D es jeunes de Kabara, situé à 87 Km de Daramagnaki et à 232 km de Télimélé-Centre, ont manifesté le 20 décembre dernier, pour réclamer des emplois et des réalisations communautaires à la société CDM-Chine qui exploite la bauxite dans cette sous-préfecture depuis 2017.
Si les jeunes ont obtenu de la société la signature d’un protocole d’accord, trois meneurs du mouvement ont été déportés à Boké, puis détenus 24heures sur ordre du préfet de Télimélé, Amadou Sadio Diallo.
Les faits
Selon Mamadou Saliou Touré, l’un des leaders, depuis juillet 2019, les jeunes ont adressé une lettre aux autorités et à la société pour exprimer leurs revendications.
« On veut un représentant de la communauté au département relation communautaire, relation humaine, à celui hygiène santé sécurité et environnement. Puisque la société accompagne les projets des entreprises locales, qu’elle rénove et aménage des points d’eau, privilégie les jeunes de la localité dans les emplois » réitère Mamadou Saliou Touré, indiquant que les jeunes ont manifesté le 20 décembre dernier pour se faire entendre parce qu’ils n’ont pas eu de suite favorable à leurs revendications.
C’est ainsi, rappelle-t-il, les jeunes ont organisé une marche pacifique d’abord avant de barrer la route pour interrompre les activités de la société, emmenant du coup les autorités à entendre raison pour demander à négocier.
Les négociations ont démarré à Daramagnaki à la base de la société CDM-Chine entre toutes les parties. Elles se sont poursuivies jusqu’au dimanche soir pour aboutir à un accord. Cependant, les ennuis des jeunes protestataires ont commencé ce jour-là lorsque le préfet de Télimélé, Amadou Sadio Diallo demande de ne pas filmer ses interventions. Cela passera par la confiscation des téléphones.
« On ne filmait pas, on prenait note. Mais le préfet a ordonné qu’on saisisse nos téléphones pour ne pas être enregistré lors de son intervention. Tard la nuit, un protocole d’accord a été rédigé. On s’est dit d’attendre le lendemain pour les signatures. On a alors demandé nos téléphones comme on a fini les négociations. Mais on nous dit d’attendre le lendemain aussi pour les récupérer. On a accepté », relate Mamadou Saliou Touré, l’un des leaders des jeunes de Daramagnaki.
Les dindons
Le mercredi matin, M. Touré et ses amis reviennent récupérer leurs téléphones. Surprise, le sous-préfet de Daramagnaki informe les jeunes que le préfet lui a demandé de les amener à Boké dans un cyber pour faire examiner les téléphones et s’assurer qu’on ne lui a pas filmé.
« On a dit que ce n’est pas nécessaire, eux-mêmes, ils peuvent fouiller les téléphones, s’ils trouvent des vidéos sur les négociations qu’ils les suppriment. Ils ont dit qu’il faut faire examiner les téléphones par des techniciens. On a soupçonné, mais comme se sont nos autorités, on est ensemble tous les jours, on a accepté d’aller à Boké avec le sous-préfet de Daramagnaki et le directeur des mines de Télimélé. On arrive chez le secrétaire général chargé des collectivités de Boké, lui nous conduits à la gendarmerie. On a compris que c’est une arrestation. Il dit aux gendarmes : ce sont les trois jeunes là. C’était moi Mamadou Saliou Touré, Mamadou Yaya Bah et Mamoudou Diallo. Ce qui nous a surpris, c’est un enlèvement, de Télimélé on nous déporte à Boké et on nous a privé de téléphones pour informer à nos proches que nous sommes détenus à Boké » témoigne Mamadou Saliou Touré, laissant entendre qu’ils ont pu informer leurs proches par le biais d’un autre détenu.
« On a pu communiquer avec un ami résidant à Boké avec le téléphone d’un codétenu. Alors les jeunes se sont mobilisés à Daramagnaki, ils ont campé à la base de CDM-Chine pour exiger notre libération » a-t-il révélé.
Les déportés seront finalement libérés vendredi le 27 décembre après avoir passé 24 heures en détention. Mais ils ne comptent pas lâcher prise.
« C’était une façon de nous faire taire, mais nous continuerons à réclamer les droits des communautés » avertit M. Touré.
Le préfet de Télimélé, Amadou Sadio Diallo que nous avons contacté pour un commentaire a botté en touche.
« Non ! Non ! Non ! On ne va pas parler de ça, je suis occupé là » se contente-t-il à dire au bout du téléphone.
Aux dernières nouvelles, l’accord obtenu à l’arrachée sera tout de même paraphé entre la société, le préfet, les sages, les imams, la commune et les jeunes, mais sans les meneurs.
Reste désormais sa mise en œuvre.
Affaire à suivre !
Hafia Diallo