L ’ organisation internationale de défense des Droits Humains, Amnesty International a publié, jeudi 23 octobre 2025, un rapport accablant sur les conditions de travail au sein de la Société guinéenne de palmiers à huile et d’hévéas (Soguipah), une entreprise publique basée à Diécké, dans la région de Nzérékoré.
Le document CP RAPPORT SOGUIPAH_POUR DIFFUSION_PDF met en lumière de multiples atteintes aux droits fondamentaux des travailleurs et des planteurs affiliés.
Selon le rapport intitulé ’’Des salaires à en pleurer : atteintes aux droits des travailleurs liées aux activités de la Soguipah en Guinée ’’, des milliers d’employés et de petits exploitants sont victimes de salaires en dessous du minimum légal, d’un manque d’équipements de protection, et d’un encadrement jugé défaillant.
Des rémunérations en dessous du seuil légal
Les enquêtes d’Amnesty International révèlent que la grande majorité des travailleurs de la Soguipah sont payés bien en deçà du salaire minimum fixé à 550 000 francs guinéens par mois.
Sur 30 bulletins de paie examinés entre 2022 et 2025, 29 présentaient des montants inférieurs à ce seuil. En septembre 2025, le salaire le plus bas constaté était de 69 783 francs guinéens pour un mois complet de travail.
Ces faibles revenus placent de nombreux employés dans une situation de grande précarité. Plusieurs d’entre eux peinent à subvenir à leurs besoins essentiels, notamment en matière d’alimentation, de logement ou de soins de santé. Cette vulnérabilité, explique-t-on, est aggravée par l’isolement géographique de Diécké, où le coût de la vie reste élevé, surtout pendant la saison des pluies.
Conditions de travail et manque de protection
Outre les bas salaires, les travailleurs interrogés ont signalé un manque d’équipements de protection individuelle, alors même qu’ils sont régulièrement exposés à des produits chimiques potentiellement dangereux.
Amnesty souligne que la Soguipah, bien qu’informée des plaintes récurrentes de ses employés, n’a pas pris de mesures suffisantes pour y remédier.
L’organisation estime que l’entreprise n’a pas respecté son devoir de diligence et que les autorités guinéennes ont manqué à leur obligation de veiller au respect des droits humains dans une entreprise appartenant à l’État.
Des planteurs sous contrat défavorable
Le rapport évoque également la situation des planteurs affiliés à la Soguipah. Beaucoup affirment ne pas avoir accès à la convention qui régit leurs relations avec l’entreprise depuis les années 1990. Ils dénoncent l’obligation de vendre leur production exclusivement à la Soguipah, souvent à des prix inférieurs à ceux du marché.
Certains planteurs accusent en outre l’entreprise de continuer à déduire des frais pour des services techniques ou d’entretien qu’elle ne fournit plus. Des familles auraient également été privées de leurs terres sans compensation équitable, les contraignant à dépendre de monocultures peu rentables.
Des abus connus mais ignorés
Malgré les multiples alertes, y compris des manifestations organisées à Diécké et à Conakry depuis 2019, Amnesty déplore l’inaction des autorités.
Plusieurs syndicalistes et travailleurs affirment avoir été victimes de sanctions ou de menaces après avoir dénoncé publiquement leurs conditions de travail.
Amnesty International appelle le gouvernement guinéen à ouvrir sans délai une enquête indépendante sur ces violations présumées et à garantir le respect du Code du travail et des engagements internationaux du pays en matière de droits humains.
Le rapport met une nouvelle fois en lumière les difficultés persistantes du secteur agricole guinéen à concilier développement économique et respect des droits fondamentaux des travailleurs.
Alpha Binta Diallo pour www.guineeactuelle.com