Accès aux crédits pour les pme en guinée : une bataille sans fin

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Les demandes de prêts des PME guinéennes  auprès des banques sont  pour la plupart sans suite. Nombre d’entrepreneurs accusent les banques de ne pas favoriser le développement dans  ce pays qui en a fortement besoin, en facilitant l’accès au crédit pour les PME. Ce refus est-il justifié ? Quels sont les arguments des banques ? Eléments de réponse !

Entreprendre en Guinée relève d’un véritable casse-tête si le porteur du projet n’a pas de fonds de départ. Tant les banques refusent d’accorder du crédit aux débutants, et même à certains qui sont déjà en activité.

Les banques, elles, justifient cela par le manque de sérieux des demandeurs dans la gestion de leurs entreprises. Ou que les débutants ne maîtrisent pas tous les risques de leurs domaines d’activité.

Interpellés sur ce sujet, des banquiers évoquent une question de principe et d’organisation pour justifier cet état de fait.

« La croissance économique fièrement brandie par les autorités, les PME restent en marge de cette croissance. Le refus d’accorder des prêts s’explique par le caractère informel des PME. Les PME ne disposent pas de ressources à proposer en garantie pour acquérir un prêt, les actifs de ces PME sont souvent des patrimoines familiaux, ne disposent pas de comptabilité, pas d’état financier permettant de vérifier la santé financière des PME. Les banques collectent l’épargne de ses clients pour financer les activités de ces PME, donc les banques mesurent les risques. Sinon les banques disposent assez de fonds et cherchent des PME à financer. D’ailleurs, le taux d’intérêt des banques tournent autour de 3% sur les comptes épargnes, ce taux a été fixé pour décourager l’épargne et encourager l’investissement », a expliqué Boubacar Bocoum, Gestionnaire de relations clients à Eco-Bank-Guinée.

Rappelant que la banque a pour rôle la collecte de l’épargne, le service de caisse et la distribution du crédit, M. Bocoum, a indiqué cependant que si la banque vit des intérêts, elle prête tout de même à condition que le preneur soit en mesure de rembourser.

« Et si la PME évolue dans l’informel, ne dispose pas de comptabilité, certaines se confondent même à la personne qui la gère, la banque n’accordera pas le prêt », ajoute-t-il.

De l’avis d’un autre banquier de la place, qui abonde dans le même sens, il y a trois catégories de PME en Guinée : les start-up, les PME non formalisées et celles qui sont en sous-traitance de grandes sociétés de la place. Ainsi, pour les deux premiers types, ce banquier reste formel : la Banque ne peut pas les accorder de crédits.

 « Si tu n’as pas trois ans d’expérience dans ton activité, tu ne maitrise pas suffisamment les risques liés à cette activité, donc tu peux tomber à tout moment. C’est difficile pour la banque de t’accompagner », explique-t-il, en parlant des start-up qui viennent de naitre.

En ce qui concerne les PME non formalisées, ce banquier a laissé entendre que celles-ci ne disposeraient pas  d’une comptabilité identifiable.

« La Banque a du mal à lire l’évolution de ses activités parce qu’elle n’a aucun élément en terme d’information financière pour s’assurer que cette information dont il parle existe pour se baser dessus afin de se faire rembourser. Il faut une source de revenu identifiée et fiable pour pouvoir rembourser les crédits de la banque » assure-t-il.

Enfin, la troisième catégorie, les PME qui travaillent comme sous-traitants de grandes entreprises de la place. Celles-ci ont plus de chance d’obtenir des crédits avec les banques, parce qu’il y a, dit-il, une garantie de remboursement.

« Ces PME ont des bons de commande ou des contrats. S’ils ont des contrats, les banques préfinancent leurs activités. Elles viennent prendre de l’argent à la banque, une fois l’entreprise paye, la banque se rembourse et le client prend sa marge », rappelle notre interlocuteur qui persiste et signe que toutes les banques financent les PME qui sont formalisées, et qui ont la possibilité de signer des contrats avec les multinationales.

Solutions

Il y en a deux : une  qui incombe aux PME, elles-mêmes. La seconde revient  à l’Etat, selon notre interlocuteur, qui pense que le gros problème est de savoir comment formaliser les PME,

En Guinée, c’est pourtant possible de se formaliser en un temps record. Car, avec la création de l’Agence de Promotion des Investissements Privés (APIP), n’importe quelle entreprise peut se procurer d’un registre de commerce. S’agissant de la tenue d’une comptabilité, c’est une cuisine interne qui ne demande pas beaucoup d’investissements supplémentaires même si certains entrepreneurs disent redouter les impôts et les taxes pour justifier leur choix dans l’informel.

Ce n’est pas un argument solide, réplique Boubacar Bocoum, Gestionnaire de relations clients à Eco-Bank-Guinée,  qui pense qu’une entreprise sérieuse qui travaille bien n’aura pas peur de payer des impôts et taxes.

« Elles ne vont pas mettre de l’argent sans s’assurer que les activités marchent.  Dans les autres pays, l’Etat a mis en place de l’argent pour aider les start-up et le secteur informel pour qu’ils se développent. Quand ces start-up se développent, ils vont payer des impôts et taxes, parfois de l’argent est perdu par l’Etat qui a investi. Peut-être dix sur 100 vont s’en sortir. Mais les dix vont générer de l’argent pour rembourser l’argent perdu. Donc l’Etat doit penser à mettre en place une banque publique d’investissement, ce qui se passe en France par exemple », explique Boubacar Bocoum.

Sinon, ajoute-t-il, les banques commerciales ne financent pas le secteur informel, parce que ce sont les mêmes groupes, les banques en Guinée sont les filiales des autres banques se trouvant au Sénégal, en Côte d’Ivoire, elles ont une politique sou-régionale commune.

Emmené à se prononcer sur le rôle que la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG) a à jouer dans cette chaine, une de nos sources indique que celle-ci n’en a aucun même s’il laisse paraitre que le gouvernement a un projet de création d’une banque pour financer l’agro-industrie( un secteur qui attire, de nos jours , beaucoup de jeunes  guinéens). A l’absence d’un financement de ce secteur par aucune banque primaire, les débutants se tournent souvent vers les institutions de microfinances ou des institutions étrangères, à travers les ambassades occidentales, pour trouver des sous.

Selon nos informations, les financements accordés aux activités commerciales d’import-export avoisinent les 70% des crédits commerciales contre moins de 5% pour les crédits agricoles, alors que ce secteur occupe près de 80% de la population active guinéenne.

Hafia Diallo  

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