Covid19/guinée : conséquence d’une gestion absurde du pouvoir condé

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Sur plus de 4000 personnes testées, 761 cas ont été déclarés positifs au Covid-19, 591 hospitalisés, 6 décès, et environ 164 guérisons, en voici l’état du Covid19 en Guinée, à la date du 22 avril 2020, selon l’agence nationale de la sécurité sanitaire (ANSS).

Derrière cette montée vertigineuse de cas confirmés du Coronavirus en Guinée se cache une foultitude d’éléments avec en toile de fond, une gouvernance centralisée qui s’absurdise de jour en jour et rime avec des intérêts politiciens plutôt qu’avec les responsabilités seyant à la gestion de la chose publique.

‘’La Guinée n’a rien appris de son agression par le virus Ebola’’

Entre fin 2013 et 2015, le système sanitaire a été fortement éprouvé par l’épidémie à virus Ebola. Ce sont environ 4000 guinéens qui ont trouvé la mort lors du macabre séjour de cette maladie endémique, parmi lesquels on pouvait dénombrer moult individus appartenant au corps médical, selon les données officielles. Pis, ce ne fut pas seulement la résilience du système sanitaire guinéen qui a été soumis à rude épreuve, car, l’on avait pu comptabiliser près de 11 000 âmes passées au trépas entre la RDC, la Sierra Léone, le Libéria et la Guinée. Depuis là, l’Afrique stagne au même niveau.

Parallèlement à cette funeste et ardue expérience, la République de Guinée, en novembre 2014, va se doter d’une nouvelle politique nationale de santé (PNS), assortie d’une politique nationale de développement sanitaire (PNDS) en mars 2015 ; conséquence d’une prise de conscience politique des pouvoirs publics.

« Les gens parlent Ebola ! Ebola ! Nous ferons d’Ebola une opportunité pour la Guinée. » avait lancé le Chef de l’Etat guinée en 2014.

Ainsi, conformément à ‘’la Déclaration des Chefs d’Etat de l’Union Africaine à Abuja relative à l’allocation au secteur de la santé à hauteur de 15% au moins du budget de l’Etat’’, le secteur sanitaire guinéen, de 2013 à 2019, va se voir gratifier d’un budget passant de 2,8% à 8% du budget national.

Bien que cette revalorisation budgétaire soit loin des obligations conventionnelles de l’Etat guinéen, celle-ci reste fondamentalement salutaire par rapport à la situation antérieure du même secteur. Laquelle flirtait autour de 2% entre 2010 à 2013.

Dressé ainsi, il parait facile de conclure que la Guinée a fait de l’épidémie à virus Ebola, une réelle opportunité.

Cependant, cinq ans après le passage funeste de l’Ebola en Guinée, la gestion calamiteuse de la Présidence de la République et de l’Agence Nationale de la Sécurité Sanitaire (ANSS) nous montre que les dirigeants guinéens font preuve de gouvernance à vue, du moins ils se révèlent être de véritables adeptes du dicton : ‘’faire un pan en avant, et deux en arrière’’.

Comment expliquer cette absurdité dans la gestion de la crise sanitaire due au Covid-19 en Guinée ?

La pandémie due au coronavirus (Covid-19) apparait officiellement dans le monde en fin novembre 2019, en Chine, dans la province de Wuhan. Quatre mois plus tard, précisément le 12 mars 2020, elle fit ses premières apparitions sur le territoire guinéen après avoir semé la terreur et la désolation dans tous les Etats développés.

En Guinée, le patient zéro fut une expatriée belge, fonctionnaire de l’Union Européenne. Les cinq (5) cas qui ont suivi ont été, soit des expatriés, soit des guinéens qui revenaient de l’étranger.

En conséquence, l’Etat guinéen a entrepris une série de mesures visant à empêcher la propagation de la pandémie sur son territoire dont :

  • Le suivi automatique des voyageurs en provenance des pays à haut risque dès le 13 mars 2020 ;
  • L’interdiction des rassemblements à plus de 100 puis 20 personnes.
  • Cependant, l’essentiel des mesures importantes n’a été prise qu’au lendemain du double scrutin contesté du 22 mars dernier. Parmi celles-ci, on peut noter :
  • L’instauration de l’Etat d’urgence sanitaire accompagnée de la fermeture des frontières depuis le 23 mars 2020 (soit vingt-quatre heure après les élections) ;
  • L’institution d’un couvre-feu de 21h à 5h ;
  • L’interdiction de mouvements des personnes de Conakry vers l’intérieur ;
  • Le port obligatoire des masques, depuis le samedi 18 avril 2020.

