Alpha condé, bien plus démocrate que ses pairs de la sous-région francophone ? mauvaise perception ou effectivité ?

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S’il est avéré que la sous-région ouest africaine est encline à des situations de troubles dont les implications varient de l’instabilité politique à des menaces terroristes, il n’en demeure pas moins que ceux-ci soient la résultante d’une foultitude de phénomènes dont le plus important est la volonté du pouvoir viager des Présidents ouest africains.

Cette volonté viagère pourrait se concrétiser :

  • Soit par la confiscation du pouvoir par le moyen du tripatouillage constitutionnel ;
  • Soit par la confiscation du pouvoir par le moyen d’une transmission héréditaire ou clanique du pouvoir.

A quelques exceptions près, l’essentiel des Chefs d’états africains implémentent les mêmes recettes.

Quid de l’actualité guinéenne ?

Lors d’une récente interview accordée à nos confrères français de Libération, le locataire du Palais Sekhoutoureya a indiqué ces priorités de l’heure. Celles-ci consisteraient, selon le FNDC (Front National pour la Défense de la Constitution, ndlr),  à un referendum constitutionnel qui pourrait permettre à alpha Condé de briguer un troisième mandat à la tête de son pays.

http://guineeactuelle.com/doute-sur-le-fichier-electoral-guineen-alpha-conde-accuse-loif

Le double scrutin (législatif et référendaire, ndlr) prévu dimanche 22 mars 2020, si cela se produisait comme tel, Alpha Condé rejoindrait ces nombreux Chefs d’Etats, qualifiés de dictateurs, pour avoir modifié la Constitution dans leurs pays en vue d’un projet personnel. C’est un peu le cas d’un certain Blaise Compaoré, Faure Gnassimbé et cie.

Cependant, les modifications constitutionnelles aux fins d’un pouvoir viager suffisent-elles à qualifier un dirigeant de dictateur ? D’anti démocrate ?

La question reste toute ouverte. Car la démocratie, quoiqu’elle se réalise par le truchement du respect du principe de l’alternance politique au sommet du pays, elle reste cependant attachée à moult principes dont ceux de l’équité, de la transparence et de la justice, de la liberté de circulation et d’expression, mais surtout par l’instauration de la bonne gouvernance, gage de l’équilibre et de la séparation des pouvoirs.

De ce postulat, nombreux sont les Chefs d’Etats ouest africains pouvant être épinglés.

Tout d’horizon dans la sous-région

S’il est clair qu’à date, il y a moins de problème relatif à la problématique de l’alternance démocratique au pouvoir, il est aussi évident que certains de ces Etats souffrent d’énormes problèmes quant au pouls de la démocratie, la bonne démocratie garante de la paix, de la justice, de l’équité et de la quiétude sociale. C’est bien le cas du Niger, et des voisins sénégalais et ivoiriens. Pour ne citer que ceux-ci.

Pendant que le Président Mahamadou Issoufou du Niger, par ailleurs président en exercice de la CEDEAO, clame que le temps des 3èmes mandats est désormais révolu en Afrique, il opère autrement dans son propre pays. Les dossiers de corruption et de détournements semblent être bâclés, d’un côté. Et d’un autre côté, ceux relatifs à des arrestations d’opposants, dont le Président du parti Le Moden Fa Lumana, Hama Amadou, principal opposant au régime, qui pourtant, a dénoncé un procès politique, pour dit-il, l’empêcher de candidater à la prochaine présidentielle. Procédé qui consiste, selon ses propres termes, à liquider toute possibilité de donner corps et vie à une alternance crédible au Niger. Dans la même lancée, le Président Issoufou serait en train de préparer son ami et actuel Ministre de l’intérieur, Mohamed Bazoum, comme son successeur à la magistrature suprême.

Plus près de nous, en Côte-d’Ivoire, l’actualité semble plus alléchante. Non seulement le Président Alassane Ouattara vient d’affirmer qu’il ne briguerait pas de 3ème mandat, mais aussi, il a fait désigner son fieu, Amadou Gon Coulibaly, actuel Premier ministre, comme candidat de son parti, le RHDP, à la présidentielle d’octobre prochain.

Entre temps, tous les candidats sérieux pouvant prétendre à la succession du Président Ouattara ont été muselés, ou se trouvent dans des ennuis judiciaires qui ne sont guère prêts de finir avant l’an prochain. C’est le cas d’Henry Konan Bédié du PDCI, de Laurent Gbagbo du FPI, de Charles Blé Goudé de la Galaxy Patriotique, ou encore plus sérieusement de Guillaume Kigbafory Soro, ancien Premier ministre, Président démissionnaire de l’Assemblée Nationale et candidat déclaré à la présidentielle d’octobre 2020.

http://guineeactuelle.com/presidentielle-en-cote-divoire-ouattara-passe-la-main-a-coulibaly

Chez le voisin sénégalais, les choses se sont précisées dès le premier mandat du Président Sall. D’abord, ce fut l’arrestation en 2015, suivie d’une condamnation à 6 ans de prison, prononcée à l’encontre de l’ex-homme fort du Sénégal, le Ministre de la terre et du ciel, Karim Wade, fils du prédécesseur de Macky Sall, Abdoulaye Wade. Ensuite, une condamnation à 5 ans de prison fut également prononcée contre Khalifa Sall, le puisant maire de Dakar. Tous ont été accusés et condamnés pour crimes économiques.

