Après avoir dépeint la fausse solution envisagée par le gouvernement pour l’assainissement de la ville de Conakry qui lui est un vrai problème, le cours des événements nous a malheureusement donné raison. Le 16 juin, tard dans la nuit, une voiture a grièvement blessé un cadreur de la radio Espace FM et mortellement percuté le journaliste Abdoulaye BAH qui couvrait justement une opération de curage de caniveaux. Après le passage de la forte émotion, une analyse minutieuse s’imposera quant aux circonstances de cette tragédie.
En attendant, News Guinée Info vous plonge dans les méandres, que dis-je, le casse-tête du logement en Guinée, notamment dans sa capitale, Conakry. Une ville asphyxiée avec près de 2 millions d’habitants. Comment toutes ces âmes arrivent-elles à se loger ? La réponse à cette question nous amène à livrer ici les difficultés auxquelles sont confrontés les citoyens dans la quête perpétuelle d’un gîte.
Le logement est sans nul doute le secteur le plus délaissé par l’État guinéen. Non seulement, il ne dispose d’aucune politique publique viable en la matière, mais en plus, il ne fait absolument rien pour régulariser ce secteur névralgique de la vie de la nation. Le logement reste largement dominé par des particuliers qui baillent leurs maisonnettes au gré de leurs besoins et parfois de leurs humeurs. Il n’est pas rare de voir des habitations dont les avance dépassent une année de loyer, et ce, sans aucune justification. La plupart des contrats de bail se font sans document écrit, sans représentant du quartier encore moins un huissier.
Le premier constat qui frappe lorsqu’on franchit les entrées de ces bâtisses, ce qu’elles ne répondent à aucune norme de sécurité et de conforts. Elles ne disposent ni d’issues de secours, ni de garages encore moins d’ascenseurs. Pour les bonbonnes de gaz, revenez le 31 février et on parlera. Certains trouvent ces maisons dans un délabrement et sont obligés d’engager aussitôt des travaux de réfection. Si certains bailleurs acceptent le compromis de la répartition des charges dans une telle opération, d’autres s’y dérobent carrément. Les pauvres citoyens sont livrés à eux-mêmes. Des bandits à cols sals cette fois-ci, appelés démarcheurs surgissent de nulle part et s’offrent des commissions sur un mois de loyer au frais du preneur bien sûr.
Ces démarcheurs ne constituent aucune corporation légale à l’image du syndicat des transporteurs par exemple. Pour vous montrer une maison, ils demandent le prix de leur déplacement. Ce tarif non-officiel varie de 20.000 à 40.000 francs guinéens selon la tête du client. Tant que ce dernier n’est pas en possession des clés de la maison, il ne peut être sûr de l’occuper, car si le démarcheur trouve un deuxième client prêt à payer plus que le premier, celui-ci peut dire au revoir à la belle demeure.
L’autre versant de la question du logement tourne autour de deux facteurs : l’ethnocentrisme et les pesanteurs socioculturelles. Le visage le plus hideux de la Guinée apparaît dans ce versant avec des bailleurs qui ne logent que des personnes issues de leurs communautés. Cet état de fait est un des facteurs les plus dangereux pour l’unité nationale et le tissu social.
Les pesanteurs culturelles empêchent les jeunes filles de trouver du logement. L’idée qu’une femme ne puisse habiter seule est encore largement répandue en Guinée. Alors certaines inventent de faux maris pour se faire un statut de femme mariée le temps de poser les valises.
Face à l’inaction de l’État, des voix dans la société civile se sont élevées pour dénoncer cette situation. En 2017, le mouvement « tous contre le loyer cher est né ». Un mouvement citoyen qui, le 05 avril 2018 a tenu un sit in devant le palais du peuple, siège de l’Assemblée nationale. Des députés avaient alors promis une loi qui allait enfin réglementer ce secteur. Mais à la surprise générale, le bureau de l’Assemblée nationale n’inscrit pas à l’ordre du jour cette question du loyer. La déception fut grande.
Aujourd’hui, la saison des pluies fait craindre plus d’un. Elle vient rappeler aux uns et aux autres la fragilité de leurs habitats.
Alpha Oumar DIALLO