Outre ces mesures d’ordre préventif, le gouvernement guinéen, à l’instar de ses pairs à travers le monde, a rendu public, 6 avril 2020, son Plan de riposte économique contre la crise sanitaire. Comportant un pan sanitaire, social, économique et financier, ce plan, selon le premier ministre, dispose d’une enveloppe financière estimée à un peu plus de 3000 milliards GNF, visant à renforcer le dispositif opérationnel de l’ANSS, d’une manière générale le système de santé, et de contenir les conséquences socioéconomiques de la pandémie en Guinée.

Sauf que dans les faits, les limites de ce plan sont manifestement plus visibles que les mesures envisagées.

Mesures de riposte contre le Covid-19 en Guinée : et si c’était de la poudre aux yeux

« Un exécutif partagé entre enjeux politiques et responsabilité »

C’est un secret de polichinelle. Entre novembre 2019 au 22 mars 2020, la mouvance présidentielle au pouvoir en Guinée était davantage préoccupée par l’adoption d’une nouvelle constitution. Celle-ci aurait pour finalité de donner au Président Condé, le permis de candidater à sa propre succession.

Ce défi était cependant menacé par un impératif de temps. Lequel dépendait essentiellement du protocole additionnel de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance, auquel la Guinée est partie.

« Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques …» article 2 al1 dudit protocole additionnel.

L’autre enjeu consistait au renouvellement de la représentation nationale, avec en filigrane, la liquidation politique des principaux partis d’opposition réunis au sein du FNDC (plateforme anti nouvelle constitution en Guinée, ndlr). La récente session inaugurale de la contestée assemblée nationale reste symptomatique de ce phénomène.

Ce fait a été notamment dénoncé par des acteurs politiques, dont Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré.

« Tous les gouvernants du monde sont mobilisés dans une union sacrée avec leur peuple contre le #coronavirus. Déçu par l’échec de son double scrutin du 22 mars, Alpha Condé continue, lui, d’arrêter et de séquestrer ceux qu’il tient pour responsable de cet échec » a déclaré Cellou Dalein Diallo sur son compte Twitter, en prélude aux résultats provisoires du double scrutin du 22 mars 2020.

« #StopCovid19 : Alpha « la façon dont nous gérons n’est pas bonne ». Nous sommes dans le monde réel, la dénonciation ne suffira pas, « le mentholatum et l’eau chaude » non plus. Commençons par éviter les rassemblements de plus de 20 personnes comme celle prévue le mardi prochain » a-t-il interpellé le Chef de l’Etat en prélude à la session inaugurale de la nouvelle assemblée nationale de Guinée.

Dès lors il était clair qu’entre les objectifs politiques du pouvoir Condé et ses responsabilités constitutionnelles relatives à la sécurité sanitaire, les priorités étaient, on ne peut plus claires. Or la constitution de 2010, en cours jusqu’au  6 avril dernier (date de promulgation de la nouvelle Constitution, ndlr), attribuait à l’Etat la responsabilité de ‘’ lutter contre les épidémies’’.

« Chacun a droit à la santé et au bien-être physique. L’Etat a le devoir de les promouvoir, de lutter contre les épidémies et les fléaux sociaux » article 15, Constitution de 2010, fondement de la politique sanitaire en vigueur dans le pays.

‘’ Une gouvernance à vue,  des défis à relever ’’

La pandémie du Covid19 a suffisamment démontré son caractère redoutable. Elle a mis à sac l’économie mondiale, enseveli l’effort séculaire des nations les plus développées, semé la mort et la terreur sur tous les continents, remis en question notre modèle social.

Dans un autre registre, les gouvernements africains au lieu de plaider pour une annulation de leurs dettes pour en demander de nouvelles, devraient plutôt, dans leurs plans de riposte contre la pandémie, procéder à un changement peu ou prou radical des paradigmes nationaux et africains de développement. Cela dans la perspective de démentir les hypothèses concoctées par les Etats occidentaux. Lesquelles hypothèses démontrent que l’Afrique, continent vulnérable, comptabiliserait des milliers voire des millions de morts dus à la déliquescence des régimes en place.

