en échec non seulement le président guinéen Alpha Condé, décidé à violer la Constitution pour imposer au peuple guinéen un troisième mandat, mais encore tout acteur politique, candidat à la présidentielle de 2020, dont rien ne garantit qu’à son accession au pouvoir, il ne serait pas autant hostile que le président guinéen à l’avènement en Guinée de l’alternance démocratique ? Si l’on tient à déterminer l’importance de notre expérience démocratique par rapport à la thématique du point 5 des actions à mener, en toute logique, on est tenu de commencer par déterminer la réalité de la connaissance de la démocratie acquise de sa pratique politique par le peuple de Guinée, jointe à celle qu’il a acquise de l’observation de la pratique politique de ses gouvernants, quand on sait qu’il a fallu attendre 2010, c’est-à-dire 52 ans de vie indépendante, avant de voir ce peuple pouvoir porter à la tête de l’Etat, son premier président démocratiquement élu. La tâche la plus urgente doit donc consister à donner la priorité à la tenue d’assises nationales destinées à rechercher les mesures propres à sauver de la mort la menue et vulnérable expérience démocratique acquise par le peuple de Guinée depuis 2010 et pour commencer à tenir en échec le président guinéen Alpha Condé, favorable à un troisième mandat, c’est-à-dire à une révision anti-constitutionnelle de la Constitution du 7 mai 2010, en ses articles 27 et 154, sous l’empire de laquelle il a été démocratiquement élu.

Dire oui à l’alternance démocratique en 2020, c’est dire non au troisième mandat que voudraient briguer tous présidents de la République, actuel et à venir, et, pour commencer, c’est dire non au troisième mandat que voudrait briguer le président de la République Alpha Condé, troisième mandat qui a ceci de commun avec un coup d’Etat classique, le vacarme des armes en moins, qu’il liquide l’Etat de droit et, avec lui, sa norme supérieure, la Constitution du 7 mai 2010 et ouvre au chef de l’Exécutif, l’accès au boulevard du despote par une révision anti-constitutionnelle de la dite Constitution, en ses articles 27 et 154.

Que faire pour assurer le triomphe de la défense de l’Etat de droit et de sa Constitution du 7 mai 2010 ? Cela pose nécessairement la question du rapport des forces sur le terrain d’une telle défense. Les démocrates et patriotes guinéens ne gagneront pas la bataille s’ils ne forment pas un front commun face à la concentration des pouvoirs entre les mains du chef de l’Exécutif, chef d’un régime présidentiel, devenu aujourd’hui puissant et maître des ressources naturelles du pays et de ses énormes ressources financières se chiffrant à plus de trois milliards de dollars US, représentant le montant des redevances minières payées au Trésor guinéen par les sociétés minières internationales en activité en Guinée depuis l’accession au pouvoir du président guinéen Alpha Condé.

Front commun : Il ne verra le jour qu’avec la convocation d’assises nationales. Or la réussite d’une telle convocation est suspendue au consensus du plus grand nombre d’organisations politiques et de la société civile. A qui appartient l’initiative d’une convocation des assises nationales pour la défense de l’Etat de droit et de sa Constitution ? Aux plus diligentes et aux plus déterminées parmi les organisations politiques et de la société civile.

Deux ordres de difficultés attendent les organisateurs et les participants à ces assises : celles que suscitera infailliblement le pouvoir, parce que pour un troisième mandat, il est décidé à jeter dans la bataille sa machine infernale qu’il va « carburer » avec les énormes ressources financières du Trésor guinéen alimenté par les redevances minières. Il y a ensuite les difficultés suscitées par des acteurs politiques opposés consciemment ou non à toutes réformes de nos institutions actuelles. Si tous les chefs des partis politiques de l’opposition sont unanimement opposés à un troisième mandat que voudrait briguer le président de la République Alpha Condé, par contre on constate qu’aucun ne semble vouloir remettre en cause le régime présidentiel actuel qui a permis au président guinéen d’en abuser. Aucun n’a dénoncé ce régime présidentiel qui lui a permis de se livrer aux multiples violations de la Constitution, par exemple le fait que le président de la République refuse obstinément de se placer au-dessus des partis politiques.

