La lutte contre le diabète : un programme sauve des vies en guinée

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 En Guinée 130.000 (cent trente mille) personnes sont confrontées au diabète ; parmi elles 605 enfants qui doivent apprendre à gérer cette maladie. Les enfants diabétiques n’ont pas, dans la vie courante, l’occasion d’échanger sur leur maladie avec d’autres personnes que leurs parents. Pour donner aux jeunes diabétiques guinéens l’occasion de pratiquer, en toute sécurité, des activités sportives mais aussi dispenser une formation leurs permettant d’apprendre à mieux gérer leur maladie, le chef de Service de Diabétologie à Donka, professeur Naby Moussa Baldé,  organise chaque année une colonie de vacances. Une occasion également de permettre à ces enfants de mieux surmonter les angoisses de la stigmatisation. 

 «Quand des adultes apprennent qu’ils sont atteints du diabète, ils connaissent souvent des gens atteints dans leur milieu», note docteur Abdoulaye Diallo, médecin au Service de Diabétologie au Centre Hospitalo Universitaire à Donka. Ce qui n’est pas le cas des enfants et certains adolescents. Agée de 21 ans, Bil Baldé est l’une des anciennes diabétiques connues depuis 2002. Du haut de ses 15 ans de vie avec le diabète, cette étudiante en biochimie se souvient de ses premiers pas à l’école : « Quand j’ai commencé les cours à l’école primaire, certains de mes camarades d’école se méfiaient de moi. Au début, les gens ont pensé que c’est une maladie contagieuse. 15 ans après, je suis à l’université, le problème majeur de la lutte contre le diabète demeure la stigmatisation » a affirmé cette universitaire de Gamal Abdel Nasser de Conakry. Dans la capitale guinéenne, ou en province, il y a des enfants qui vivent des situations dramatiques où ils ont perdu des amis, où ils n’arrivent plus à jouer avec leurs camarades. Une situation que regrette le professeur Naby Moussa Baldé :

« Dans notre communauté, Il y a des personnes qui ne sont pas bien informées. Elles pensent que le fait de laisser leurs enfants jouer avec un enfant diabétique, il va être contaminé. Ensuite il y a des parents aussi qui sont particulièrement inquiet et trop protecteur de ces enfants. Les empêcher d’avoir l’activité physique dont ils ont besoin, les empêche d’acquérir l’autonomie nécessaire. Il faut ajouter aussi que ces enfants à l’école ne sont pas toujours bien compris. Nos écoles ne sont pas préparées à accueillir des enfants qui sont en difficultés du fait de leur maladie »

Pour les 605 enfants guinéens atteints de diabète de type 1, impossible de manger une barre de chocolat (pour ceux qui en ont les moyens) sans vérifier avant le taux  de sucre dans leur sang au moyen d’une piqûre de contrôle. Les enfants savent bien ce que signifie avoir un pancréas défaillant, qui n’assure pas cette fameuse production d’insuline seule capable de faire pénétrer le sucre dans les cellules du corps. Sans cette hormone, leur ont expliqué les médecins, le glucose absorbé attaque l’organisme et ne joue pas son rôle énergétique dans les fonctions vitales.

Les traitements actuels permettent à chaque enfant de mener une vie normale mais, toutefois, non pas sans contrainte : alimentation calculée, administration d’insuline.  Le quotidien de ces enfants n’est presque jamais improvisé. Tous se soumettent plusieurs fois par jours au test de la glycémie pour mesurer le taux de sucre dans le sang.

 Pour permettre aux plus jeunes diabétiques de pratiquer en toute sécurité des activités sportives et d’autres formations sur le diabète, les autorités de l’hôpital Donka à travers le service diabétologie, organisent depuis quelques années une colonie de vacances  dans les préfectures du pays. Le 14 décembre 2017,  Naby Moussa Baldé, chef de service de diabétologie à Donka, propose aux parents une participation à une colonie des vacances à Kendoumaya, dans la préfecture de Coyah (50km de Conakry)/ 40 enfants diabétiques ont pris part à ce rendez-vous. Ils sont suivis par 10 médecins et infirmiers loin des parents. Le quotidien  de ces enfants n’est presque jamais improvisé. Ils se soumettent plusieurs fois par jours au test de la glycémie pour mesurer le taux de sucre dans le sang. Le diabète est une maladie complexe, qui oblige à jouer entre plusieurs données que personne n’apprend à maîtriser d’ordinaire: les effets de la nourriture, de l’exercice physique, des émotions et de l’insuline sur le corps. »

Il est 11h, sous les pieds du mont Kakoulima, ici à Kendoumaya (Coyah), au petit terrain du verger des religieux, les enfants jouent au football et sautent à la corde avec le frère Jean Loïc.  De loin, une infirmière surgit et porte dans un plastique bleu quelques fruits pour les enfants diabétiques en plein exercice sportif : « ils ont pris leur petit déjeuner à 8h et il est 11h, c’est l’heure de la collation. Parce que ils ne peuvent pas attendre de 8h jusqu’à 14h sans rien manger. Donc c’est pour cela on les donnes des collations à 11h pour ne pas avoir trop faim. Ce qui provoque une hypoglycémie et une hypoglycémie non corrigée à temps provoque une crise chez les diabétique » précise Ramata Sall du staff médical de cette colonie des vacances de 4 jours.

