Labe, la rebelle

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Le cortège du Premier Ministre a essuyé des jets de pierres la semaine passée à Labé. Dans un contexte tendu ou le tissu social est mis en jeu, il est essentiel de rappeler aux uns et aux autres que loin d’un acte commandité ou communautaire, il y a longtemps que Labé est devenue une ville ’’rebelle’’.

La ville de Labé est le chef-lieu de la préfecture de Labé, de la région administrative du même nom et capitale de la région naturelle de la moyenne Guinée. Grand centre urbain, elle est peuplée de près de 108.000 habitants et abrite les agences de la quasi-totalité des banques agrées en Guinée à commencer par la Banque Centrale ainsi que plusieurs activités culturelles comme les foires.

Les opérateurs de téléphonie mobile, y ont pignon sur une rue sans oublier le secteur informel qui fait d’ailleurs la force de la ville.

Auparavant, Labé était connue pour la douceur de son climat, la beauté de ses femmes, le respect des sages et son l’hospitalité légendaire. Mais depuis quelques années, la ville a pris goût à la contestation. Elle abrite aussi bien qu’à Conakry, des quartiers chauds comme Daaka, fiefs des différentes contestations.

Cela remonte à la révolte populaire qu’a connue la Guinée entre janvier et février 2007. Les jeunes de Labé se sont particulièrement illustrés dans le pillage des édifices publics, symboles de l’Etat. Quelques mois après cette grande contestation, le Président du patronat guinéen d’alors, Mamadou Sylla, actuel Président de l’UDG décide de s’y rendre. Il est attendu à l’entrée de la ville par un ‘’comité d’accueil’’ qui lui barre la route et l’oblige à retourner à Mamou.

Malgré le contexte d’après révolution de cette année (2007), aucune interprétation à connotation ethnique n’a été donnée à l’incident. Même si l’on a condamné l’acte des jeunes, tout le monde convenait que c’est un des symboles du régime Conté qui était visé et pas Mamadou Sylla le basse- côtier. Précision très importante dans un pays où la suspicion régionaliste a fini par avoir raison des esprits les plus équilibrés.

En 2019, rebelote. Le Premier Ministre Kassory Fofana choisit les villes de Labé et de Tougué pour le lancement de l’ANIES (Agence Nationale d’Inclusion Economique et Social) alors que la tension est à son comble dans le pays pour un éventuel referendum sur une Nouvelle Constitution. Alors que les corps des victimes des tueries de marches successives sont encore chauds, certains voient d’un mauvais œil l’arrivée du Premier des ‘’Ministres’’ d’un gouvernement qu’ils accusent être derrière ces tueries.

Son cortège est alors attaqué et il s’en sort de justesse. L’acte est déplorable à plus d’un titre. Ibrahima Kassory est d’abord citoyen guinéen et à ce titre, nul n’a le droit de lui interdire un micron du territoire national. Comme lui aussi ne peut l’interdire à un autre Guinéen.

Mais, il aussi essentiel de rappeler à tous les pyromanes que les actes déplorables d’un groupuscule de personnes ne doit nullement être interprété comme étant ceux de toute une région naturelle.

Depuis le lancement des marches de protestation du FNDC, c’est la seule ville qui n’a pas encore enregistré d’incidents aussi mineures que majeurs. A la dernière marche, certains membres du Front ont nettoyé le point de convergence où le meeting s’est tenu. C’était salutaire.

Il ne s’agit pas ici de disculper qui ce soit. Il appartiendra à la justice de situer les responsabilités dans cette affaire d’attaque. L’unité de la nation est aujourd’hui remise en question à cause d’incidents isolés. Une bonne partie de la commune urbaine de Labé s’est certes prononcée contre le projet de referendum constitutionnel, contre les tueries sur l’axe Le Prince mais pas contre la personne du Président de la République, ni contre celle du Premier Ministre encore moins de leurs communautés respectives. Ceux qui surfent sur cette vague doivent savoir qu’à l’image de Labé, toutes les grandes villes de la Guinée sont cosmopolites. Toutes les communautés y vivent en paix hormis quelques incidents.

Pour rappel dans la foulée du soulèvement populaire de janvier et février 2007, le Président Conté avait nommé le défunt Eugene Camara en qualité de Premier Ministre. Il n’en fallait pas plus pour que sa maison construite ‘’chez lui’’ à N’Zérékoré soit attaquée par certains habitants de la ville comme pour manifester leur opposition à la nomination d’Eugene, pourtant fils du terroir. Ce fut le symbole suprême selon lequel la lutte pour le développement ne connait ni région, ni communauté, ni origine. C’est ce qui se passe à Labé.

Alpha Oumar DIALLO

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