Tous les chefs des partis politiques de l’opposition, en ne dénonçant pas le régime présidentiel actuel et en ne proposant pas un autre régime politique, qui confère au principe de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs une juste et pertinente application, par une révision de la Constitution du 7 mai 2010 relative au régime présidentiel, donnent à penser qu’un consensus existe pour le maintien du régime présidentiel actuel. On en arrive à penser, à tort ou à raison, que chacun de ces chefs de partis politiques a décidé d’observer une attitude qui le confine à un attentisme complice, simplement parce que chaque chef de parti, candidat potentiel à la présidentielle de 2020, espère être élu président de la République pour pouvoir jouir à son tour d’un régime présidentiel dénaturé et transformé en un présidentialisme plus favorable à l’appropriation des redevances minières dont il lui sera loisible de disposer à sa guise, à l’abri de tout contrôle parlementaire, exactement de la même manière que le président de la République Alpha Condé pratique aujourd’hui le présidentialisme. Voilà pourquoi on peut affirmer que l’initiative de la convocation des assises nationales pour la défense de l’Etat de droit et de sa constitution ne pourra venir en premier que des seules organisations de la société civile et, parmi elles, des plus diligentes et des plus déterminées

Le régime politique, premier et plus grand obstacle institutionnel à l’instauration de l’alternance démocratique en Guinée : le régime présidentiel.

De la proclamation de l’indépendance à nos jours, quatre constitutions ont toujours consacré le régime présidentiel qui, aujourd’hui, doit être remplacé par un autre régime politique, parce qu’altérable si facilement il devient une sorte de passerelle commode permettant de sauter le pas et d’instaurer une institution de fait appelée présidentialisme. Il doit être définitivement abandonné au profit d’un régime politique mixte. Un des points les plus importants de l’ordre du jour des assises nationales à convoquer doit concerner la révision à cet effet du régime présidentiel actuel.

Comment un président de la République, élu au suffrage universel direct devient-il président d’un régime politique appelé présidentialisme, sous les auspices du régime présidentiel constitutionnellement consacré. Comment, par exemple, le président de la République Alpha Condé, dès après son élection, s’est employé à transformer le régime présidentiel en régime présidentialiste. Il est parti de l’idée que des trois Pouvoirs, Législatif, Exécutif et Judiciaire, il est le seul chef d’un des trois pouvoirs à être élu au suffrage universel direct. Si l’article 2, dernier alinéa de la Constitution du 7 mai 2010, consacre le principe de la séparation et de l’équilibre des Pouvoirs, ce qui implique leur égalité juridique, par contre l’élection du président guinéen au suffrage universel direct a pour conséquence l’instauration, à son profit, d’une suprématie politique par rapport aux deux autres pouvoirs. Cela le conduit tout naturellement à se convaincre que fort du choix exprimé par le corps électoral national en faveur de sa personne, il peut prétendre l’emporter sur l’Assemblée Nationale à la représentativité plus fragmentaire, un député n’étant fort que du choix exprimé par le corps électoral de sa circonscription.

Ce déséquilibre entre le Pouvoir Exécutif et les deux autres Pouvoirs Législatif et Judiciaire s’est accru lorsque :

1°) Le président de l’Assemblée Nationale, membre de la direction du RPG arc-en-ciel a constitué la courroie de transmission par excellence, pour faire prévaloir les vues du président de la République à l’Assemblée Nationale dominée par une majorité de députés de la mouvance présidentielle RPG arc-en-ciel. Cela permet au président guinéen d’ordonner par exemple que la Haute Cour de Justice ne soit pas constituée et mise en place. Conséquence : Bien qu’étant parjure, le président de la République peut échapper à la justice de son pays puisqu’il est au-dessus de la Loi ;

2°) Le président de la République est le chef du pouvoir exécutif qui nomme, aux lieu et place du troisième pouvoir, le Pouvoir Judiciaire, tous les magistrats de la République, non seulement ceux du parquet, mais aussi ceux de l’ordre judiciaire, des tribunaux de première instance à la Cour Suprême ; ceux de la Cour des comptes, de la Cour constitutionnelle, de la Haute Cour de Justice.

