L’association des victimes du camp boiro commémore : l’etat guinéen doit rendre des comptes

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Les  parents des 90 personnes pendues sous le régime de Sékou Touré, regroupés dans l’Association des Victimes du Camp Boiro (AVCB), réclament des réparations à l’Etat guinéen. C’est   à  la veille  de la commémoration du 47ème anniversaire des pendaisons du 25 janvier 1971 que les   membres de l’Association  des victimes du Camp Boiro  (AVCB)  ont animé une conférence,  ce mardi 23 janvier 2018, à la maison des journalistes de Guinée,  pour réclamer justice aux autorités Guinéennes.

En effet, c’est à la suite de l’agression impérialiste portugaise, du 22 novembre 1970, que le Haut Commandement de l’époque décida d’ériger l’Assemblée Nationale de Guinée en Tribunal Populaire Révolutionnaire pour juger des mercenaires et de leurs complices guinéens. Cette décision, approuvée par l’Organisation de l’Unité Africaine et les Nations Unies  après rapport d’enquêtes, n’était pas sans gravité. Elle occasionna une purge au sein des hautes sphères du parti et de l’Etat.

Mme Nadine Barry, femme française, mariée à un guinéen du nom d’Abdoulaye Barry, originaire de Timbo, a déclaré que  son époux a été arrêté, torturé et tué à Tokounou, à quelques kilomètres de Kissidougou, sur la route de Kankan :

 « Je suis rentrée en Guinée en janvier 64. J’avais épousé un guinéen qui s’appelle Abdoulaye Barry, originaire de Timbo (dans une famille féodale), qui avait épousé une française donc, l’ennemi numéro un du régime de Sékou Touré. Mon mari était un intellectuel, formé en France, indépendant d’esprit, il a travaillé quatre (4) mois seulement à la présidence de la République, dans le service économique avant de venir aux affaires étrangères (…) Après 71, nous étions tous à l’extérieur au moment du débarquement en 70. Mon mari était à l’Assemblée Nationale des Nations unies où il faisait partie de la délégation guinéenne. Et moi j’accouchais notre quatrième enfant. On s’est téléphoné que quelque chose se passe au pays. Mais, on   ne s’est rien  reproché, nous avons décidé de rentrer comme des imbéciles. Mon mari a été arrêté en Côte d’Ivoire sans savoir qu’il avait déjà dépassé la frontière, précisément à Sinko. Il a été amené à Kankan où il a été torturé dans la cabine technique. Il est sorti vivant mais, dans un état très mauvais. La tête écrasée, il est mort à la rentrée de Tokouno, pas loin de la préfecture de Kankan et Kissidougou »,

Absent du pays, le président de l’AVCB, M . Sidikiba Keita (fils de feu Keita Fodéba) , s’inscrit dans une démarche d’apaisement social et de recherche de la vérité historique. De la France, il a exposé ce qui pourrait crédibiliser les revendications de l’AVCB :

« L’un des principaux objectifs de l’AVCB est d’obtenir des autorités un appui effectif pour que les archives concernant la Guinée soient déclassifiées dans les pays qui étaient censés soutenir et financer ladite 5ème colonne afin de faire toute la lumière sur cette question de la « cinquième colonne » avec des bases objectivement documentées.  Déjà le Peuple de Guinée a su élire Alpha CONDÉ comme Président de la République alors qu’il fut condamné pour appartenance à la « cinquième colonne ».

Je suis personnellement très conscient des difficultés qui entravent la réalisation de la justice mémorielle.  Les difficultés sont de toutes parts, à la fois . Nous avons d’une part ceux qui adoptent en bloc tout et d’autre part ceux qui rejettent tout. Entre les deux il n’y a de communication que passionnelle.  Il est évident que cela ne peut aboutir qu’ à une situation de division au détriment du pays.  Dans ma position, je me bats pour faire comprendre que nous sommes tous victimes d’un déficit d’information et tous coupables de ne pas adopter une démarche rationnelle qui est la quête objective de la Vérité.  Les hommes passent, mais les États restent.  À un moment de notre Histoire, certains États ont été accusés de fomenter des complots contre l’État guinéen.  Ces États ont des archives qui en sont la mémoire organisée, datée et référencée. Les documents concernés relèvent certainement du secret d’État.  L’État guinéen peut et doit en demander la déclassification pour les rendre accessibles aux chercheurs guinéens.  C’est avec cette démarche que nous pourrons OBJECTIVEMENT édifier les guinéens, notamment les jeunes générations qui ont un droit absolu de connaître notre Histoire sortie des amalgames passionnelles.  En attendant, nous devrons laisser la passion dominer notre mémoire de façon non constructive voire destructrice. »

 

Par  Sylla Ibrahima Kalil

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