Mission du ndi en guinée : les conclusions consignées dans un rapport (document)

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E n séjour de travail à Conakry depuis le 8 mars 2022, une équipe d’évaluation technique du National Democratic Institute (NDI) a publié, mardi 15 mars 2022, les conclusions de sa mission.

Conduite par Dr Christopher Fomunyoh, Directeur Afrique (NDI-DC), avec la participation de Mme Ulrike Rodgers, Directrice de programme pour l’Afrique de l’Ouest et Centrale (NDI-DC),  de Mlle Emily Fournier, Associée des programmes pour l’Afrique de l’Ouest et Centrale (NDI-DC), de  M. Alioune Tine, Président de AFRIKA-JOM Center (Sénégal) et de M. Kevin Koffi Adomayakpor, Directeur Résident au NDI – Burkina, cette mission a échangé avec l’ensemble des parties prenantes de la transition en cours depuis le 5 septembre dernier.

Dans son rapport final, la délégation a formulé plusieurs recommandations à l’endroit non seulement des autorités place, mais aussi aux partis politiques et à la société civile ainsi qu’aux médias.

Déclaration

Du 9 au 15 mars 2022, l’Institut national démocratique (NDI) a mené une mission d’évaluation technique à Conakry, en République de Guinée. Le but de la mission était d’évaluer les priorités des citoyens pendant le processus de transition de la Guinée après le coup d’État du 5 septembre 2021 et d’explorer les possibilités d’assistance technique aux institutions dirigées par des civils et aux organisations de la société civile œuvrant pour une transition inclusive, transparente et crédible.

La délégation était composée de Dr Christopher Fomunyoh, directeur régional Afrique au NDI ; M. Alioune Tine, directeur du Centre Afrikajom (Sénégal); Mme Ulrike Rodgers, directrice de programme pour l’Afrique de l’Ouest francophone au NDI; M. Kevin Adomayakpor, directeur résident du NDI au Burkina Faso; et M. Paul Komivi Sémeko Amegakpo, directeur résident du NDI en Guinée.

La délégation a été reçue en audience par le Président de la Transition, Chef de l’Etat, S.E. Colonel Mamadi Doumbouya; la délégation a aussi rencontré le Premier ministre Mohamed Béavogui; le président du Conseil national de transition (CNT), Dr Dansa Kourouma, et des membres de son cabinet; le ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation (MATD), M. Mory Condé; le ministre, secrétaire général chargé des Affaires religieuses, El Hadj Karamo Diawara; les dirigeants de quatre coalitions de partis politiques représentant l’ensemble des principaux partis politiques du pays; les dirigeants d’un échantillon représentatif d’organisations de la société civile, y compris des associations de médias; des autorités traditionnelles des quatre régions naturelles du pays; et des représentants des partenaires au développement. La délégation exprime ses remerciements à tous ceux qu’elle a rencontrés pour leur accueil et pour avoir partagé leurs points de vue.

La visite de la délégation a coïncidé avec un certain nombre d’actions entreprises par les acteurs guinéens qui visent à renforcer la crédibilité de la transition. Il s’agit notamment : d’une déclaration signée par 58 partis politiques et associations exigeant une plus grande transparence et plus d’inclusion dans le processus de transition ; une mission d’écoute et de sensibilisation nationale par le CNT dans toutes les régions du pays sur la réforme constitutionnelle ; et l’annonce par le gouvernement de transition de son intention d’organiser des assises nationales 2 dont le lancement est prévu pour le 22 mars 2022, pour solliciter la contribution des citoyens sur différents aspects de la transition.

 Résumé des principales observations

  • La délégation a noté une grande attente de la part des Guinéens à ce que le pays revienne à l’ordre constitutionnel et à un régime démocratique dans des délais raisonnables, après des réformes inclusives de la constitution et du cadre électoral, et à travers des élections crédibles et transparentes.
  • La délégation a également observé un fort désir chez la plupart des Guinéens de voir naître un dialogue fécond et constructif avec leurs compatriotes, pendant qu’ils continuent à partager leurs opinions librement et à faire preuve d’une prise de conscience quant à leurs rôles et responsabilités durant le processus de transition et au-delà.
  • Les Guinéens comprennent que le processus de transition doit inclure des mesures durables, délibérées et sérieuses pour la réconciliation nationale, afin de surmonter les profondes divisions politiques et ethniques de la Guinée, et de guérir les blessures liées aux répressions violentes des manifestations pacifiques qui se sont produites de manière récurrente ces dernières décennies. De nombreux Guinéens de tous bords ont exprimé l’espoir que la transition en cours vers un régime civil et démocratique soit couronnée de succès et soit la dernière dans l’histoire du pays. En dépit de ces notes d’optimisme, la délégation a identifié des risques potentiels à même de raviver les tensions politiques, voire la violence, s’ils ne sont pas traités rapidement. Ceux-ci comprennent :
  • Un manque de clarté sur le chronogramme de la transition et l’ordre des priorités pour la période de transition. De nombreux Guinéens se sont plaints des actions récentes des autorités de transition qui contredisent certaines de leurs déclarations antérieures, faites dans les moments qui ont suivi la prise de pouvoir.
  • Si les membres d’autres organes de la transition sont connus, notamment les membres du gouvernement et du CNT, la composition nominative des membres de l’organe décisionnel central de la transition, le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), reste inconnue. De nombreux Guinéens estiment qu’il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que les populations fassent confiance à des décisions prises par un organe dont la composition nominative reste inconnue. Une telle opacité génère une méfiance croissante et un manque potentiel de responsabilité et de redevabilité qui pourraient affaiblir la confiance nationale et internationale dans le processus de transition.
  • La délégation a également noté un très faible niveau de représentation et d’inclusion des femmes au sein des institutions de transition. Le CNT compte 24 femmes (sur 81 membres) ; cependant, une seule des huit gouverneurs est une femme. Sur 33 préfets et 304 sous-préfets, aucun n’est une femme. En outre, le nombre de femmes dans le gouvernement de transition est faible.
  • Six mois après le début de la transition, un nombre important d’acteurs politiques et civiques réputés pour leur plaidoyer en faveur de la démocratie et de la bonne gouvernance dans le pays ressentent qu’ils n’ont pas la possibilité de contribuer de manière significative au processus de transition. Certains se demandent si le CNT est suffisamment représentatif pour prendre des décisions au nom des forces vives de la société guinéenne, notamment en ce qui concerne le chronogramme de la transition.

