Exploitation minière: le village de kotobolia abandonné à lui-même

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Le village de Kotobolia, sous-préfecture de Malapouya dans la préfecture de Boké, abritant l’un des sites d’exploitation minière, est de nos jours dépossédé de toute sa richesse sans  véritablement bénéficier des avantages.

Une fois dans la zone, le visiteur voit de loin une carrière qui était censée être reboisée après l’exploitation. Et les traces de cette exploitation est visible avec à la clef la destruction de l’environnement.

« Là où nous sommes, c’est un plateau bauxitique. Il appartient à  Alliance-Mining, Responsable AMR et elle a donné l’exploitation à Top-Mining. Et Top-Mining aussi a un contrat avec la SMB depuis 2017. Ils sont sur ce terrain-là entrain d’exploiter. Mais aujourd’hui, ils ont fini cette partie, mais maintenant ils sont devant aussi dans la zone de Kawil et Tango», a expliqué sous l’anonymat un citoyen de la localité qui nous a servi de guide.

Mine non réhabilitée, photo, guineeactuelle.com

Sur la colline qui mène vers le village de Kotobolia, non loin de l’ancienne carrière, les bulldozers sont toujours en action. De ce côté aussi, le décapage des terres, la disparition de la forêt ne sont plus à imaginer, mais à vivre.  En cette saison pluvieuse, les habitants cohabitent quotidiennement avec la boue.

«Depuis que les sociétés ont commencé à travailler ici, nous, on a vu beaucoup de conséquences. D’abord, depuis qu’ils sont venus, on a perdu nos moutons. Le concasseur, quand il commence à travailler, on dirait que c’est l’avion qui atterrit. Nous souffrons énormément. Une fois ici, ils ont fait l’explosion. Il y a même une femme qui a piqué une crise ici », a dénoncé Salifou Camara, habitant du village Kotobolia.

Le village de Kotobolia, dont la population est estimée à près de 300 habitants, est percé entre trois carrières minières en exploitation. Sur les lieux, nos reporters ont été accueillis par le ronronnement des  machines peleuses et la bauxite rouge.

« Ici, on en parle même pas. Nous ne dormons pas. Le bruit des machines ont fini par nous tympaniser. Pendant la saison sèche, c’est la poussière qui nous embête, et actuellement, c’est la boue. Nos maisons sont toutes fissurées par le dynamitage qui se fait dans les mines. Nous sommes fatigués de voir ça et d’entendre ces bruits » a confié Baba Gallé Touré, chef secteur de Kotobolia.

Au-delà de ces bruits, ces habitants subissent d’autres impacts. Ils se plaignent également des dégâts que cette exploitation leur cause au quotidien.

« Nos animaux domestiques, nos habitations et mêmes nos terres cultivables ne sont pas épargnés » fulmine à côté un autre citoyen.

Approchée par notre équipe, une femme, la trentaine révolue, a évoqué les difficultés que les femmes de ce village éprouvent avec cette exploitation minières dans leur localité.

« Nous n’avons pas d’eau, ni courant ici. Tous nos marigots sont taris à cause de l’exploitation minière. L’eau qu’on trouve là-bas, tout est rouge, et on ne peut plus l’utiliser », a fustigé Mariama Dalanda Sow.

Point de vue d’un juriste

Joint par notre rédaction, monsieur Ibrahima Chérif, juriste environnementaliste, nous a expliqué que les entreprises minières sont tenues de réhabiliter les sites sur lesquels, elles ont procédé à l’exploitation minière.

«Ecoutez, en vertu de l’article 144 du Code minier de 2011 amendé dans certaines de ces dispositions en 2013, tout titulaire d’un Titre d’exploitation minière est tenu, autant que possible, de remettre son ancien site dans une situation de viabilité active. C’est-à-dire que les anciens sites d’exploitation doivent retrouver des conditions stables de sécurité, de productivité agricole et sylvicole, et d’aspect visuel proches de leur état d’origine, de façon durable et d’une manière jugée adéquate et acceptable par ceux qui sont censés administrés nos mines, en l’occurrence les services du ministères des mines et de l’environnement » précise ce spécialiste en environnement.

Plus loin, M. Chérif ajoute que c’est en procédant à cette réhabilitation que les sociétés minières bénéficieront de la part de l’Etat d’un quitus délivré par lui, dont elles peuvent se prévaloir comme étant une entreprise minière verte, respectueuse des normes environnementales.

En ce concerne les nuisances sonores, cet auditeur en droit minier indique que celles-ci constituent une violation des dispositions du code de l’environnement guinéen.

«En plus du code minier guinéen, les sociétés minières sont aussi tenues de respecter scrupuleusement les dispositions de plusieurs autres textes législatif et réglementaire au sommet desquels on peut citer le Code guinéen de l’environnement adopté en Juillet 2019. Relativement à ce dernier, les cas de nuisance sonore et le refus de réhabilitation des sites miniers dont l’exploitation est déclarée terminée sont respectivement prévus et réprimés à l’aune des articles 134, 176, 179, 202, … », indique-t-il.

«Si l’Etat guinéen a failli à ces obligations de contrôle et sanctions des sociétés minières, les populations quant à elles peuvent saisir les associations de protection et de préservation de l’environnement, compétentes en la matière selon le Code de l’environnement, pour engager des poursuites pénales assorties de sanctions civiles contre lesdites sociétés minières », conclut-il.

Aliou Diallo

 

 

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