Opinion : l’afrique m’empêche de dormir (par tierno monénembo)

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O n a d’abord cru que c’était un canular, un poisson d’avril sauf qu’on était au mois de juillet, sauf qu’il n’y a point d’humour chez les gradés et qu’il faut y prendre pour argent comptant les choses les plus invraisemblables, les plus rocambolesques.

Et au fil des heures, il a fallu se rendre à l’évidence : ce qui se passe en ce moment au Niger est bel et bien un coup d’Etat. C’est consommé, l’armée qui toute la journée du 26 Juillet, a observé une curieuse valse-hésitation a finalement basculé dans le camp de la garde républicaine.

Tant-pis pour nos convictions,  le président Mohamed Bazoum est destitué pour « dégradation continuelle » de la sécurité nationale. Un régime militaire, le Comité National de Sauvegarde de la Patrie  est instauré. Le peuple éreinté par le sort se résignera et la Communauté Internationale poussera ses cris d’orfraies comme elle l’avait fait pour le Mali, la Guinée et le Burkina.

J’en étais à repousser de ma vue les images atroces  qui nous viennent de Tunisie où des « hordes de Sud- Sahariens » jetées en plein désert pour délit de faciès meurent de faim et de soif dans l’indifférence générale quand la peste kaki qui a déjà sévi chez les voisins a frappé le Niger. Après Tunis, Sfax, donc : Kaïs Saïed n’en finit pas d’engloutir la République moderne léguée par Bourguiba, avec ses propos rétrogrades et ses pulsions d’un autre âge !

En Afrique, les catastrophes n’arrivent jamais une à une, elles pleuvent. Nous savons d’expérience que nous n’avons rien à attendre de nos dirigeants, en tout cas, rien de bon, qu’ils soient en boubou, en treillis ou en gandoura. Avec eux, de tous les côtés, le mal est infini. Partout, la petitesse d’esprit et la haine tribale et religieuse quand ce n’est pas le putsch sanglant ou la guerre civile !

Au moment-même où ses gardes de corps destituaient le président Bazoum, la radio interviewait cette réfugiée soudanaise au Tchad qui pleurait à chaudes larmes son fils de deux ans fauché par une balle perdue alors qu’elle s’échappait de l’enfer de Khartoum. A ce compte, il ne restera plus du Soudan qui était pourtant le plus grand pays d’Afrique, que quelques miettes. Le Sud qui a  acquis son Indépendance en 2011 n’en finit pas de se disloquer à cause de la rivalité irrationnelle qui oppose  Salva Kiir et Riek Machar, ses prétendants au trône. Le Nord que l’on croyait plus consistant est fragilisé par cette stupide « guerre des généraux » qui oppose  Mohamed Hamdan Dogolo et Abdel Fattah al-Burhan.

Le Sahel crève  sous l’effet du djihadisme. L’Ethiopie guérit tant bien que mal de sa crise tigréenne. Inutile de parler de l’Est du Congo où depuis longtemps la tragédie est devenue la norme. Il faudrait des millions de cercueils pour enterrer ses morts, des milliers de micros pour interviewer ses enfants en détresse et ses femmes violentées que le bon docteur Denis Mukwege répare comme il peut.

Il n’y a pas à dire, l’Afrique est sur la bonne pente : le Sénégal que nous prenions pour un modèle de démocratie vient de dissoudre un parti politique ; le destin du Mali, de la Guinée, du Burkina-Faso et du Niger est dans les mains expertes des dénommés Assimi Goïta, Mamadi Doumbouya, Ibrahima Traoré et Abdouramane Tchiani.

Tout va bien, bonne nuit, les petits !

Tierno Monénembo In Le Point

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