Un an de transition en guinée : quel bilan et comment réussir ? (par alpha diallo)

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L e 5 septembre 2022, il y a un an jour pour jour, le CNRD prenait le pouvoir, suite à un putsch. A la tête du bataillon des forces spéciales, le colonel Mamadi Doumbouya, chef de la junte, qui a déposé Alpha Condé, justifie le coup de force par la chosification du pouvoir, l’accaparement des richesses, la corruption, détournements. Ce qu’il a promis de rectifier. Un an après, que reste-t-il du premier discours du colonel, que retenir de la CNRD-Gouvernance ?

Avant fin septembre, le CNRD a pris sa toute première mesure forte en diminuant le prix du carburant à la pompe de 11 000 à 10.000 GNF, quelques jours après la prise du pouvoir. Puis se ravise en juin 2022 en plafonnant le prix à 12 000 GNF. Cette augmentation provoque une vague de colère à Conakry. Depuis, les prix des produits de grande consommation ont augmenté. Le transport aussi. L’inflation est partie à la hausse, (11% en glissement annuel en avril dernier).

Cependant, le gouvernement a réussi un exploit. La dette publique de la guinéenne a baissé de plus de 180 millions de dollars entre le premier et le deuxième trimestre 2022. L’annonce a été faite par le ministère guinéen de l’Economie, des Finances et du Plan, via un communiqué de presse publié sur son site Internet, le 23 août dernier.

Selon le Bulletin statistique de la dette publique, la dette du pays est passée de 7,203 milliards de dollars au premier trimestre à 7,018 milliards le trimestre suivant. Ce recul du taux d’endettement est le résultat de ‘’la gestion prudente de la dette, qui privilégie le recours aux emprunts concessionnels, en conformité avec les réformes des finances publiques’’. Pendant ce temps, la dette intérieure de la Côte d’Ivoire augmente de 19,47%.

Quelques acquis

Les autorités ont aussi réussi à redonner du souffle au franc guinéen face aux devises étrangères. A l’arrivée du CNRD, 100 euro valait 1 200 000 GNF contre 880 000 GNF actuellement ; 100 dollar valait 1 050 000 GNF contre 890 000 GNF actuellement (un peu plus que l’euro). Et 5 000 FCFA avant CNRD valait 90 000 GNF contre 65 000 actuellement.

Sauf que cette ‘’bonne santé’’ du franc guinéen n’a eu aucune incidence positive sur le panier de la ménagère. Les prix ont flambé. Avant le CNRD, une miche de pain d’un kilo valait 4 000 GNF contre 5000 actuellement, le lait, le sucre, le riz et tout le reste a augmenté. Spécialistes de l’économie, aidez-nous à comprendre.

Dans le domaine minier, le CNRD a renégocié le contrat sur le projet Simandou. Le nouveau contrat prévoit en outre l’octroi de 15% du chemin de fer et du port à l’État guinéen, en plus des 15% du minerai qu’il avait déjà. Ces participations sont gratuites et non diluables, les infrastructures seront gérées par une agence gouvernementale qui reste à créer.

Dans le domaine de la lutte contre la corruption, le colonel a créé la CRIEF, Cours de répression des infractions économiques et financières. Plusieurs cadres de l’ancien régime sont détenus à la maison centrale en attente de procès. Parmi eux, l’ancien PM Kassory Fofana, l’ancien président de l’Assemblée nationale, Amadou Damaro Camara, l’ancien ministre de l’Environnement, Oyé Guilavogui et l’ancien tout-puissant ministre délégué à la Défense, Mohamed Diané. Albert Damantang Camara a obtenu une libération provisoire et Louceny Camara, lui, est mort en détention.

Plusieurs autres cadres sont poursuivis, dont l’opposant Cellou Dalein Diallo dans le dossier Air Guinée, Mohamed Camara, ancien ministre de l’Economie et des finances dans le même dossier Air Guinée, et d’autres encore, comme Mohamed Lamine Bangoura, ancien président de la Cour constitutionnelle.