Recommandations

La délégation formule les recommandations suivantes : Aux autorités de transition guinéennes :

Tirer profit de cette occasion historique pour donner l’exemple en réalisant des réformes constitutionnelles et électorales inclusives et en organisant des élections démocratiques à temps et de manière transparente.

Publier un chronogramme de la transition pour clarifier et cibler les actions des entités gouvernementales, des partis politiques, de la société civile et des autres parties prenantes, afin de renforcer la confiance et la participation des citoyens et de garantir ainsi le succès de la transition.

Protéger et garantir les droits et libertés des citoyens, y compris la liberté d’expression et le pluralisme des opinions.

Initier et maintenir un processus de consultation permanente, flexible et inclusif entre les principales parties prenantes afin de promouvoir de meilleures, et plus solides, lignes de communication avec les acteurs politiques et civiques, sans faire duplication des institutions de la transition et/ou de leurs compétences.

Prendre des mesures délibérées pour inclure les femmes dans les institutions de transition et élaborer des politiques sensibles au genre, y compris pour ce qui est des réformes constitutionnelles et électorales.

Donner la priorité aux réformes qui démontreront lengagement public de larmée à ramener le pays à un régime civil et démocratique, et développer un consensus national autour de questions importantes qui seront mieux prises en charge à long terme par un gouvernement et une législature élus.

Publier la liste nominative des membres du CNRD dans un souci de transparence et du renforcement de la confiance entre Guinéens.

Aux partis politiques :

⮚ S’engager de manière proactive dans la transition et mener une évaluation critique des rôles et des responsabilités des partis politiques dans la construction et la sauvegarde de la démocratie, et éduquer les militants et sympathisants des partis sur leurs droits et responsabilités.

⮚ Utiliser la période de transition pour renforcer la démocratie interne au sein des partis, notamment en donnant la priorité à l’inclusion des femmes et des jeunes et en leur offrant des opportunités de leadership.

⮚ Engager les autorités dans des discussions sur les réformes du cadre juridique des partis politiques guinéens et des élections afin de mettre en valeur la diversité ethnique du 4 pays et de professionnaliser les partis politiques afin de diminuer le poids des replis identitaires en politique.

A la société civile :

⮚ Intensifier les efforts d’éducation civique et d’engagement citoyen afin d’élever le niveau de participation citoyenne dans les différentes plateformes consultatives pendant la transition.

⮚ Continuer à observer et à suivre les performances des divers acteurs pendant la transition, y compris les entités gouvernementales civiles et militaires ainsi que les partis politiques et les médias.

⮚ Participer et fournir une expertise sur les réformes et les politiques publiques telles que l’élaboration d’une nouvelle constitution et la création d’institutions démocratiques fortes et indépendantes visant à établir des processus électoraux transparents et inclusifs.

⮚ Mettre en œuvre des programmes innovants tels que des sondages d’opinion publique qui collectent, analysent et reflètent les voix des citoyens et des initiatives pour lutter contre la désinformation, les fausses nouvelles et les discours à caractère haineux.

Aux médias :

⮚ Contribuer à la sensibilisation, à l’éducation civique et électorale et à l’engagement citoyen pendant la transition.

⮚ Éviter d’exacerber la polarisation et la désinformation politique et/ou ethnique et promouvoir le développement et le respect des normes et standards d’éthique professionnelle.

⮚ Rechercher des points d’entrée pour contribuer à l’élaboration, à la mise à jour et à la promotion de la législation protégeant la liberté d’expression et des médias et le droit à l’information.

  1. Conclusion

La Guinée a une longue histoire de défense de ses droits et de sa liberté. Les Guinéens ont toujours opté pour une voie démocratique chaque fois qu’ils étaient confrontés à d’autres alternatives. La délégation du NDI espère que les voix du peuple fier de la Guinée seront entendues pour que la transition en cours soit pacifique, transparente et inclusive afin de faciliter l’émergence à temps d’un gouvernement démocratiquement élu.

Le NDI est une organisation internationale non gouvernementale, non partisane et à but non lucratif qui travaille en partenariat dans le monde entier pour renforcer et sauvegarder les institutions, les processus, les normes et les valeurs démocratiques afin de garantir une meilleure qualité de vie pour tous. Le NDI envisage un monde où la démocratie et la liberté prévalent, dans la dignité pour tous.

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