Pendant les discussions,  dans une grande salle aménagée à cet effet, loin de l’ambiance de la ville , Nicole Hungla, nutritionniste-diététiste au CHU de Cotonou au Bénin en séjour pour la licence ‘’nutrition diabète et promotion de la santé’’ à la Faculté de médecine à l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry, a retenu plusieurs choses dans le programme alimentaire de ces enfants qui vivent avec le diabète :

« Dans les discussions que j’ai eu avec les enfants, j’ai constaté que leur alimentation est beaucoup grasse ; ensuite il y a beaucoup de boite de conserve et nous savons que les conserves sont trop salées également ce qui fait que les enfants ont une alimentation grasse et salée ; même si on essaie de diminuer les sucreries dans leur alimentation il y aussi beaucoup de jus ; les enfants sont beaucoup tenté de prendre ces jus là. Leur alimentation n’est pas du tout équilibrée encore. Parce que les agents de santé ne peuvent pas rester avec eux et les suivre chez eux pour toujours attirer leur attention sur les sucreries, les aliments gras… il faudrait que les parents également les aide à assainir un peu leur alimentions » a-t-elle conclut. Les colonies de vacance c’est pour renforcer les compétences des enfants mais également changer le regard des professionnels vis-à-vis de la maladie. Les médecins guinéens ont été aidés dans l’encadrement et la transmission des connaissances par les médecins arrivés du Benin (un des pôles de la nutrition sur le continent africain) à la tête de cette délégation François Djrolo, professeur d’endocrinologie métabolisme et nutrition à la Faculté des sciences de la santé de Cotonou : « Par rapport à leur alimentation, la prise en charge  de leur maladie, les enfants diabétiques n’ont pas souvent l’aide des parents parce qu’on considère que ces enfants fragiles ne doivent rien faire. En faisant ce camp pour les enfants diabétiques, la première chose ce que les enfants découvrent qu’ils ont d’autres personnes de leur âge qui ont la même maladie. Les randonnées, et toutes les activités sportives qu’on a menées dans ce camp leur permet de leur faire prendre conscience qu’ils ne sont pas des diminués par rapport aux enfants qui ne sont pas diabétiques. Cela leur permet également de  se faire des amis qui ont la même maladie et d’échanger là-dessus. Pour les parents les enfants diabétiques sont des enfants fragiles qu’on ne peut pas accepter d’aller loin du cercle familial. Il sera donné également aux parents la confiance que ce sont des enfants qui peuvent s’éloigner d’eux, se donner à toutes les activités des enfants de leur âge » a rassuré le professeur Béninois.

Comme ce professeur béninois, d’autres médecins malien, sénégalais, béninois, et ivoirien ont pris part à cette colonie des vacances pour renforcer la capacité de prise en charge des enfants diabétiques de Guinée. C’est le cas de docteur Selly Charles Patrick médecin à la clinique du diabète du CHU de Treichville à Abidjan (Côte-d’Ivoire) : «Le plus souvent ce sont des enfants qu’on croit connaitre mais qu’on ne connait pas. Parce que le diabète est une maladie chronique et l’enfant qui est diabétique est obligé de garder les injections d’insuline toute sa vie. Loin de la théorie des livres la réalité est avantageuse quand même d’être sur le terrain de voir ces enfants se piquer et voir un peu comment ils interagissent avec la maladie voir un peu comment ils prennent leur médicament voir aussi si dans leur environnement au niveau des frères et sœurs est ce qu’il y a des enfants qui sont diabétiques et tout ça nous permet au moins de voir un peu comment on peut projeter dans la prise en charge du diabète dans cinq ans »

Ces enfants savent aussi qu’ils doivent toujours avoir à l’esprit, vacances ou pas, les trois gestes garantissant leur survie : mesurer leur glycémie, calculer la dose d’insuline nécessaire et se l’administrer.

Pour maintenir ces enfants en vie, seules les injections régulières à l’insuline peuvent prolonger leur vie. Le professeur Naby Moussa Baldé exprime sa satisfaction quant à la gratuité (en tout cas pour le moment) de l’insuline en Guinée :

« Nous avons la chance d’avoir un programme actuellement qui est le programme ‘’Changer l’Avenir des Enfants Diabétiques’’ qui dans le cadre duquel nous offrons de l’insuline et tout le matériel de traitement sont offert à ces enfants-là. Ils ont l’insuline, ils ont les lecteurs de glycémie, ils ont des bandelettes, ils ont des consultations gratuites et ceci se fait grâce à un partenariat qui a été signé entre le ministère de la santé de Guinée et les laboratoires Novo Nordisk qui sont les premiers fabriquant des insulines qui sont distribué dans nos pays » .

Selon les clauses de cette coopération, au terme de ce partenariat,  l’Etat guinéen doit assurer la prise en charge de ces matériels indispensables à la survie des enfants diabétiques. Mais , selon des indiscrétions au ministère de la santé publique, l’Etat guinéen n’a engagé pour le moment aucune politique de prise en charge des enfants diabétiques en Guinée depuis la mise en place de la coopération Guinée-laboratoires Novo Nordisk. Et sans aucune injection d’insuline dans le corps de ces enfants l’espérance de vie n’ira pas au-delà de deux semaines.

Par Bah Mohamed

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