Déguerpissement à kipé 2 : les citoyens partagés entre indignation et désespoir

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Les habitants de Kipé 2, commune de Ratoma, ont eux aussi vécu, mardi 12 mars 2019, le pire de leurs moments en voyant leurs maisons s’écrouler les unes après les autres, sous l’ordre du gouvernement guinéen.

Sur place, des familles désemparées, parfois en pleurs, essaient tant bien que mal à ranger certaines affaires comme lits, chaises, fauteuils, valises, congélateurs ou encore habits. D’autres cherchent à arracher les portails de leur cours.

En observant impuissamment la scène de destruction, certains citoyens ont accepté de livrer leurs indignations face à ce qui se passe dans leur quartier.

« Ils sont venus parce qu’ils ont la force. Le président Alpha Condé avait dit qu’on avait déguerpi les gens ici à cause de la politique. Ce n’était pas un domaine de l’Etat parce que par-là, c’est très bien loti. Mais on voit le contraire. Alpha Condé a la force aujourd’hui parce qu’il a le pouvoir. Il a oublié que c’est Dieu qui lui a donné le pouvoir. Il utilise sa force pour nous faire du mal, on dirait que nous ne sommes pas des guinéens sans mesure d’accompagnement. Il nous a fait ce qu’il veut, mais nous, on n’a pas d’armes,  même si on porte plainte à la justice, on n’aura pas raison. Ce qu’Alpha nous a fait, que Dieu juge entre nous. Il a dispersé notre famille. Je ne sais même pas comment reprendre ma vie » regrette Thierno Sadou Bah, père de famille, qui confie que certains membres de sa famille sont partis au village.

« J’ai mes petits frères et petites sœurs qui étudient, mais aujourd’hui, leurs études sont complètement détruites. On ne sait même pas ce qu’on va faire » se lamente-t-il.

Sous le coup de la frustration, M. Bah s’insurge contre l’idée selon laquelle la Guinée est une famille, car soutient-il, les victimes de Kaporo-rails et maintenant ceux de Kipé sont laissés pour compte.

« Je suis contre qu’on dise que la Guinée est une famille. C’est faux ça, nous ne sommes pas unis. Sinon si le président était conscient, il allait nous considérer comme des humains. Il nous a fait du mal sans aucune mesure d’accompagnement. On ne peut jamais oublier ça pour lui. Cette histoire, je la parlerai même à mes enfants. Je ne vais jamais oublier ça » a martélé M. Bah.

Consternée par cette attitude du gouvernement guinéen, à travers le ministère de la Ville et de l’Aménagement et du territoire, une autre femme, rentrée au milieu de ses affaires, a laissé éclater sa déception.

 « Franchement, je n’ai rien à vous dire. Vous-mêmes, vous avez constaté. Donc, je n’ai rien à vous raconter parce que j’ai fait 10 ans, je ne connais nulle part sauf ici. C’est la seule maison qu’on avait. Vous avez vu, ils l’ont démolie. Donc, on n’a rien à dire à Alpha Condé, sauf qu’on le remercie très bien de ce qu’il a fait. Il a raison de déguerpir les gens mais ce n’est pas la manière qu’il faut » a dénoncé Mariame Baldé.

Barry Ibrahima

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