Le CNRD a également envoyé à la retraite plus de 7 000 cadres pour assainir le fichier de la fonction publique guinéenne, en annonçant des recrutements pour remplacer les partants. Des cadres qui ne sont pas postés ou qui sont postés, mais qui ne travaillent et qui, pourtant continuent d’émarger sont sommés de se présenter chacun à son service pour régler le problème. D’autres comme au ministère de la Justice sont poursuivis en justice.

L’organisation du procès dans le dossier des massacres du 28 septembre. Le juge Charles Wright a composé une liste de juge qui va conduire le procès, c’est une avancée significative, quand on sait que le régime précédent a passé 11 ans sans rien faire.

Autre chose, le colonel a réactivé les chantiers dormant du défunt régime, notamment l’échangeur de Bambéto, dont il a posé la première pierre, celui de Kagbélin et du KM36.

La rupture

Plus le temps passe, plus le CNRD devient dur et semble carrément se détourner des premiers discours du colonel. Avec le FNDC, le courant ne passe pas depuis l’avortement du dialogue lancé par le PM, Mohamed Béavogui. Et le refus du CNRD de publier la liste de ses membres, déclarer les biens des ministres et présidents d’institution, ou encore de raboter le délai de 36 mois fixés par le CNRD validé par le CNT. Encore que, à date, personne ne sait exactement depuis quelle date cette durée a commencé. Si elle a commencé.

L’escalade entre les deux a conduit à des manifestations avec des morts par balle. Et pour couronner le tout, le gouvernement a « dissout » le FNDC, qui, actuellement évolue dans la clandestinité. Ses cadres comme Oumar Sylla ‘’Foniké Mengué’’, Ibrahima Diallo et autres sont en prison. Les autres, recherchés.

L’opération de récupération des domaines de l’Etat a aussi touché les leaders. Cellou Dalein Diallo a été déguerpi, son domicile rasé alors que le dossier était à la justice. Sidya Touré a vu son domicile octroyé au BGDA, Bureau guinéen des droits d’auteurs comme siège, alors que lui aussi a saisi la justice. Les deux leaders sont en exil. Et depuis, l’opération est comme suspendue. Pourquoi ?

Il y a également que le CNRD a interdit toute manifestation, en violation de sa propre charte. Toutes les manifestations sont systématiquement réprimées. Le dialogue, rompu. Autant de frustrations qui ne favorisent pas un apaisement.

Tout n’est pas perdu

Mais, le colonel peut se reprendre. Le 25 août, le colonel Mamadi Doumbouya a reçu le rapport de la commission réconciliation nationale. Même si le contenu n’est pas rendu public en totalité, les rédacteurs ont demandé au colonel d’indemniser les victimes des violences et manifestations, diminuer le nombre des partis politiques. Si le colonel a fini par accepter la nomination d’un médiateur par la CEDEAO, ce n’est pas suffisant pour apaiser, il devra :

  • Relancer le dialogue de façon sincère avec les partis politiques les plus représentatifs de la population, le FNDC et les entités qui ont des revendications. Si nous prenons l’exemple du Tchad, le gouvernement de transition a discuté à Doha avec même des groupes armés. En Guinée, il n’y pas encore de groupe armé, juste des partis politiques et de la société civile ;
  • Rétablir le droit de manifester qui figure même dans la Charte de la Transition que le CNRD a rédigé tout seul;
  • Publier la liste des membres du CNRD ;
  • Procéder à la déclaration des biens de tous les membres du gouvernement et des présidents des institutions républicaines ;
  • Boucler les dossiers judiciaires, organiser les procès ou libérer les prisonniers en attendant ;
  • Honorer son engagement de ne pas recycler les anciens cadres surtout ceux qui sont clivant ;
  • Faire des enquêtes pour situer la responsabilité de chacun dans les tueries lors des manifestations.

Si le CNRD capitalise ses résultats économiques, relance le dialogue pour apaiser les frustrations, établit un calendrier clair et précis avec un plan d’action, il n’y a pas de raison que la crise perdure.

Alpha Diallo

Fondateur de www.guineeactuelle.com & Directeur général AFRI GO DIGIT INTL LTD

 

 

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