Le présidentialisme désigne une configuration institutionnelle particulière, où le président de la République – en droit et/ou en fait – concentre l’essentiel de l’autorité au détriment des autres pouvoirs ;

L’équilibre des institutions, à la base du régime présidentiel, est rompu, la séparation tranchée des pouvoirs s’efface ; le chef de l’Etat, chef du Pouvoir Exécutif, domine tout le système.

C’est cette réalité institutionnelle que les assises nationales doivent transformer. A cet effet un régime mixte devra être instauré en Guinée. Quid de ce régime ?

1°) On y retrouve certaines caractéristiques du régime présidentiel : le chef de l’Etat élu par le peuple choisit son Premier ministre, chef du gouvernement qu’il peut révoquer s’il dispose d’une majorité à l’Assemblée Nationale conforme à ses vues ;

2°) Le régime mixte emprunte aussi des éléments au régime parlementaire : le Premier ministre, chef du gouvernement, est distinct du chef de l’Etat et sa responsabilité peut être mise en cause par l’Assemblée Nationale. Le Premier ministre, chef du gouvernement, ne reçoit pas du chef de l’exécutif, président de la République, une délégation de pouvoirs. Ceux-ci lui sont reconnus et conférés par la Constitution ;

3°) Il faut dessaisir le président de la République de l’autorité qui appartient au Pouvoir Judiciaire, en particulier celle de la formation et de la nomination des magistrats des tribunaux et cours en transformant le Conseil Supérieur de la Magistrature en un organe délibérant et de décision qu’on pourrait dénommer Instance Suprême de la Magistrature, désormais présidé, non par le président de la République, mais par le Premier président de la Cour Suprême et ayant pouvoir de former, de choisir et nommer les magistrats des tribunaux et cours et devant lequel leur prestation de serment a lieu, à l’exception du premier Président de la Cour Suprême, des présidents des Cours Constitutionnelle et des Comptes et de la Haute Cour de Justice, lesquels prêteront serment devant le président de l’Assemblée Nationale, laquelle est convoquée à cet effet en session extraordinaire, après leur investiture par une commission d’investiture ad hoc de l’Assemblée Nationale. C’est cette même commission d’investiture ad hoc de l’Assemblée Nationale qui donnerait son investiture à tous les hauts cadres des différents corps de l’Etat, y compris les ministres, avant leur nomination à leur poste par le Premier ministre, chef du gouvernement.

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La question de l’alternance démocratique en Guinée en 2020 est posée d’abord à tous les partis politiques de l’opposition et à toutes les organisations de la société civile ; elle est posée ensuite à tous les patriotes guinéens, membres ou non d’une formation politique ou d’une organisation de la société civile. Il est loisible à chacun d’apporter sa réponse à cette importante question. Un défi est lancé à tous les partis politiques de l’opposition et à toutes les organisations de la société civile. A la suite de la proposition d’assises nationales avancée par Plateforme des Citoyens Unis pour le Développement, d’autres propositions d’assises peuvent être formulées qui n’auront pas le même objet. Par exemple, celle bien précise, qui se borne à la résolution de ces deux seules questions suivantes : va-t-on enfin se résoudre à instaurer en Guinée en 2020 l’alternance démocratique et, à cet effet, le premier semestre 2019 verra-t-il se tenir des assises nationales organisées par l’opposition et la société civile et destinées à trouver et proposer les mesures idoines pour y parvenir ? Voilà le défi qui attend les partis politiques de l’opposition et les organisations de la société civile. Voudront-ils et/ou sauront-ils le relever ?

Par M. Ibrahima Fofana

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