‘’ féminicide’’ : quelle est la situation en guinée ?

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La semaine qui débute et celle passée a enregistré en France une vague d’indignation suite à la disparition de la centième victime de ‘’féminicide’’ morte sous les coups de son conjoint. Entre Grenelle et marche pacifique, les femmes et ceux qui les défendent sont vent debout pour changer la situation. Quelle est la situation en Guinée, ce pays qui compte 52% de femmes dans sa population ?

La France n’est pas la Guinée et Montreuil est très loin de N’Zöö. Certes. Mais ces deux pays sont naturellement peuplés de femmes et lorsque des problèmes identiques touchent les femmes de l’Hexagone ou tout autre pays, l’envie de faire le parallèle avec la Guinée est plus que grande. D’autant plus que la situation des femmes en Guinée reste alarmante.

D’ailleurs, le pays s’appelle femme en langue soussou et compte 52%  de femmes sur une population estimée à 11 millions et demi d’habitants. C’est dire combien leur place est importante dans le développement social et économique du pays. A part les coups et blessures et les coups fatals qu’elles reçoivent de leurs conjoints, la situation des guinéennes est largement différente de leurs sœurs françaises ou canadiennes.

De l’absence de statistiques et de la faiblesse des pouvoirs publics

En France, les chiffres parlent d’eux-mêmes , 101 femmes mortes sous les coups de leurs conjoints depuis janvier  2019, 45000 témoignages de victimes en 2018 et 900 cas de violences conjugales enregistrés depuis le début de l’année grâce au 39 19, le numéro vert mis en place par les autorités.

En Guinée, il existe bien des statistiques sur toutes les formes de violences faites aux femmes sauf les cas de morts. Appelées VBG (Violences Basées sur le Genre), ces violences sont répertoriées grâce aux ONG et associations humanitaires qui viennent en aide aux femmes dans la prise en charge psycho-sociale. Démunies, la plupart de ces ONG survivent grâce aux appuis techniques et financiers qu’elles reçoivent d’organismes internationaux ou onusiens. L’Etat se contente de faire participer ses cadres aux innombrables ateliers et séminaires organisés ici et là.

A ce jour, seul un rapport du Ministère de l’Action Sociale de la Promotion Féminine et de l’Enfance réalisé avec l’appui du PNUD, de l’OMS, de l’UNFPA et de l’UNICEF, étudie en détail les VBG. Cette étude publiée en 2013 est devenue anachronique dans la mesure où l’enquête de base a été réalisée en 2019 soit plus de dix ans après.

En attendant que les ‘’gentils’’ partenaires  du pays ne financent de nouvelles enquêtes sur les VBG, un regard sur les chiffres de 2009 fait froid dans le dos. Selon ce rapport, 92% des guinéennes dont l’âge varie entre 15 et 64 ans ont subi des violences multiples formes dans toutes les entités socio-culturelles du pays.

-Viol : 46%

-Agression sexuelle : 9%

-Agression physique : 19%

-Mariage forcé : 4%

-Déni de ressources et d’opportunités : 18%

– Violence physique et émotionnelle : 4%

Mais le hic est que  dans cette enquête, le tableau qui répertorie les VBG, la ligne consacrée aux cas de ‘’féminicide’’ reste vide. 0 cas. Est-ce par manque des données ou de non prises en compte de cette section de l’enquête ?

Aux initiateurs de répondre ! Pourtant, des femmes décédées sous les coups de leurs conjoints existent à foison. En voici quelques exemples sur 10.000

-Samedi 03 juin 2017 à Forécariah, Aboubacar Mara, père de 5 enfants et âgé d’une soixantaine d’années, a éliminé sa propre femme et son frère.

-Tomin Doré, un homme d’une cinquantaine d’années a tué son épouse Mamy Yomalo dans la nuit du mardi au mercredi, 1er août 2018 à Didita, un district relevant de la sous-préfecture de Lainé dans la préfecture de Lola. Il a surpris la femme en flagrant délit d’adultère et l’a battue à mort.

-En février 2019, le brigadier-chef Mohamed Bangoura  a tué son épouse à coup de pilon.

-Mais le comble qui a choqué tout le monde a été ce crime sordide perpétré par Mory Nabé contre Fatoumata Tounkara le jour de la fête de Ramadan 2019. Apres avoir ligoté et violemment frappé son épouse, Mory constate que celle-ci ne bouge plus. Il lui enferme simplement et met le climatiseur en marche sachant ce qu’adviendra par la suite.

Ces crimes sur des milliers de cas sont devenus récurrents en Guinée depuis quelques années. En plus de la faible application des principes de lois en la matière, il existe un autre facteur, humain celui-ci, les pesanteurs socio-culturels.

-Le poids des pesanteurs socio-culturelles

La Guinée, comme beaucoup de pays africains se trouve à la croisée des chemins. Entre traditions séculaires, religions et modernité, les différentes sociétés tentent tant bien que mal de s’y adapter mais les us et coutumes ont la vie dure.

En effet, le mariage occupe une place très importante dans la vie des communautés.  Loin devant le baptême, la circoncision ou l’excision et les offrandes aux anciens. Cette position confère au mariage un poids écrasant que la femme supporte à 80%.

Des travaux managers et champêtres à l’éducation des enfants, en passant par l’attention aux beaux-parents, la femme est au centre de tout. C’est le socle de la famille guinéenne.

Qu’elle soit donnée en mariage par la force ou par son consentement, ses parents attendent d’elle une exemplarité sans faille. ‘’Ne nous humilie pas’’ dit-on. Quitte à subir en silence les coups d’un mari violent et sadique. ‘’Accepte et élève tes enfants qui te payeront le prix de ta souffrance’’ lui dit son entourage alors qu’elle a le bras cassé et le visage en sang. Celles qui préfèrent leur vie, plient bagages et rentrent en famille. Là aussi, le regard de la société est plein de mépris et d’interrogations. Les nouveaux candidats posent milles et une question avant  de s’engager.

La violence conjugale est comme une norme dans nos us et coutumes. Un mari peut frapper  une épouse avec qui il a 5 enfants pour une simple question de libido. Les imams enfoncent le clou les vendredis.

Les femmes souffrent donc en silence et n’osent parler à qui ce soit. Et lorsque ça éclate, les recours judiciaires sont écartés au profit de l’entente entre familles. La médiation est entamée avec des formule du genre : «vous savez, l’arrière-grand-père de madame est le neveu du cousin de la tante de monsieur. Donc nous sommes une famille.» ou encore «Nous venons tous du même village» Fin de la réunion. L’épouse soumise continue à encaisser les coups jusqu’à ceux fatals.

Donc il y’a bien du ‘’féminicide’’ en Guinée. Moins connu et pas tout combattu s’il n’est encouragé d’ailleurs.

L’Etat français débloque annuellement 70 millions d’euros pour venir en aide aux femmes qui souffre de ce fléau. C’est largement insuffisant disent les féministes de la Gaulle.

Quid de l’Etat guinéen ? Il est occupé à réparer les bulldozers qui ont cassé Kaporo-rails pour les diriger à nouveau vers Sangoyah.

Alpha Oumar DIALLO

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