Droits de l’homme en guinée : les voyants au rouge

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A mnesty international a présenté, mercredi  13 novembre 2019, à Conakry un rapport sur la situation des droits de l’Homme en Guinée, à l’occasion de l’examen périodique universel de l’ONU.

Ce rapport de 28 intitulé : Guinée, les voyants au rouge à l’approche de l’élection présidentielle de 2020 traite de trois thématiques principalement : le précédent examen et ses suites, cadre national de protection des droits humains, la situation actuelle en matière de droits humains sur le terrain et des recommandations.

« Neuf manifestants ont été tués le mois dernier lors des manifestations contre une éventuelle révision de la Constitution. Les leaders des mouvements pro-démocratie et de nombreux manifestants ont été arrêtés. C’est un affront pour les droits humains et une tentative violente visant à museler la dissidence », a déclaré Marie-Evelyne Petrus Barry, directrice pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale à Amnesty International.

Pour elle, les autorités guinéennes doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour apaiser les tensions, protéger les droits humains et sauver des vies avant, pendant et après les prochaines élections. Elle demande au gouvernement de mettre fin au règne de la peur et de la répression en modifiant la législation relative à l’usage de la force lors de rassemblements publics et en retirant les forces armées militaires des zones de manifestation.

Régime répressif

« Les forces de sécurité ont tué de nombreux manifestants, dont un enfant de sept ans. Amnesty International a constaté que 70 manifestants et passants ont été tués dans le cadre de manifestations entre janvier 2015 et octobre 2019. Si l’organisation n’a pas pu confirmer les circonstances de tous les décès, les témoignages du personnel médical et de témoins ainsi que le type de munitions utilisées indiquent qu’au moins 59 des victimes semblent avoir été tuées par la police et la gendarmerie. Deux membres des forces de sécurité ont été tués lors des manifestations pendant la même période. Parmi les victimes, un enfant de sept ans qui, selon des sources médicales, a été touché par une balle perdue en octobre 2015 ».

En outre, Amnesty International déplore l’homicide d’Amadou Boukariou Baldé, un étudiant battu à mort par des gendarmes déployés pour disperser une manifestation à l’Université de Labé, le 31 mai 20a19. Le 7 novembre 2018, Mamadou Bella Baldé et Mamadou Alimou Bah ont été abattus à Wanindara par des hommes vêtus d’uniforme militaire. Le 9 octobre 2015, Koromo Condé, un enfant de sept ans, a été mortellement blessé d’une balle perdue dans la poitrine lors des manifestations à Wanindara en lien avec l’élection présidentielle.

Ce rapport révèle aussi que des centaines de personnes, dont des enfants de seulement quatre ans, ont été blessées par les forces de sécurité qui ont fait usage de balles réelles, de matraques et de gaz lacrymogènes. L’une des victimes est Mamadou Hady Barry, 10 ans, touché dans le dos par une balle alors qu’il rentrait chez lui depuis l’école coranique à Conakry, le 13 novembre 2018. Le rapport indique que les familles de personnes tuées ont déposé des dizaines de plaintes, parfois en fournissant des informations précises sur les unités des forces de sécurité déployées, notamment des noms et des plaques d’immatriculation. Pourtant, un seul cas a donné lieu à des poursuites judiciaires. En février 2019, un capitaine de police a été condamné pour l’homicide en 2016 d’un passant lors de manifestations, et ce pour la première fois depuis qu’un membre des forces de sécurité avait été déféré à la justice en 2010.

Répression contre les défenseurs des droits humains

Amnesty international indique qu’au moins 60 membres du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), ont été arrêtés depuis le 12 octobre 2019. Un tribunal a condamné cinq de leurs dirigeants à des peines allant jusqu’à un an de prison pour avoir appelé à manifester pacifiquement. Des dizaines de participants ont été condamnés à un an de prison pour avoir assisté à un « rassemblement illégal ». Même que Boubacar Algassimou Diallo, présentateur radio à Lynx FM, et Souleymane Diallo, administrateur général, ont été convoqués par la police les 19 et 20 août derniers, après avoir diffusé l’interview d’une femme qui accusait le ministre de la Défense de détournement des fonds destinés aux Casques bleus guinéens.

Au moins 20 journalistes ont été convoqués, arrêtés et ont été traduits en justice depuis 2015. Le 26 mars 2019, Lansana Camara, administrateur général du site d’information conakrylive.info et correspondant de l’agence de presse officielle chinoise Xinhua, a été arrêté après avoir publié un article accusant des membres du gouvernement de corruption.

En février 2017, une journaliste à la Radio Lynx FM, Mariam Kouyaté, a été interpellée par des agents de sécurité alors qu’elle enquêtait à Conakry sur les services de santé de l’hôpital Ignace Deen.

Le 22 juin 2016, le tribunal de Kankan a condamné le journaliste Malick Bouya Kébé à une amende d’un million de francs guinéens (environ 100 euros) pour complicité d’outrage au chef de l’État, car il n’avait pas interrompu une personne qui critiquait le président pendant une émission de radio où l’antenne était ouverte aux auditeurs. Son invité, également journaliste, a été condamné par contumace à un an de prison et à une amende de 1,5 million de francs guinéens (environ 150 euros) pour ‘’outrage au président’’. Les deux hommes ont été jugés sans avocat.

Plusieurs journalistes ont été agressés par des membres des forces de sécurité. En mai 2017, Aboubacar Camara, un journaliste de Gangan TV, a été frappé par des gendarmes alors qu’il filmait une altercation au sujet d’un conflit foncier dans la banlieue de Conakry durant laquelle les forces de sécurité lui semblaient faire usage d’une force excessive. En juin 2016, le journaliste Malick Diallo couvrait une réunion du parti au pouvoir à laquelle participait le président Alpha Condé, à Conakry, quand un membre de la garde présidentielle lui a demandé de lui remettre son appareil photo. Il a refusé et a alors été poussé dans une voiture et emmené au siège de la garde présidentielle, où il a été battu et menacé. En mai 2015, un groupe de policiers a agressé les trois journalistes Cellou Binani Diallo, Ibrahima Sory Diallo et Youssouf Bah, qui filmaient une manifestation.

Des conditions carcérales déplorables : Amnesty International a constaté une surpopulation carcérale généralisée dans les établissements pénitentiaires guinéens. À la prison centrale de Conakry, dont la capacité est de d’accueillir 500 prisonniers, 1 468 personnes y sont détenues. Au moins 109 personnes sont mortes en détention pendant la période que couvre le rapport, dit Amnesty International.

Décryptage Hafia Diallo

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