Si, à date, le Président Sall ne laisse entrevoir aucune indication quant à son successeur désigné, maints observateurs opinent, déjà, sur l’hypothétique homme fort du régime, en l’occurrence Makhtar Cissé, actuel Ministre des Energies et du Pétrole, ancien conseiller de Macky.

 Alpha Condé, pourquoi procède-t-il autrement ?

Doublement condamné. D’abord par contumace à l’ère Sékoutouréenne. Ensuite pour rébellion sous Conté. Alpha Condé semble faire de la condamnation d’opposants, un crime impossible à commettre pendant son régime. Il a élevé cette pratique, commune à tous les Etats africains, au rang de crime de lèse-majesté. Il le clame dans tous ces discours. In fine, bonne caractéristique ou non pour son régime, c’est devenu son leitmotiv favori.

Sinon, ce n’est guère les dossiers d’incrimination qui seraient en manque dans ce pays, ni contre Sidya Touré, encore moins contre Cellou Dalein Diallo. Tous étant de puissants anciens Premiers ministres du Général putschiste Lansana Conté. Une situation fertile à la commission des crimes économiques.

Dès lors, que faudrait-il entrevoir ?

C’est pourtant simple. Au lieu de procéder à une chasse aux sorcières, tactique usitée par ses pairs, le timonier de la Guinée a décidé de procéder autrement. Mais avec vraisemblablement la même efficacité que ses pairs. C’est-à-dire, museler l’opposition à tout prix.

Le natif de Boké procède d’une technique, certes pas nouvelle, mais différente, appelée la fonctionnarisation de l’opposition. Son principal opposant, Mamadou Cellou Dalein Diallo, Président de l’UFGD, principal parti de l’opposition guinéenne, en raison de son titre de Chef de file de l’opposition, se gave de près de 500 millions GNF mensuels.

Pendant que Sidya Touré a, quant à lui, bénéficié d’un décret lui bombardant ‘’Haut Représentant du Chef de l’Etat’’. Position qui lui a permis d’insérer certains de ses fidèles dans le système et qui l’aurait permis de réactualiser ses avoirs pour ainsi alimenter ses caisses noires, selon ces détracteurs.

Par ailleurs, un autre fait, non des moindres, expliquerait ce stratagème de monsieur Alpha Condé. Il ne pourrait conduire son opposition dans les geôles parce que les ténors de celle-ci draineraient les mêmes casseroles que les caciques de son régime. Autrement dit, embourbé monsieur Dalein dans des ennuis judiciaires quasi-interminables, équivaudrait à embourber également moult de ses proches, dont son Premier ministre, Chef du Gouvernement. Mais aussi, son Ministre d’Etat, ministre secrétaire général du Gouvernement. Tous sont d’anciens gourous du régime Contéen. Pour ne citer que ceux-ci.

Alpha, politicien imprévisible

S’il y a un fait qui puisse au mieux qualifier le président guinéen, c’est bien son imprévisibilité. Plusieurs hommes à la voix écoutée au palais Sekhoutoureya affirment, sans ambages, que monsieur Alpha Condé chercherait à gagner du temps avec son projet de changement constitutionnel. Ils clament surtout que ce dernier voudrait prendre son opposition à l’usure. Car, selon l’un d’entre ceux-ci, à 82 ans, le Président n’aurait qu’une seule visée, protéger les acquis de son régime. Et la meilleure façon d’y procéder serait de désigner, lui-même, son propre successeur.

Fidèle aux discours extravagants et le plus souvent sans gants aucuns, Alpha Condé déclarait en 2013 : « D’ici quelques années, il n’y aurait plus d’opposition en Guinée ».

En février dernier, pendant la campagne référendaire, il avait clairement affirmé : « Ce n’est pas une question de 3ème mandat. Mais sachez qu’aucun de ces bandits ne viendra pour diriger notre pays. Je laisserai ce pays dans une main propre. »

Alors, Alpha Condé, plus démocrate que ses pairs ? Tout dépendrait de l’angle d’analyse. Tout ne serait in fine qu’une question de perception du problème. Car, pendant que l’opposition s’entre-tue sur la question du 3ème mandat, le dauphin du Président serait en train d’affiner ses dernières stratégies. Comme un peu partout chez nos voisins.

CHERINGAN

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