C onsacrée par les Nations Unies depuis 1977, la Journée Internationale des Femmes (nom adopté par l’ONU ndlr) s’entend comme une journée spéciale, célébrée dans tous les Etats du système onusien, visant à militer en faveur des droits de la femme. Aussi, entre autres de ses objectifs, elle vise à la réduction drastique du fossé d’inégalités artificiellement créé entre homme et femme.
A l’origine, le monde doit cette journée à madame Clara Zetkin, une militante proéminente du parti socialiste américain, qui à travers une proposition, a appelé son bloc politique à consacrer cette journée à la lutte pour la consécration et la pérennisation des Droits des femmes, notamment les droits civils et politiques et ceux relatifs aux discriminations dans l’exercice du travail professionnel.
En République de Guinée, à l’instar de tous les pays du monde, cette journée se veut une tribune permettant aux guinéennes de faire le point sur l’évolution structurelle de leur couche sociale. Apprécier le niveau d’éradication des pratiques séculaires nocives comme l’excision, le mariage précoce, l’exploitation des filles à des fins domestiques voire sexuelles, ou encore les difficultés d’enfantement des femmes, le faible taux de prise en charge effective, le non ou le difficile accès à des postes de haute responsabilité, pour ne citer que ces faits.
Quoique loin de moi, l’idée de m’opposer à une quelconque célébration de nature fastueuse de la dite date, cependant, il n’en demeure pas moins que le caractère alarmant des chiffres propres aux réalités guinéennes nous impose une certaine retenue quant à notre penchant festif.
En effet, les statistiques délivrées par les différents organismes nationaux et internationaux restent, malgré moult reformes, assez critiques voire indicatrices d’une situation tragique et déplorable.
Dans un article traité et publié par www.NewsGuinee.info, la Ministre de l’action sociale avait indiqué, citation : «Bien que la loi guinéenne fixe l’âge légal du mariage des filles à 17 ans, en 2016, 21% des filles se sont mariées avant l’âge de 15 ans et plus de la moitié, 55% avant 18 ans, soit 64% en milieu rural et 70% chez les ménages économiques les plus pauvres. Malgré la condamnation par la loi, les MG constituent une pratique courante et profondément ancrée dans la société. Elles affectent ainsi la quasi-totalité des filles et femmes de 15 à 49 ans ».
http://guineeactuelle.com/mariage-precoce-mgf-la-guinee-2e-au-plan-mondial-statistiques
Sur le plan politique, la participation du genre féminin à l’exercice du pouvoir en Guinée, au sens concret du terme, reste à ce jour, l’un des sujets les plus problématiques de la gouvernance actuelle. Et pourtant, ce ne sont point les compétences intellectuelles ou techniques qui manquent en la matière.
De grands noms de dames au parcours académique/professionnel incroyable que je ne citerai pas ici, sont légion dans le pays. Mais la réalité nous impose à nous résoudre au chiffre hallucinant de quatre (4) femmes sur 33 postes ministériels. Juste après, c’est le Président de la République qui dédie chacun de ses deux quinquennats aux femmes et jeunes ; allez trouver l’arnaque !
En dépit des situations ubuesques précédemment mentionnées, la dernière journée internationale des femmes, 8 mars dernier, célébrée en grande pompe par le gouvernement guinéen, en toile de fond sous une atmosphère essentiellement politique, frôle l’ignominie à l’égard de la couche la plus importante du pays (plus de 65% de la population ndlr). Des actions de manipulation ayant pour seul but de regrouper des associations de femmes en vue de montrer leur position vis-à-vis de l’actuelle Constitution étaient manifestes. Si bien qu’on a été tenté de s’interroger sur l’opportunité de tels agissements, si ce n’est à des fins de manipulation politique.
Pire, ce fait scabreux ayant fait l’objet d’indignation de la part de maints internautes est quelque peu symptomatique de la situation de décrépitude avancée dans laquelle se trouve la femme guinéenne. Celle-ci, au lieu d’être le substrat du développement national (la femme au centre du développement comme l’a laissé entendre le chef de l’Etat), est devenue, bon/malgré, l’objet de toutes les manipulations politique, sociale ou religieuse.
Comme pour ne jamais arranger les choses, pas plus tard qu’une semaine, le mariage d’une fillette de 13 ans, dans la préfecture de Mali, ayant fait trembler la toile n’a point fait l’objet de mention par les autorités en ce jour pourtant ci-exceptionnelle.
Si tant est que la journée du 8 mars, initialement prévue pour faire le point sur l’évolution des Droits des femmes et réorganiser la lutte vers des objectifs plus pratiques pour leur émancipation, n’est manifestement pas dédiée à cet effet. Alors quel fondement sous-tend le caractère folklorique de cette journée en Guinée, incompréhension ou bêtise politicienne ?
CHERINGAN