« On nous annonce de très prochaines et terribles catastrophes, d’effrayantes famines post Covid-19. La faiblesse de ces scénarii est de rester dans le même schéma et le même modèle économique, social et psychologique d’aujourd’hui pour prédire ce qui nous arrivera demain. Mais si l’on changeait de paradigmes ? La sécurité alimentaire ?… » a alerté l’intellectuel guinéen, Bailo Teliwel Diallo.

De l’avis de plusieurs économistes, les effets du coronavirus vont durablement influer sur les économies des pays avec pour conséquence, la redéfinition des rôles au niveau mondial.

Ceci montre que le gouvernement Kassory a fait montre d’une terrible erreur d’appréciation dans l’orientation qu’il a donnée à son plan de riposte économique contre le coronavirus. Dont la quintessence repose sur l’aide internationale enchevêtrée à la problématique de l’annulation des dettes contractées au nom du peuple, la révision des prévisions fiscales notamment sur certains secteurs jugés vulnérables, la prise en charge du transport public qui n’existe quasiment pas, la prise en charge des factures issues des consommations du courant et de l’eau des quelques ménages abonnés à ses services. Mais à y regarder de plus près, il aurait été plus pertinent de concentrer l’essentiel des efforts à la mise en application du principe de la solidarité nationale et de promouvoir un axe de développement plus endogène.

Ce qui implique qu’outre les observations et propositions appartenant déjà au domaine public, que le plan du gouvernement devra intégrer ses quelques suggestions :

  • Suspendre la taxe sur le carburant avec la perspective de procéder à une réduction drastique du prix de celui-ci à la pompe, aux alentours de 5000 GNF, tel qu’attesté par l’essentiel des économistes du pays. Toute chose qui pourrait soulager l’ensemble des ménages, sans exclusif, et permettre à ceux-ci d’épargner davantage ;
  • La délocalisation du centre de traitement épidémiologique de Donka (situé à près de 5min de Kaloum, seul centre administratifs et des affaires en Guinée, ndlr) vers les deux principales sorties de Conakry, Dubreka et Coyah, pour être très précis ;
  • Réviser le protocole de prise en charge des cas confirmés du Covid19 et celui de suivi des cas contacts, cela relativement aux normes de l’OMC ;
  • Réviser la logistique seyant à la lutte contre le Covid19 conformément aux nombreuses critiques déjà formulées dans l’opinion et réquisitionner les véhicules des fonctionnaires et agents publics non opérationnels en cette période de crise ;
  • Procéder à des coupures budgétaires dans l’ensemble des départements ministériels, institutions républicaines, en priorité la Primature et la Présidence de la république ;
  • Rediriger ces fonds vers l’ANSS et faire réviser le statut de celle-ci. En tant qu’organe de crise, l’ANSS doit être placée sous la tutelle directe de la Présidence de la république et du conseil scientifique national dont la mission sera de superviser les actions de l’ANSS et de lui soumettre des suggestions stratégiques ;
  • Eviter la rétention de l’information au sein de l’ANSS et appliquer une nette transparence dans le cadre du traitement et de la diffusion de celle-ci;
  • Accroitre la capacité de test au niveau national ;
  • Rendre disponible et à un prix relativement nul les masques et les kits recommandées pour la lutte ;
  • Permettre à l’ANIES (agence nationale d’inclusion économique et sociale ndlr) de démontrer l’efficacité de ses potentialités dans le processus de la distribution des moyens de subsistance en cette période de crise grave ;
  • Permettre aux collectivités locales de mieux s’impliquer dans la lutte à travers la réorientation des fonds disponibles au sein de l’ANAFIC (agence nationale de financement des collectivités, ndlr) ;
  • Promouvoir l’inclusion sociale, l’inclusion des compétences et les initiatives locales et africaines dans le cadre de la lutte coronavirus.

Au sortir de la crise, le gouvernement devra réviser l’orientation stratégique de son Plan national de développement économique et social (PNDES) en cours dans le pays :

  • Privilégier un développement plutôt endogène avec l’objectif de ne plus se contenter de la simple production des matières premières ;
  • Créer des centres de recherche géostratégique visant à prévenir toute sorte de perturbation et de menace contre la stabilité et le développement du pays ;
  • Promouvoir les initiatives locales et africaines à travers la création d’un fonds national d’appui à celles-ci ;
  • Rendre efficiente la coopération sud sud notamment dans le cadre de la recherche;
  • La lutte sans merci contre la corruption, le détournement à travers le renforcement de l’Etat de droit et de la bonne gouvernance, entre autres.

CHERINGAN

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