Boke. la préservation de l’etat de droit et le droit au développement des populations locales

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Les récentes émeutes dans la Région de Boké sont symptomatiques de l’absolue nécessité pour les autorités nationales de maintenir un équilibre permanent entre les expressions élémentaires d’un Etat de droit, soit le maintien de l’ordre public, l’interdiction de la dégradation des biens publics et privés, d’une part, et le droit au développement des populations locales, d’autre part.

Il faut d’emblée préciser que l’Etat de droit ne devrait, en règle, souffrir d’aucune exception de manière à lui opposer le droit au développement des populations locales comme condition essentielle de son effectivité. C’est dire que le droit des populations de Boké de bénéficier des retombées de l’exploitation minière de leurs localités est lui-même consacré dans des textes de principe qui participent à l’Etat de droit.

D’ailleurs, les défaillances des autorités guinéennes à imposer l’ordre républicain en tout lieu et à tout moment, notamment dans le cas d’espèces des troubles sociaux à Boké, ayant conduit à des dégradations de biens (incendie du siège du RPG) et à la mort par balle d’une personne, s’expliquent davantage par la faiblesse de l’autorité d’exister réellement. Les mesures de police administrative ont plus tendance à préserver la tranquillité du régime qu’à assurer une pleine et entière application des lois de la République. Le recours excessif à des modes de règlement communautaire des conflits plutôt qu’à l’application ferme des lois et décisions de justice et le traitement parfois inéquitable des enjeux sociaux par l’autorité participent à impunité et menacent la paix sociale.

Peut-on pour autant expliquer la récurrence des troubles sociaux à Boké par le seul constat de la faiblesse criarde de l’Etat de droit en Guinée ? Ce serait prendre un malheureux raccourci que de croire qu’un Etat organisé et ferme quant au maintien de l’ordre public eut suffi à ramener la paix à Boké. En effet, des revendications des jeunes manifestants de la zone minière de Boké, on peut relever, entre autres, l’extrême pauvreté, le manque d’électricité et d’eau, l’absence de perspectives pour une certaine jeunesse qui s’estime abandonnée alors que ses ressources sont largement exploitées par des sociétés étrangères qui ne se soucient que très peu du sort des populations locales.

Le droit au développement, c’est aussi le droit des populations locales d’être acteurs du développement, de participer à l’amélioration de leurs conditions de vie en s’impliquant activement dans le processus. Cela se traduit par la formation à des métiers qualifiant pour de meilleurs emplois, c’est aussi le droit de bénéficier d’infrastructures dignes de ce nom et à même de contribuer à améliorer la vie de la communauté et dans la communauté.

Faute de pouvoir opposer le droit au développement local, qui s’apparente, du reste, à un droit programmatique, à l’effectivité de l’Etat de droit, il y a lieu, à tout le moins, de prendre en compte la légitime revendication des populations de Boké d’être mieux impliquées dans le processus de développement dans le cadre de l’exploitation minière.

Il revient dès lors à l’autorité de veiller à ce que l’exploitation des ressources naturelles soit faite dans l’intérêt et le bien-être des populations locales. Cela se traduit par des mesures structurelles adaptées aux spécificités locales sans pour autant briser le sacrosaint principe d’égalité entre les citoyens.

Le droit au développement, dans sa dimension tant collective qu’individuelle, n’est pas illimité. C’est dire que si l’autorité a le droit d’opérer des actions positives en faveurs des ressortissants des localités minières concernées, de ma manière à corriger les inégalités, elle ne peut, au risque de discriminer, instaurer une différence de traitement permanente entre les individus et qui ne serait pas fondée sur des motifs légitimes, raisonnables et admissibles.

Titi Sidibé

 

 

 

 

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