Le diable s’habille-t-il en pogba ?

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L a planète foot en tremble, l’opinion s’en amuse et la presse a beau parler d’une affaire rocambolesque, l’histoire est prise au sérieux par la justice et sème le trouble dans l’équipe de France à deux mois de la Coupe du monde au Qatar.

Paul Pogba a-t-il demandé à un marabout de jeter un sort à Kylian Mbappé ? Le milieu de terrain a-t-il pu vouloir du mal à l’attaquant auquel il est censé faire des passes en or ? On n’a toujours pas la réponse à cette question.

Le joueur de la Juve dément toute allégation mais si son frère Mathias en apportait la preuve, son avenir au sein des Bleus serait compromis. En garde à vue cette semaine, Mathias avoua quand même être l’auteur de la vidéo du 27 août dans laquelle il menaçait Paul de faire des « révélations ».

Si celles-ci devenaient publiques et s’avéraient justes, l’élite du ballon rond en ressortirait meurtrie et fracturée, ce qui est le propre du diable dont le nom signifie « celui qui divise ».

Cette affaire de marabout en service commandé a le mérite de lever le couvercle médiatique d’une marmite infernale : la sorcellerie existe bel et bien.

Le mot est encore chaud des bûchers du Nom de la Rose. Mais on aurait tort de s’arrêter aux diableries du Moyen-Âge. Des forces invisibles sont toujours invoquées pour nuire à autrui et des âmes noires se vendent encore au prince des ténèbres.

Que les marabouts soient des imposteurs et des escrocs n’y change rien, leur pouvoir ne venant pas des rituels qu’ils pratiquent mais des esprits qui leur répondent.

Et ceux-ci sont toujours déchus, fourchus et cornus, y compris lorsque l’intention du « client » n’est pas délibérément malveillante. Beaucoup de personnes fragiles ou crédules – et pas seulement des Africains vivant dans leurs arrière-mondes – fréquentent des voyants, guérisseurs et autres diseurs de bonaventure sans se douter qu’elles sifflent un démon qui ne demande que ça.

Le diable portant pierre, l’affaire Pogba donne envie à quelque media d’aller chatouiller les sabots du bouc. Le Parisien consacre deux pleines pages à l’accueil Saint-Michel (Paris XIe), le plus ancien centre dédié à l’exorcisme, sous les offices du père Jean-Pascal Duloisy. « Plusieurs milliers de personnes de toute l’Île-de-France viennent y chercher leur salut chaque année ».

Après plusieurs semaines d’immersion, le quotidien raconte le cas d’Évane, cadre supérieur au visage angélique, « qui se met à insulter le prêtre en allemand ». Deux exorcismes seront nécessaires pour délivrer la quadragénaire. Ou encore Gervaise, petite femme fluette, qui « a soulevé la table et l’a pliée en deux ».

Face à la demande croissante dans les années 2000, l’accueil Saint-Michel se dote de trois prêtres pour « aider l’humain abîmé » sans se substituer à la médecine.

De son côté, l’hebdomadaire Marianne exhume une enquête IFOP de 2020 pour la Fondation Jean Jaurès. On y observe une recrudescence de la superstition : « Alors que cela touchait à peine un Français sur six il y a quarante ans (18% en 1981), la croyance dans les envoûtements et la sorcellerie séduit maintenant près de trois Français sur dix : 28%, soit une hausse de 7 points depuis 2000, mais surtout de 10 points depuis 1981 », révélait l’enquête.

Autre point : ces croyances sont plus répandues chez les plus jeunes.

« Aujourd’hui, 40% des moins de 35 ans croient en la sorcellerie contre 25% des plus de 35 ans », poursuivait l’IFOP. Le fin du fin, c’est que « les générations nées à partir des années 1980 sont beaucoup moins marquées par une défiance vis-à-vis des croyances religieuses et le matérialisme dominant jusque-là depuis l’après-guerre ».

Ces propos suscitent deux réactions : la première, c’est que l’homme croit toujours que le monde invisible peut agir dans le monde visible, et ce malgré tous les efforts entrepris pendant deux siècles pour le sortir de la religion. Le diable lui-même faisait le mort aux grandes heures du matérialisme. La seconde, c’est que la « croyance dans la sorcellerie » témoigne du recul de la raison et de la foi.

« Le démon prend la place que le Seigneur, en se retirant, a laissé libre », écrit Albert Delaporte dans son célèbre le Diable existe-t-il et que fait-il ?

En résumé, d’un côté, on crédite l’au-delà en lui reconnaissant un rôle dans nos vies ; de l’autre, on le discrédite en faisant faire n’importe quoi aux forces de mort.

Louis Daufresne in LSDJ

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